L’Afrique sur les toiles

2017-05-12 05:30DespeintreschinoischerchentinspirationenAfriqueparFranoisDubetCuiXiaoqin
中国与非洲(法文版) 2017年4期

Des peintres chinois cherchent l’inspiration en Afrique par François Dubé et Cui Xiaoqin

L’Afrique sur les toiles

Des peintres chinois cherchent l’inspiration en Afrique par François Dubé et Cui Xiaoqin

WANG Zhao se souvient du moment où elle a vule continent africain par le hublot de l’avion. Cette jeune femme de 32 ans, diplômée de l’Académie centrale des Beaux-Arts de Chine en 2009, se remémore encore la scène. « Quand l’avion a commencé à descendre, un océan bleu au milieu de la terre africaine est apparu à travers les nuages : c’était l’énorme lac Malawi, dont les eaux cristallines brillaient sous les rayons du soleil, entourées par de grandes étendues de forêts verdoyantes. »

À ses côtés, quatre autres artistes, tous invités par le gouvernement chinois à voyager en Afrique pour chercher l’inspiration et renforcer les échanges culturels. Pendant onze jours, du 9 au 19 janvier 2017, ce groupe d’artistes a visité trois pays – le Malawi, la Tanzanie et Maurice. Alors que l’avion volait encore au-dessus du Malawi, les cinq peintres – deux femmes et trois hommes – ne savaient pas encore qu’un festin artistique exotique les attendait sur le terrain. Une atmosphère tendue et nerveuse régnait dans le petit avion, se souvient Mme Wang, la cadette du groupe.

Pour la plupart d’entre eux, c’était la première fois qu’ils se rendaient en Afrique. Certains ont même hésité avant d’accepter l’invitation, parce qu’ils ne connaissaient rien de l’Afrique. C’est le cas de Fu Xuming, 44 ans, professeur à l’Académie centrale des Beaux-Arts de Chine et à l’Académie des Beaux-Arts de l’Université Tsinghua. « Quand j’ai reçu cette invitation, je n’ai pas pu y croire. Il me semblait que l’Afrique était si éloignée et si improbable », a-t-il déclaré à CHINAFRIQUE. Mais quand l’avion a finalement touché le sol africain après plus de 20 heures de vol, le spectacle l’a frappé. Leur première destination, le Malawi, connu pour être le « cœur chaud de l’Afrique », les a accueillis chaleureusement, fidèle à sa réputation, a souligné M. Fu.

Cinq artistes à la recherche d’inspiration à Maurice.

Voyage dans le temps

Le groupe a été accueilli à l’aéroport par l’ambassadeur de Chine au Malawi Wang Shiyan, qui a présenté immédiatement la « mission » aux membres de la troupe artistique : lutter contre les malentendus et les préjugés du public envers le continent africain. Il a souhaité que les artistes soient capables d’exprimer avec leurs pinceaux les facettes positives de l’Afrique, notamment sa nature étonnante.

Organisé et financé par le Centre chinois des échanges culturels internationaux, une institution du ministère chinois de la Culture, ce voyage artistique avait pour objectif de permettre aux plus grands peintres chinois d’avoir une expérience personnelle sur l’Afrique pour la présenter à leurs compatriotes. Les œuvres inspirées et créées à la suite de ce voyage seront ensuite exposées dans la ville de Mianyang, province du Sichuan le 15 avril 2017, dans le cadre de l’« Exposition d’une Ceinture et une Route », organisée conjointement par l’Institut de culture et d’arts du Sichuan et le Centre chinois des échanges culturels internationaux. Cette visite en Afrique fait partie du programme de visites d’échanges culturels sino-africains, dans le cadre du Plan d’action de Johannesburg (2016-2018), élaboré par le Forum sur la Coopération sino-africaine visant à accroître les échanges mutuel entre l’Africain et la Chine.

Fu Xuming avec une de ses œuvres.

Un croquis de Zhang Chun au Malawi.

