Voyage de détente àWuhan
WANG WENJIE, membre de la rédaction
«U n voyage spécial pendant tant de jours ? Mais qu’y a-t-il d’intéressant à Wuhan ? » Cela a été la première réaction du chauffeur de taxi en entendant mon projet de voyage dans sa ville. Plus tard, j’ai entendu la même chose à plusieurs reprises, venant du patron d’un magasin, d’une serveuse dans un café, ou encore d’un étudiant qui m’indiquait le chemin sur son campus. Avec leurs mots différents, tous me signifiaient que Wuhan n’est pas une ville touristique, mais un lieu où on ne vient que pour y manger.
La tour de la Grue jaune.
Par conséquent, j’ai renoncé à établir un emploi du temps détaillé, et j’ai décidé de prendre le temps comme il vient. Le principal dans mon voyage à Wuhan était la détente et l’acceptation d’un rythme lent : rechercher de la gastronomie pour mes trois repas quotidiens, admirer la belle architecture dans les rues, me faire photographier devant la tour de la Grue jaune.
Wuhan est la capitale de la province du Hubei. La rivière Han y conflue dans le Yangtsé, divisant la ville en trois parties : Wuchang, Hankou et Hanyang. En 758, lorsque Li Bai, grand poète de la dynastie des Tang (618-907) a été exilé à Yelang (qui se situe aujourd’hui dans la province du Guizhou), il a composé un poème en passant à Wuchang, dans lequel il qualifie Wuhan de « cité du fleuve ». Cette appellation est devenue le surnom de la ville. Dans l’histoire, Wuhan a été considéré comme le cœur de la géographie économique de la Chine, en raison de ses transports maritimes et terrestres très pratiques. Disposant de nombreuses montagnes et lacs, Wuhan est aussi appelée la « cité des mille lacs ».
Wuhan est une ville mélangeant les styles chinois et occidental, une caractéristique formée dans des circonstances historiques particulières. De nombreux vieux bâtiments témoignent des vicissitudes du siècle passé, débordant du parfum de l’industrie moderne de la ville. Au bord du Yangtsé, le bâtiment Jianghanguan (douane de Jianghan) est l’un des monuments symboliques de Wuhan. Achevé en 1924, il combine l’architecture grecque classique et l’architecture de la période de la Renaissance européenne. Le haut dubâtiment est un clocher fabriqué par des Suisses et des Américains.
Le pont de Wuhan sur le Yangtsé.
En partant de Jianghanguan, la rue piétonne Jianghan s’étend vers le nord-ouest. Bien qu’elle soit connue sous le nom du « musée des bâtiments du XXesiècle de Wuhan », l’ambiance y est très bruyante, avec des magasins bas de gamme se ressemblant tous, ce qui affaiblit largement sa profondeur historique. Tout comme les grandes avenues commerçantes de beaucoup de métropoles, la planification de cette rue reste à optimiser.
Le groupe des bâtiments modernes de Hankou s’étend du sud de l’ancienne gare de Dazhimen jusqu’à la rue Jianghan, et de l’est de la route Jinghan jusqu’au Yangtsé. Après l’ouverture de Hankou comme port commercial en 1861, cinq pays (la Grande-Bretagne, la Russie, la France, l’Allemagne et le Japon) y ont créé des concessions. Une dizaine de pays y ont établi des consulats, et de nombreuses banques, entreprises et églises étrangères s’y sont installées. Depuis Jianghanguan, en marchant le long du Yangtsé, on voit beaucoup d’immeubles grandioses de style occidental. On retrouve sans cesse un sentiment de déjà-vu, comme si on se trouvait sur le Bund de Shanghai, ou dans l’ancienne rue de France à Tianjin.
On compte de nombreuses rues distinctives à Wuhan, où l’ancien et le moderne coexistent de manière harmonieuse. La rue Huangpi est située dans l’arrondissement Jiang’an, et s’étend sur 604 m. Elle tient son nom du district d’origine de son constructeur. Li Yuanhong, président de la République de Chine à deux reprises entre 1916 et 1923, est surnommé Li Huangpi parce qu’il est né dans le district de Huangpi, et cette rue construite en 1900 a été rebaptisée Lihuangpi en 1946.
