L’Afrique à vélo

2016-12-01 08:08LiXiaoyu
中国与非洲(法文版) 2016年11期

L’Afrique à vélo

Un jeune cycliste chinois traverse l’Afrique en deux ans par Li Xiaoyu

Combien de temps faut-il pour se rendre au Cap de Bonne-Espérance en partant de Chine ? En vol direct, une dizaine d’heures ; à l’époque des Grandes découvertes, il aurait fallu quelques mois ; et à vélo ? 26 mois, c’est en tout cas le temps qu’il a fallu à Du Fengyan. Le jeune informaticien a 25 ans lorsqu’il part de Nanning, au sud-est de la Chine, en août 2011. Il entame alors une véritable odyssée de plus de 35 000 km traversant 22 pays à vélo, parmi lesquels le Vietnam, l’Inde, l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie, la Somalie, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, pour finalement atteindre son objectif en octobre 2013 : le Cap de Bonne-Espérance, en Afrique du Sud. Il partage aujourd’hui sa passion pour le continent africain avec une série de photos intitulée Portraits du Nil.

Une fois que vous avez décidé de vous lancer dans un projet, faites-le sans hésiter. Persévérez et restez confiants.

Animaux, voleurs et solitude

En 2011, Du travaille à Beijing en tant qu’informaticien, mais n’est pas pleinement satisfait par cette vie. Il décide alors de réaliser son rêve d’enfant : traverser le monde à vélo. Laissant parents et amis derrière lui, il se lance dans ce périple. Le voyage n’est pas de tout repos, le jeune homme doit faire face à de nombreux problèmes et dangers : se perdre, manquer d’eau, tomber malade… Sans parler de la peur causée par les animaux sauvages. Un matin, alors qu’il campe en pleine nature, il

Du Fengyan, cycliste et photographe chinois découvre des empreintes de pattes et des selles d’éléphants autour de sa tente. Un autre soir, sa tente se retrouve encerclée par deux hyènes. Heureusement, il s’en sort indemne.

Bien qu’il doive souvent se défendre des voleurs, Du ne s’en préoccupe point. Né à Heze, une ville célèbre pour les arts martiaux, dans la province du Shandong, il apprend le kung fu dès son plus jeune âge. « Les voleurs, il me suffit de les fixer droit dans les yeux et de faire un ou deux mouvements de kung fu pour les faire fuir », plaisante-t-il.

Ayant finalisé son parcours, Du Fengyan se tient fièrement face au Cap de Bonne-Espérance.

Au cours de son voyage, Du traverse de nombreuses zones désertiques : la péninsule du Sinaï, le désert de Bayouda au Soudan, le désert du Danakil au nord-est de l’Éthiopie, le nord de la Namibie… Dans les premiers mois, le jeune homme se sent très seul et n’a plus envie de voyager. Il interrompt alors son périple et cherche à s’intégrer à la vie locale pour chasser sa morosité. Un mois plus tard, il se sent mieux et reprend la route. « La solitude est comme un pèlerinage individuel rempli d’épreuves. Lorsque j’ai appris à l’apprécier, je me suis calmé », explique Du.

Malgré les difficultés, l’informaticien dit avoir beaucoup appris grâce à cette expérience inoubliable, notamment sur les spécialités, les us et coutumes et les langues locales. Sans parler des magnifiques paysages, dont il garde de précieux souvenirs : le Kilimandjaro et le mont Kenya ; les dunes de sable rouge en Namibie ou les fleurs du Parc national de la Côte Ouest en Afrique du Sud.

Incroyable générosité

Au Malawi, de nombreux enfants viennent entourer le cycliste chinois.

Son voyage de deux ans ne lui coûte qu’à peu près 6 000 dollars, comprenant l’achat d’un appareil photo. Un quart de ses dépenses est financé par ses amis et les gens qu’il croise sur la route. Il se souvient avec émotion d’un homme lui ayant offert 500 dollars et un copieux repas à Djibouti. L’homme avait été inspiré par le courage du Chinois, qui lui rappelait sa jeunesse et les difficultés qu’il avait traversées en voyageant en Europe. Lui aussi devait sa survie à l’aide des locaux et voulait transmettre cette générosité. Du a été profondément ému par cette gentillesse et souhaite aujourd’hui soutenir les personnes dans le besoin. « La société d’aujourd’hui est chargée d’énergie négative. Je vais faire tout mon possible pour changer ce phénomène et transmettre plus de messages positifs », affirme-t-il.

Dans cet esprit de partage, il accueille deux Éthiopiens dans sa modeste tente, dans le désert de Djibouti. « Il s’agissait d’un père et son fils se rendant en Éthiopie. Craignant d’user leurs chaussures, ils marchaient pieds nus, portant leurs chaussures à la main. Sachant qu’il leur restait encore une longue route à parcourir en plein désert, je les ai logés », raconte Du. Ils passent tous les trois la nuit dans la petite tente de Du. Le lendemain, il leur prépare le petit-déjeuner avant de leur dire au revoir. Une grande émotion l’envahit en les voyant disparaître à l’horizon.

Photographie documentaire

Lors de son séjour en Afrique, Du découvre l’existence d’un club des photographes amateurs chinois et fait connaissance avec son fondateur, Qi Lin. Partageant la même passion, ils sympathisent immédiatement. Comme pour Du, la photographie documentaire est au cœur des voyages de Qi. « Quand j’étais en Afrique, j’ai vu beaucoup de choses et croisé des gens de toute sorte, pour qui je garde beaucoup d’affection. Malheureusement, je n’ai pas pu les photographier correctement, parce que j’étais obligé de faire attention à la route », explique Du. Ayant travaillé pendant quatre ans au Kenya, Qi Lin démissionne pour devenir photographe indépendant. C’est alors qu’il décide avec Du d’entreprendre le projet Portraits du Nil, visant à montrer la vie des habitants tout au long du fleuve. « Le long du Nil, même lorsqu’on y est pour un temps limité, on peut observer énormément de choses. Des affaires débutent, se développent et se finissent. En marchant le long du fleuve, on peut donc avoir un aperçu de la vie dans la région et en Afrique », assure Du.

En janvier 2016, ils commencent à remonter le Nil à pied et en auto-stop, achevant le premier épisode de leur projet le 20 février à Khartoum, au Soudan. Ils décident de se concentrer sur une carrière égyptienne et une mine d’or au Soudan. Pourquoi ? « Parce que la société d’aujourd’hui est encore celle des ressources, autour desquelles on peut observer des conflits et des problèmes de tout genre, tels que l’environnement, la culture, l’urbanisation, la globalisation, etc. Nous espérons que photographier la réalité, qu’elle soit belle ou cruelle, servira d’avertissement », explique Du. Les deux voyageurs prévoient de publier un documentaire racontant les histoires derrière leurs photos. Ce voyage ne leur ayant coûté que 500 dollars, Du conseille aux jeunes de ne pas retarder la concrétisation de leurs projets pour des raisons économiques. « Une fois que vous avez décidé de vous lancer dans un projet, faites-le sans hésiter. Persévérez et restez confiants », conclut-il. CA

Pour vos commentaires : lixiaoyu@chinafrica.cn