Accompagnés des membres de la mission médicale locale chinoise au Malawi, les peintres ont visité le grand lac Malawi, avant de se diriger vers le Massif de Zomba. Quelques jours plus tard, les artistes chinois ont commencé à dessiner des croquis qui allaient ensuite leur servir de trame dans leur travail en Chine. Voyant de nombreuses bicyclettes et la vie simple des gens, ils ont trouvé au Malawi un sentiment inattendu de nostalgie pour une époque révolue.

Liu Kai, 48 ans, professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Shandong, décrit son expérience au Malawi

comme un « retour dans le temps ». La vie simple mais heureuse lui a rappelé l’époque perdue de la Chine dans les années 1980. « Le temps semble différent ici. Les changements en Chine depuis les années 1970 ont été si grands alors que le temps au Malawi semblait aller au ralenti », a-t-il dit à CHINAFRIQUE.

Zhang Chun, 47 ans, vice-président de la Société de peinture à l’huile du Shandong, partageait ce sentiment : « Le Malawi m’a donné le sentiment de remonter dans le temps et dans l’espace. En visitant ces vieilles villes et ces petits villages, j’avais l’impression de revenir dans mon passé. Cependant, dès que l’on retourne dans la capitale, avec son centre des conférences, ses énormes hôtels, ses publicités, c’est le retour à la modernité. J’aime ces conflits et ces contradictions, et cela se reflétera dans mes œuvres », a-t-il remarqué.

Quant à Mme Wang, ce sont les petits détails de la vie au Malawi qui l’ont le plus inspirée. « Les maisons traditionnelles du Malawi, faites de terre et de chaume, les toits rustiques et les clôtures tressées, ce sont des choses que vous ne pouvez pas trouver ailleurs », a-t-elle précisé. « Ces choses n’existeront pas toujours. Comme la Chine, l’Afrique se développera et ces petits détails de la vie vont disparaître. »

Une culture vivante

Le 12 janvier, le groupe est arrivé à l’aéroport international Julius Nyerere de Dar es Salam, en Tanzanie. Sous une vague de chaleur brûlante, ils ont visité un village connu pour son art du tingatinga, une forme de peinture unique locale datant des années 1960. Sous plusieurs couches de peinture, les couleurs vives du tingatinga représentant des animaux et des scènes de la vie africaine ontlongtemps été des œuvres prisées par les touristes.

Peinture d’une femme de Tanzanie de Fu Xuming.

Fu Xuming, spécialiste du guohua, une forme de peinture chinoise traditionnelle en noir et blanc avec des paysages de montagne et de fleuve, est tombé en admiration devant le style naïf, enfantin et direct du tingatinga. « Le tingatinga est riche en éléments africains typiques », a-t-il expliqué à CHINAFRIQUE. « Le plus important dans l’art africain, c’est qu’il est sans aucun doute la plus ancienne forme d’art de l’humanité. Il a conservé cet aspect primitif mieux que l’art chinois, et c’est son plus grand charme. Il exprime les choses directement. »

Le tingatinga n’est pas en tant que tel une forme traditionnelle d’art africain, parce qu’elle est apparue seulement récemment. Mais son style est très vivant et attrayant, selon Mme Wang, « Ce style africain a inspiré Picasso, et a également enflammé la passion créative de notre groupe », a-t-elle noté.

Les cinq artistes se sont inspirés des créations, mais aussi des artistes tanzaniens euxmêmes, pour qui la création est une question de survie. Chen Cheng, 38 ans, peintre et employée du Centre chinois des échanges culturels internationaux, explique : « La vie des créateurs de tingatinga n’est pas aussi colorée, pleine d’humour et détendue que leurs peintures. Ces tableaux sont comme eux : ils montrent une attitude positive et optimiste envers la vie, malgré toutes les difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Ils s’efforcent de faire briller les belles couleurs et le rythme joyeux à travers les fissures d’une vie dure et difficile, et je pense que c’est ce qui impressionne le public. »

Une mosaïque culturelle

Le 15 février, le groupe a atteint l’île Maurice, à environ 2 000 km au large des côtes de l’Afrique. Après un vol un peu mouvementé, les cinq artistes ont mis le pied sur le sol mauricien, soulagés et charmés par la tranquillité de l’île.