La recherche du musée de Lihuangpi est un épisode agréable. En suivant le GPS de mon portable, je fixe mon regard dans toutes les directions, parce que je pense intuitivement qu’un musée sera une construction carrée et munie d’un toit. Je comprends tout d’un coup en voyant un panneau en forme de stèle qui annonce « Musée en plein air de Lihuangpi ». Il s’agit en fait d’un musée à ciel ouvert, et toutes les constructions exotiques que je viens de passer sont exposées ! Je retourne ainsi sur mes pas, pour admirer les paysages et les détails que j’ai ratés. La rue Lihuangpi faisait partie de la concession russe. Maintenant, elle possède 17 bâtiments occidentaux, parmi lesquels un certain nombre ont été transformés en bars, cafés ou restaurants de charme.
Dans l’arrondissement Wuchang, Tanhualin est un endroit fortement apprécié par la jeunesse culturelle et artistique. Malgré son petit kilomètre de longueur, son titre de première rue culturelle et artistique n’est pas erroné. Alors que l’allée Nanluoguxiang à Beijing est aujourd’hui réduite à des stands de fast-food et de souvenirs de mauvaise qualité, tout à Tanhualin constitue une surprise agréable pour moi. Chaque magasin a son propre style de décoration bien distinct. Se promener, prendre des photos, s’amuser avecdes animaux de compagnie, ou passer un après-midi avec la saveur du café, le plaisir est partout dans cette rue tranquille.
Le charme de Tanhualin ne se borne pas à ses airs culturels et artistiques. Ici, chaque construction ancienne raconte silencieusement le passé. Après l’ouverture de Hankou comme port commercial, Tanhualin est devenu un quartier résidentiel pour les étrangers. Beaucoup de missionnaires italiens, britanniques et américains y prêchaient, et ont ouvert des établissements scolaires et médicaux. La première église chrétienne de Wuhan, construite en 1865, se trouvait à Tanhualin. Par ailleurs, beaucoup de grands évènements historiques, comme la Révolution de 1911, les activités révolutionnaires des premières années du Parti communiste chinois (PCC), ainsi que la Guerre de résistance contre l’agression japonaise, ont laissé des traces indélébiles. On peut dire que Tanhualin est une miniature de la culture et de la société modernes de Wuhan.
Flâner dans les vieilles rues est un bonheur à Wuhan. Ainsi je garde toujours ce même plaisir en visitant divers lieux stylisés, entre autres la rue Shengli, la rue Hanjie de la rivière Chuhe et la ruelle Taixingli. La rue Shengli mesure 3,8 km de longueur, elle traverse les anciennes concessions de cinq pays, et possède beaucoup de constructions de style occidental. En comparaison avec la rue Lihuangpi, elle possède une plus forte ambiance de quartier populaire. La rue Hanjie de la rivière Chuhe mesure 1,5 km, et est bordée par des bâtiments principalement du style d’architecture de la République de Chine (1912-1949). Aujourd’hui, on y trouve des produits de grandes marques, attirant beaucoup de jeunes qui se passionnent pour la mode. Quant à Taixingli, cette ruelle construite en 1907 est extrêmement courte, mais elle est charmante. Mesurant quelques dizaines de mètres et 3,5 m de largeur, elle possède 17 bâtiments à deux étages de style occidental, où sont ouverts beaucoup de cafés caractéristiques.
Le site touristique le plus renommé de Wuhan est sans doute la tour de la Grue jaune, construite selon la légende en 223. Au fil des dynasties, d’innombrables lettrés l’ont visitée, laissant beaucoup de poèmes classiques. Elle fait partie des « trois plus célèbres tours au sud du Yangtsé » (les deux autres sont la tour de Yueyang dans la province du Hunan et le pavillon du prince Teng dans la province du Jiangxi). En 1957, quand on a construit le pont de Wuhan sur le Yangtsé, l’approche du pont de Wuchang occupait l’ancien siège de la tour de la Grue jaune. En 1981, la tour a été reconstruite sur un mont à un kilomètre de son ancien emplacement. La nouvelle tour de la Grue jaune mesure 51,4 m sur cinq étages, et est recouverte de plus de 100 000 tuiles vernissées dorées. On compte 72 colonnes porteuses à l’intérieur de la tour, et 60 avant-toits relevés au-dehors.
Le temple Gude.
