DONG CHUNLING*
La Chine refuse l’arbitrage pour sauvegarder la paix régionaleet l’ordre international
DONG CHUNLING*
L e 12 juillet 2016, le résultat de la demande d’arbitrage sur la question territoriale en mer de Chine méridionale initiée unilatéralement par l’ancien gouvernement des Philippines a été publié. On y annonce que « la ligne des neuf traits » de la Chine n’est pas légale et qu’aucun objet terrien en mer des îles Nansha n’est une île, y compris l’île Taiping. En fait, chacune des quinze demandes des Philippines a été presque adoptée en totalité, tandis que la souveraineté territoriale de la Chine ainsi que ses droits et intérêts sur la mer de Chine méridionale ont été presque intégralement niés. La partie continentale de la Chine s’en tient fermement à son principe établi : « refuser, ne pas participer, ne pas reconnaître et ne pas exécuter », tandis que Taiwan a aussi déclaré qu’elle n’acceptait pas le résultat de l’arbitrage et ne reconnaissait pas son effet juridique.
Bien que la communauté internationale ait prévu un jugement partial de l’arbitrage, elle ne s’attendait pas à des « décisions finales » si subjectives et si politiquement tendancieuses. Tous les pays, en connaissance de cause, perçoivent le vrai visage du soi-disant « arbitrage international », ce qui porte atteinte une fois encore au prestige et à la fiabilité publique du droit international.
Après la publication du résultat de l’arbitrage, le micro-blog officiel des Nations Unies n’a pas tardé à donner l’éclaircissement suivant : la Cour permanente d’arbitrage de La Haye (CPA) n’a aucun lien avec les Nations Unies. La Cour internationale de Justice a publié, elle aussi, une déclaration dans laquelle elle affirmait n’avoir rien à voir avec l’institution de la CPA, elle n’a aucunement participé à l’arbitrage sur la question territoriale de la mer de Chine méridionale. Ces institutions ont tracé une nette ligne de démarcation avec ce tribunal arbitral illégalement établi. Seulement une minorité de pays ont affirmé, selon leur bonne volonté, que l’arbitrage était « juridiquement contraignant ». En fait, cet arbitrage illégal et infondé est, entre les mains des États-Unis et du Japon, un outil de lutte stratégique contre la Chine. Cela démontre justement que la Chine a raison de refuser cet arbitrage illégal.
Le 22 janvier 2013, les Philippines ont engagé unilatéralement au tribunal international du droit de la mer la procédure de l’arbitrage obligatoire, conformément à l’annexe 7 et à l’article 287 de la « Convention des Nations Unies sur le droit de la mer » (ci-après la Convention). Bien que les Philippines aient soigneusement préparé leurs revendications, cellesci présentent en fait un litige de territoire et de délimitation maritime. Cela ne relève pas de la juridiction de la Convention. En vertu de l’article 298 de la Convention, la Chine a présenté, déjà en 2006, sa déclaration consistant à ne pas accepter la procédure de règlement de différend obligatoire sur les problèmes de délimitation maritime. La demande de l’arbitrage international par les Philippines n’est pas légale sur le plan de la procédure, et le refus de la Chine n’est pas seulement son droit accordé par la Convention, mais aussi son devoir de sauvegarder l’esprit de la Convention.
Cependant, le tribunal arbitral international a accepté la demande des Philippines, bien qu’il se sache dépourvu du pouvoir de juridiction, et a effectué un arbitrage global embrassant « le différend de souveraineté et de territoire » et le « litige de droits maritimes ». Ces actes d’abus de pouvoir remettent en cause non seulement la légalité du tribunal arbitral, mais portent également atteinte directement à l’autorité de la Convention. L’effet négatif de son extension de pouvoir délibérée ne manquera pas de se montrer progressivement.
Malgré l’absence du pouvoir de juridiction approprié de la Convention, la solution sur la question de délimitation maritime et sur le litige de territoire entre la Chine et les Philippines n’est pas dépourvue de moyen juridique. En 1995 et 2011, les deux pays sont parvenus à plusieurs documents consensuels dans lesquels il est défini que les litiges entre eux doivent être réglés à l’amiable, au moyen de négociations. Dans la Déclaration sur la conduite des parties en mer de Chine méridionale (appelée ci-dessous « Déclaration »), signée par la Chine et les dix pays de l’ASEAN, l’article 4 stipule explicitement que « les différends concernant le territoire et la juridiction maritime doivent être résolus par les parties concernées au moyen de négociations et de consultations ». La procédure d’arbitrage obligatoire, initiée par les Philippines, viole l’engagement diplomatique entre les deux pays et aussi les clauses de la Déclaration. Le refus de la Chine vise à sauvegarder l’esprit des documents susmentionnés.