À leur arrivée, ils ont visité le cap Malheureux et son église emblématique à toit rouge, le Musée de la canne à sucre et un temple chinois, érigé au 19esiècle par des descendants d’immigrants de la province du Guangdong, dans le sud de la Chine. La coexistence pacifique et le mélange des différentes cultures créent une mosaïque charmante. Inspirée par ces échanges culturels entre les Indiens, les Européens, les Chinois et les autochtones, Mme Cheng, a saisi ces occasions pour croquer la population locale.

Après son retour en Chine, elle a créé quatre peintures représentant la riche mosaïque culturelle du pays. « Je suis intéressée par la vie des gens ordinaires à Maurice, leurs moyens de subsistance et leur histoire », a-t-elle confié . Parmi ces tableaux, on trouve le portrait d’une vieille femme indienne dans une robe traditionnelle, avec une expression satisfaite sur son visage. La peinture, explique Mme Chen, symbolise le bonheur des immigrants de la première génération à Maurice qui peuvent maintenant profiter de la vie après des annéesde dur labeur. Une autre peinture représente deux jeunes femmes, l’une d’origine chinoise et l’autre africaine, faisant une promenade dans le quartier chinois de l’île Maurice, symbole de la forte diversité culturelle de l’île. « Ces peintures cherchent à exprimer les histoires racontées par ces personnes d’un âge différent et d’une apparence variée, et montrer que les gens de différents pays ont été en mesure de construire une vie confortable à Maurice », a déclaré Mme Chen.

Une boutique de tingatinga en Tanzanie.

Les têtes et les valises pleines

Après un voyage court mais chargé, les cinq artistes sont rentrés chez eux avec leurs valises pleines de souvenirs et la tête fourmillant d’inspiration. En Chine, ils ont mis sur la toile leurs impressions et leurs rencontres.

Selon Mme Wang, « l’énergie cinétique » de l’art africain l’a impressionnée le plus. Elle songe à intégrer ces influences dans ses créations futures. « J’aime la nature primitive de l’art africain, car, bien qu’il ne soit pas complètement mûr, il contient beaucoup de force. Il ressemble à des œuvres au tout début du modernisme, englobant des éléments naturels, mystérieux et spécifiques », a déclaré Mme Wang à CHINAFRIQUE. « L’art africain est inimitable, et son rythme est vraiment différent de celui du reste du monde. »

Les Chinois peuvent accepter et reconnaître facilement cette forme d’art, car les artistes de Chine et d’Afrique font face à des défis substantiellement similaires, auxquels l’art peut donner des réponses perspicaces, d’après Mme Wang. « Face à l’industrialisation et à la modernisation du monde occidental, les Chinois et les Africains doivent trouver leurs propres façons d’affronter ces chocs et de vivre en paix entre eux et avec le monde extérieur », a-t-elle estimé.

En outre, Zhang Chun pense que les échanges entre les artistes africains et chinois peuvent ouvrir des portes à de nouvelles idées et s’efforcer de trouver des solutions aux questions fondamentales pour ces deux civilisations. « Comment pouvons-nous réaliser la modernisation

sans renoncer à notre passé ? Comment pouvons-nous conserver nos spécificités en développant pleinement nos capacités et en nous intégrant parfaitement dans la modernité ? Ce sont des défis communs auxquels sont confrontés les arts chinois et africains », a remarqué M. Zhang.

Fu Xuming, qui était peut-être le plus hésitant à s’engager dans ce voyage, sent maintenant que cette visite aura vraiment valu la peine. En fait, il envisage d’y revenir une autre fois. Ce voyage en Afrique lui a permis d’explorer plus profondément l’art africain et d’ouvrir des portes accédant à un monde artistique complètement différent. « Les arts africains ont influencé et inspiré plusieurs grands peintres occidentaux », a déclaré M. Fu. « Grâce à ce voyage, j’ai compris pourquoi c’était le cas. D’un point de vue évolutif, l’Afrique est le berceau de l’humanité, et je crois qu’il en va de même sur le plan artistique. » CA

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