La rue Hanjie de la rivière Chuhe.
On peut découvrir de nombreuses spécialités à Wuhan.
Les deux autres grands sites touristiques de Wuhan sont le temple Guiyuan et Guqintai (la terrasse Guqin). Le temple Guiyuan fut construit en 1658, avec trois constructions principales : la tour de collection des sûtras, le grand palais, et la salle des arhats. La terrasse Guqin fut construite pendant la dynastie des Song du Nord (960-1127) et a été reconstruite en 1796. Pour parler franchement, son paysage est assez médiocre. Sa célébrité résulte du fait qu’elle est le berceau de Gaoshan Liushui (Haute montagne et fleuve impétueux), l’une des dix plus belles mélodies traditionnelles chinoises.
La ville compte d’autres sites touristes optionnels, comme le pavillon Qingchuan qui regarde la tour de la Grue jaune sur l’autre rive du Yangtsé, le musée provincial du Hubei dont les expositions sont très riches, l’université de Wuhan avec ses bâtiments de style de la République de Chine, et le pont de Wuhan, le premier pont sur le Yangtsé construit après la fondation de la Chine nouvelle en 1949.
Parmi tous les sites touristiques que j’ai visités à Wuhan, le temple Gude est le seul endroit magnifique à mes yeux. Construit en 1877, ce temple débordant de couleurs exotiques combine les trois grandes écoles bouddhistes (mahayana, hinayana et tantra), et est bien différent d’autres temples traditionnels faits de tuiles dorées et de colonnes rouges. Le temple Gude est niché dans une ruelle ordinaire, entouré de toutes parts de constructions modernes. Peu visité par les touristes, c’est un véritable lieu paisible dédié au Bouddha.
Wuhan ne vous décevra pas en matière de gastronomie. Beaucoup de spécialités de la ville sont populaires dans tout le pays. Au cours de mon séjour, la chaleur étouffante n’a pas eu raison de mon appétit. Les reganmian (littéralement, nouilles sèches et chaudes), la sanxian doupi (peau de tofu frite à trois accompagnements), le cou de canard épicé, le poisson Wuchang, la soupe de côtelettes et de racines de lotus, les écrevisses à la vapeur… J’ai fait des repas pantagruéliques !
Les reganmian sont le meilleur représentant de la gastronomie de Wuhan. Elles font partie des quatre plus célèbres spécialités de nouilles de Chine, avec les huimian (nouilles braisées avec de la viande et des légumes) du Henan, les daoxiaomian (nouilles tranchées au couteau) du Shanxi et les dandanmian du Sichuan. Un bol de reganmian fumant est le premier choix des locaux pour le petit-déjeuner. On peut trouver facilement des stands de reganmian dans les rues, de différentes envergures, chacun avec sa saveur particulière.
Les sanxian doupi sont également un plat représentatif. Ses « trois accompagnements » désignent la viande, les champignons et les pousses de bambou (ou la viande, les œufs et les crevettes). La peau de tofu en forme de crête est produite en liquide épais, sur lequel on met du riz gluant et de la farce cuite. Après l’avoir fait frire jusqu’à obtenir une couleur dorée, on la coupe en petits carrés.
Le poisson Wuchang doit absolument être goûté. Sans exagérer, on le trouve sur presque toutes les tables des touristes. Il s’agit d’un plat traditionnel de la cuisine du Hubei, d’autant plus qu’il est mentionné dans un poème écrit par Mao Zedong en 1956.
Si tous ces plats ne sont plus difficiles à trouver dans les grandes villes chinoises, celui-ci est un plat saisonnier dont je n’avais pas entendu parler : les oudai. À la fin du printemps et au début de l’été, les racines de lotus forment de jeunes tiges. Celles qui sortent de l’eau durcissent rapidement sous le vent et le soleil, mais celles qui restent dans l’eau sont appelées oudai. Les oudai désignent donc les jeunes et tendres rhizomes du lotus. Très frais, avec un goût particulier, ce légume délicieux n’a besoin de rien d’autre qu’une pincée de sel.
Enfin, un conseil : Hubuxiang, une rue connue pour la gastronomie, est devenue un site bruyant et inintéressant, rempli de magasins similaires et d’aliments qui ne donnent pas du tout faim. Passez votre chemin.