Poète de malédiction, Baudelaire est toujours très actuel dans cette société moderne de consommation, non seulement en raison de ses contributions à la poésie moderne, mais aussi de sa philosophie non-conformiste qui préconise le refus denlisement dans le confort et laspiration à la beauté digne de Keats. Il importe de lire et relire les fleurs du mal pour sentir le parfum des fleurs du mal. Dans cette société de plus en plus égo?ste et utilitaire, on est condamné à vivre au milieu des ennuis. Le spleen baudelairien nest-il pas la beauté des fleurs du mal? Nest-il pas bon dadmirer cette beauté froide baudelairienne? Ce cueilleur des fleurs du mal continuera à exercer son influence à travers des siècles et à nous inspirer à la recherche dun esprit noble.
Le mot spleen était connu du XVIIIe siècle, assez nouveau cependant pour que Diderot joue à le définir. Puis le petit Romantisme en abusa. Mais, ce mot para?t pour nous dater de Baudelaire: nous disons facilement le spleen baudelairien. Par contre, Baudelaire lui-même ne l'emploie jamais à l'intérieur d'un vers. Il avait en fait deux origines: du point de vue étymologique, ce mot est issu du mot grec qui désignait la rate, il situait un dérèglement organique, et c'est en ce sens que la médecine des humeurs l'employait: on connaissait au XVIe siècle une melancolia splenica; du point de vue géographique, ce mot a pour origine anglaise. Dans les journaux comme dans les poèmes, on disait couramment: le spleen anglais. Tout au long du siècle le mot reste accompagné du qualificatif qui rappelle sa provenance et sa singularité. Le mot apportait avec lui le climat que l'on prête à ce pays: de la neige, de la pluie, de la boue, un brouillard chargé de charbon et qui colle à la peau. Il retrouvait ainsi une connotation organique en accord avec son étymologie oubliée. Mais les ciels bas et les brouillards suscitent des distractions cruelles, et le spleen a désigné, en même temps que son décor météorologique, l'ennui inquiétant des Anglais. Dans l'espace littéraire, les ciels, les rues et les solitudes des vieilles capitales se ressemblent, et l'on a pu passer d'un authentique spleen de Londres à un poétique spleen de Paris.
Chez Baudelaire, le spleen devient une des composantes essentielles de l'angoisse d'exister. Dans la section des Fleurs du mal, intitulée "Spleen et Idéal", il prend une place centrale et constitue le mal auquel est confronté le poète qui tente de lui opposer le contrepoison de l'Idéal, représenté par exemple par l'amour idéalisé ou la quête de la Beauté. Dans le poème intitulé "Spleen", composé de cinq quatrains en alexandrins, est décrit cet état spécifique qui définit, selon Baudelaire, la condition humaine.
Pour évoquer le ciel bas, les chutes ou les horizons rédempteurs de ce trajet, Baudelaire a utilisé le vocabulaire qu'un demi-siècle de poésie de la douleur lui avait préparé. Mais, analyste moderne, il a différencié le sens de ces mots que Chateaubriand, ou Musset avaient répandus dans le Romantisme. C'est sur l'ennui que Baudelaire a le plus fermement posé sa marque. L'expression littéraire de ce mal datait pour le moins de Sénèque, qui savait que l'amertume du c?ur peut conduire au suicide et qu'elle résiste même au voyage puisque dans sa fuite on n'emporte jamais que soi: Tecum fugis. Pascal avait donné de l'ennui l'image, presque l'allégorie, d'une puissance autonome et venimeuse: " (…) l'ennui, de son autorité privée, ne laisserait pas de sortir du fond du c?ur où il a des racines naturelles et de remplir l'esprit de son venin. "A partir de Chateaubriand le mot fut partout, au point que le vrai René fut encombré de ses disciples, qu'il traite de "grimauds sortant du collège ".
Mais l'ennui n'était pas alors un sentiment coupable. Il apportait avec lui la noblesse des ?mes que le malheur sélectionne. Et peut-être venait-il du Ciel ? René disait: " Nous avions tous les deux un peu de tristesse au fond du c?ur: nous tenions cela de Dieu ou de notre mère. " Effet d'une insatisfaction dont nous ne sommes pas responsables, l'ennui n'est que l'envers d'un instinct essentiel.
Le spleen est pour Baudelaire le ma?tre de sa description de toutes les détresses et de toutes les angoisses de lexistence. Cest une terrible prise de conscience de la malédiction qui pèse sur le génie poétique condamné à vivre au milieu des railleries du monde. Le spleen cest surtout lennui, ce sentiment terrible de la médiocrité inexorable du quotidien qui anéantit tous les dons et toutes les espérances du génie.
Baudelaire s'est penché sur le réseau hétérogène de l'ennui romantique, et il en a isolé le filon maléfique. Il l'a vu se dessiner comme un monstre hurlant avec les autres bêtes fauves du c?ur. La nouveauté du prologue des Fleurs du mal est d'avoir déclaré que l'Ennui est un Vice. Le signe de l'élection divine est devenu celui de l'élection satanique. L'ennui est le thé?tre du sadisme. Il arrive à Baudelaire d'employer le mot dans une acception moins agressive , mais il désigne toujours un état de torpeur négative. L'ennui étouffe même la mélancolie.
S'il en a prélevé les composantes les plus noires, Baudelaire n'a pas pour autant anéanti la mélancolie romantique. Il en a saisi et fécondé le contenu positif. En effet si le spleen et l'ennui sont des états sombres et négatifs parce que l'espérance n'y a plus de place, la mélancolie s'éclaire des rémanences d'un bonheur approché et perdu, dont la pensée ne peut se détacher. La mélancolie est plut?t la douleur d'une distance que d'une absence.
Plaintif est l'épithète qui revient pour exprimer cet appel mélancolique des ?mes ou des symboles: plaintifs les pastels oubliés, plaintifs les yeux mortels, dérisoires miroirs de la pure lumière, plaintifs les cris qui rappelleront peut-être le vert paradis, plaintives la poésie de Poe, et les mélodies de Weber, et les couleurs de Delacroix. Baudelaire libérait ainsi la mélancolie des tristesses individuelles auxquelles elle paraissait asservie .
L'auteur des Fleurs du mal a codifié les catégories diffuses de l'ennui romantique. Des sentiments et des mots qui auraient pu être de convention, il a extrait des fa?ons modernes d'être et de souffrir. Perception organique de l'ennui, le spleen s'est accordé avec la part nouvelle que ce poète souffrant donnait au corps. Vice man?uvré par le Démon, l'Ennui apporte la preuve expérimentale du principe des deux postulations. Soustraire aux situations anecdotiques la mélancolie oriente vers un Ciel les supplications convergentes des " cerveaux congénères ". Ainsi redéfinis, le spleen, l'Ennui, la mélancolie ajoutent aux visages de la Douleur, qui est l'un des mots les plus reparaissant des Fleurs du mal. Baudelaire est le plus grand poète de la Douleur, de la Douleur toujours recommencée.
Le spleen baudelairien représente un état mélancolique sans cause définie, cest un mélange dangoisse, de peur du temps qui passe, dennui profond, de mélancolie, de claustrophobie, de désespoir, de recherche dun idéal impossible à atteindre, donc de déception…
作者簡介:杨超(1981.04-),男,山东泗水人,汉族,研究生,助教,研究方向:法语语言文学,口笔译实践。