L’avantage du « suiveur » n’est pas éternel par Mei Xinyu
Rester compétitif
L’avantage du « suiveur » n’est pas éternel par Mei Xinyu
EN 2016, la Chine a réalisé pour 5 500 milliardsde dollars de paiements mobiles, contre 112 milliards pour les États-Unis. Le pays possède une avance importante sur les pays occidentaux dans ce domaine, principalement grâce au fait d’être arrivé tardivement sur le marché : la Chine n’avait pas la culture du paiement par carte bleue et a donc pu passer directement au marché des paiements mobiles. Lors de sa période de forte croissance économique, des cas similaires sont survenus dans différents secteurs, comme les services et la production manufacturière ou encore les infrastructures et le e-commerce.
La Chine est devenue la première nation manufacturière, la plus grande exportatrice et la deuxième économie au monde. Néanmoins, lorsque d’autres technologies alternatives avancées seront disponibles, elle pourrait également être remplacée par les marchés émergents d’aujourd’hui, si elle ne parvient pas à s’adapter. Nombreux sont ceux dans les économies émergentes, qui étudient la voie du développement de la Chine afin de la surpasser. ll est fort probable qu’un ou plusieurs de ces pays ont déjà suffisamment de ressources et de capacités pour prendre l’avantage de leur statut de « dernier arrivant » dans certains secteurs. Ceux qui les aident pourraient même être des innovateurs venus de Chine.
En septembre 2010, l’Inde a lancé son système d’identification biométrique et mis en place un numéro d’identification unique à douze chiffres nommé « Aadhaar » pour sa population. Celui-ci fait partie de l’initiative « Digital India » du Premier ministre Narendra Modi. EyeSmart, une entreprise basée à Beijing, a participé à ce système d’identification biométrique et fourni un soutien technologique clé.
L’Inde a ainsi pu établir le plus grand système d’identification biométrique au monde et adopter la technologie la plus avancée de reconnaissance de l’iris, principalement parce qu’il n’avait auparavant pas de système de vérification d’identité. Maintenant qu’il a suffisamment de ressources et de capacités pour construire un système d’identification au niveau national, il a fait le choix d’employer la technologie de reconnaissance par l’iris la plus avancée. Avec les terminaux portables et bon marché de reconnaissance de l’iris développés par la Chine, EyeSmart a permis à l’Inde d’avoir plus facilement la base de données sur la population la plus avancée au monde. Pourtant, la Chine n’a pas encore établi son propre système national de reconnaissance de l’iris.
La Chine a surpassé les pays occidentaux dans de nombreux aspects technologiques, mais peut-elle maintenir son leadership ?
Un train à suspension magnétique à vitesse faible à moyenne développé indépendamment par la Chine à Changsha, province du Hunan.
Aux États-Unis, certains secteurs qui étaient autrefois leaders sur le marché mondial affrontent aujourd’hui des difficultés. L’industrie sidérurgique est l’un d’entre eux et l’industrie automobile américaine dépend désormais du protectionnisme pour survivre. En février, le Département américain du Commerce a déterminé que les importations d’acier inoxydable chinois seraient sujettes à des droits de douane anti-dumping passant de 63,86 % à 76,64 %, avec des droits compensateurs allant de 75,6 % à 190,71 %.
Des droits de douane aussi stupéfiants démontrent à quel point l’industrie sidérurgique américaine a perdu de sa compétitivité. Il y a quelques décennies, elle était un leader absolu sur le marché mondial. Du début du XXesiècle à la fin de la Deuxième guerre mondiale, l’industrie sidérurgique américaine possédait un avantage technologique et productif significatif sur ses concurrents. Mais dans les années 1980, elle s’est laissé distancer par ses homologues au Japon et en Europe. En 1982, 77 % de la production d’acier au Japon était réalisée par le processus avancé de coulées continues, tandis que 45 % de la production de la Communauté européenne utilisait cette méthode. Selon Chen Baosen, un chercheur de l’Académie chinoise des sciences sociales, cette proportion n’était cependant que de 21 % aux États-Unis.
Une étude sur l’industrie de la production manufacturière réalisée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) montre qu’au début des années 1990, il fallait entre quatre et cinq ans aux États-Unis pour planifier, concevoir et construire un nouveau haut-fourneau, contre seulement trois ans au Japon. De même, il fallait environ 1 700 dollars pour produire une tonne d’acier dans une usine nouvellement construite aux États-Unis, contre 700 à 1 500 dollars dans d’autres pays.
L’industrie automobile américaine affronte des difficultés similaires. Du fait du déclin des industries sidérurgique et automobile, la partie des États-Unis qui était autrefois le moteur de la première puissance industrielle au monde est désormais une « ceinture de la rouille ».
Quelles sont les causes du déclin de l’industrie sidérurgique américaine ? Le facteur le plus important fut la longue durée de son statut dominant, qui a rendu cette industrie peu attentive à l’amélioration de sa productivité. Elle était dépendante de sa domination pour maintenir les profits et investissait fortement dans des opérations – ratées – de diversification. Afin de maintenir sa domination, elle a recouru à diverses mesures protectionnistes, plutôt que de réaliser des progrès technologiques et d’améliorer sa productivité.
Depuis l’action anti-dumping intentée en 1968 contre l’industrie sidérurgique japonaise, quasiment tous les présidents américains ont lancé des mesures commerciales correctives contre les importations de produits sidérurgiques. De 1980 à la fin de l’année 2001, les États-Unis ont lancé 538 enquêtes anti-dumping et anti-subventions sur les produits sidérurgiques importés, soit une moyenne de 25 dossiers par an et 42 % du nombre total d’affaires de ce type aux États-Unis. Entre 1995 et 2001 notamment, 201 enquêtes ont été engagées, soit une moyenne de 29 affaires par an et 66 % du total dans le pays.
À la fin 2002, les États-Unis avaient lancé 179 mesures protectionnistes pour leurs produits sidérurgiques, soit 58 % des mesures de sauvegarde commerciale dans le pays. Le déclin de l’industrie sidérurgique américaine depuis les années 1980 est principalement dû au protectionnisme commercial, qui a bloqué la détermination des industries sidérurgiques à innover.
Que peut faire la Chine pour empêcher que « l’avantage du suiveur » – cette lame à double tranchant – ne lui nuise ? L’objectif le plus important est de maintenir la compétitivité autant que possible. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de travailler à réduire les coûts et à éliminer les barrières technologiques.
L’une des barrières économiques les plus importantes se manifeste par les coûts perdus immenses des technologies périmées. Peu disposés à abandonner leurs investissements, de nombreux leaders industriels sont réticents, voire refusent, d’utiliser les nouvelles technologies. Pour éviter cela, le gouvernement doit imposer des taux d’amortissement plus rapides pour les équipements de production et, dans certains secteurs connaissant des progrès technologiques rapides, l’amortissement doit être accéléré.
Pour encourager les entreprises à remplacer les équipements devenus désuets par des équipements neufs, le gouvernement doit promouvoir les marchés des équipements d’occasion, afin de réduire les coûts liés aux investissements dans les nouvelles technologies et les nouveaux équipements.
Les monopoles doivent également être cassés pour stimuler la motivation des entreprises à innover sur le plan technologique, permettant ainsi la poursuite des réformes et le maintien de la compétitivité des entreprises. CA
(L’auteur est chercheur au sein de l’Académie chinoise de commerce international et de la coopération économique.)