SUN XUAN*
Né en 1948, Li Wentao est originaire de Jingezhai, un village de l’arrondissement de Miyun, au nord-est de Beijing.Malgré ses 73 ans, il est encore robuste et en bonne santé. Son savoir-faire enlubanzhena été inscrit sur laListe du patrimoine culturel immatériel de Beijingen 2007.
Dans la cour de Li Wentao se dresse un pavillon hexagonal, autour duquel courent des coqs, des oies et un grand chien-loup. L’œil du visiteur est également attiré par un stock de bois.L’endroit comporte trois pièces : la première sert de logement à Li Wentao et son épouse, la deuxième est une salle d’exposition lumineuse soigneusement rangée, et c’est en traversant celle-ci qu’on atteint la troisième pièce, l’atelier où M. Li pratique son artisanat, lelubanzhen.
Li Wentao présente une chaise de son invention.
On dit que lelubanzhen, qui signifie littéralement « oreiller Luban », a été créé par Luban, un artisan de la fin de la période des Printemps et Automnes(770-476 av. J.-C.). Il s’agit d’un assemblage à tenon et mortaise en bois qui, déplié, peut servir de tabouret et,replié, de repose-tête. Au fil du temps,le secret de sa fabrication a presque disparu, et très peu de gens sont encore capables aujourd’hui de restituer cet ancien petit mobilier à double fonction.
La première rencontre de M. Li avec lelubanzhena eu lieu à l’âge de 15 ans chez sa grand-mère, éveillant sa curiosité. « J’étais vraiment fasciné par sa structure magique et j’avais envie d’en faire un moi-même », se souvient-il.
Manquant de bois et d’outils, il n’a pu réaliser son souhait qu’à 19 ans, de mémoire, grâce à l’aide d’un maître charpentier. « Au bout d’une journée et d’une nuit entière, j’ai réussi à finir unlubanzhen, bien sûr sans le polir.C’était excitant ! » Dès lors, il n’a cessé de se perfectionner, malgré les difficultés financières, comme le souligne son épouse. « Cela coûtait plus que ça ne rapportait. Les matériaux, les outils étaient trop chers. » Li Wentao a donc dû trouver de quoi gagner sa vie grâce à de petits boulots.
La salle d’exposition de Li Wentao
En 2005, un couple de citadins a voulu acheter son tout premierlubanzhenconfectionné des décennies plus tôt. Étant donné que sa famille était à court d’argent à ce moment-là, il l’a vendu, contre son gré. La même année,Beijing a commencé à inventorier son patrimoine culturel immatériel. L’arrondissement de Miyun a soumis le savoir-faire de Li Wentao et deux années plus tard, la demande a été acceptée.Cet ébéniste a été désigné héritier de l’artisanat dulubanzhenau niveau de l’arrondissement en 2009 et de la municipalité en 2018.
S’il a alors bénéficié d’une certaine aisance financière, il a aussi endossé de nouvelles responsabilités en ce qui concerne la promotion de son savoirfaire. C’est un grand bonheur pour lui.Ces dernières années, il a effectué la tournée des écoles et des communautés locales pour mieux faire connaître les techniques classiques. Apporter des outils lourds et du bois n’est pas très pratique, M. Li recourt donc souvent à des radis et des couteaux à fruit pour représenter la fabrication d’unlubanzhen, ce qui est à la fois sûr et ludique.Il lui arrive même parfois de participer à des échanges internationaux : en 2012, il s’est rendu en République de Corée avec ses œuvres et a exposé son savoir-faire enlubanzhenà la population locale.
On lui a proposé de vendre ses créations sur Internet, mais il rejette cette idée. « Cela me prendrait beaucoup trop de temps de gérer une boutique en ligne. Je préfère l’utiliser pour la fabrication », explique-t-il.
Bien que Li Wentao se contente d’une vie humble, il ne se repose pas sur ses lauriers et use de sa créativité pour concevoir du petit mobilier, par exemple des chaises, des tables basses et des supports d’ordinateur, en faisant toujours appel aux techniques d’assemblage à tenon et mortaise.
Concentration, innovation et recherche de la perfection : Li Wentao a bien compris l’esprit du maîtreartisan. Quand nous lui avons demandé comment il parvenait à se concentrer sur ce seul savoir-faire, il a répondu : « Mon secret, c’est que j’aime ça. Je ne cherche ni les récompenses ni la gloire. »