La Charte des Nations Unies, la Déclaration relative aux principes du droit international et d’autres documents internationaux présentent sans exception les négociations comme le premier moyen de résoudre les différends internationaux.Depuis les années 1960, la Chine a déjà réglé ses problèmes frontaliers avec 12 de ses 14 voisins terrestres, soit 90 % de ses frontières terrestres. La Chine a délimité la frontière maritime dans le golfe Beibu avec le Vietnam. Ces solutions ont été obtenues au moyen de négociations bilatérales. Un tel moyen, pragmatique et efficace, respecte pleinement la volonté des deux parties et peut, dans une certaine mesure, forger des relations étatiques d’amitié, de bon voisinage, de compréhension et de concession réciproques. L’intervention d’une partie non concernée dans le litige de souveraineté conduit généralement à compliquer les choses, tandis qu’une médiation internationale non acceptée par les parties concernées ne peut pas aider à solutionner le problème sensible et peut, au contraire, aggraver les mésententes entre les parties concernées. La Chine s’en tient au règlement du différend au moyen de consultations et de négociations dans le but d’observer et de sauvegarder les principes fondamentaux régissant le droit international et les relations internationales.
Au cours de ces dernières décennies, la situation était stable dans l’ensemble en mer de Chine méridionale grâce au principe suivant : « laisser de côté les divergences et procéder ensemble à l’exploitation ». Les pays de la région fixent leur regard sur la coopération pragmatique. Une confiance réciproque et une amitié solide ont été établies entre la Chine et les pays de l’ASEAN. L’économie s’est développée rapidement dans la région et l’intégration progresse sans heurts. L’Asie de l’Est est devenue le symbole de la paix, de la stabilité et de la prospérité dans le monde et l’unique moteur de l’économie mondiale après la crise financière de 2008. Il n’est pas difficile de constater le rôle déterminant joué par l’esprit en faveur de la « réduction des divergences, de la recherche de coopération, du respect mutuel, de la compréhension et de la concession réciproques, de l’avantage mutuel et du gagnant-gagnant » dans les problèmes concernant la mer de Chine méridionale. Mais l’affaire de l’arbitrage va dans le sens contraire à ce principe et à cet esprit, aggrave encore davantage la tension en mer de Chine méridionale et porte atteinte à la prospérité, la stabilité et la sécurité de la région, cela au moins sur trois plans :
Premièmement, l’arbitrage met en exergue le litige de souveraineté territoriale, réduit la marge de manœuvre diplomatique des deux parties et les introduit dans le cercle vicieux excluant le compromis et menant à l’affrontement. Pour tout pays et tout gouvernement, les questions de la souveraineté et du territoire sont toujours « sacrées, inviolables et non sujettes à tout compromis ou tout recul ». Si nous comparons l’arbitrage sur la mer de Chine méridionale à l’essai au touchau, le résultat du test montre la capacité et la détermination de la Chine quant à la défense de sa souveraineté territoriale. Cette farce de l’arbitrage mise en scène par les Philippines pousse les deux parties à un dilemme diplomatique du « jeu des poltrons ». Cela mine la confiance fondamentale entre les deux gouvernements, envenime l’ambiance des relations bilatérales, accroît l’antagonisme et l’hostilité entre les deux peuples et produit un effet négatif prolongé sur les relations entre les deux pays.
Deuxièmement, l’arbitrage fait ressortir le problème de sécurité de la région, détériore l’ambiance de la coopération économique régionale, sabote l’unité intérieure de l’ASEAN et perturbe le processus de l’intégration régionale. Après la fin de la guerre froide, l’intégration économique de l’Asie de l’Est a progressé vite et les pays de la région se sont concentrés sur le développement et la coopération. Cela a atténué et allégé dans une certaine mesure le problème de sécurité dans la région. Mais le réchauffement brutal du problème en mer de Chine méridionale a brisé ce processus. L’affaire d’arbitrage a marqué ce problème bilatéral d’un caractère régional et international, et le problème de sécurité est devenu un obstacle sérieux à la coopération et à l’intégration régiona-les. Les pays de l’ASEAN sont désormais obligés de choisir leur camp. Cette situation sécuritaire difficile est en train de déchirer l’unité intérieure de cette organisation régionale. Si ce mauvais exemple créé par les Philippines était imité par un autre pays de la région, les difficultés sécuritaires bilatérales s’étendront d’un point à une surface régionale. Le danger saute aux yeux.
Troisièmement, l’affaire d’arbitrage sert d’instrument stratégique aux États-Unis qui l’utilisent en faveur de sa stratégie de « rééquilibrage en Asie-Pacifique » et facilite l’intervention plus poussée de grandes puissances extrarégionales en mer de Chine méridionale. À l’origine il n’y avait pas de problème de liberté de navigation en mer de Chine méridionale. Mais, prétextant ce problème, les États-Unis, un pays extrarégional, font monter la pression dudit problème, de sorte que la tension régionale facilite non seulement leur retour en Asie-Pacifique, mais encore enrichisse leurs fabricants d’armes. Derrière l’affaire d’arbitrage, les États-Unis n’ont épargné aucun effort pour parvenir à un aboutissement. Au regard des prises de position de l’administration américaine et des réactions des milieux stratégiques, le résultat de cet arbitrage illégal donne un prétexte aux États-Unis pour renforcer leur présence militaire en mer de Chine méridionale, et aussi justifier leurs clameurs sur la « menace chinoise » et intensifier l’« endiguement stratégique » de la Chine. L’affaire d’arbitrage accroît sans doute la suspicion stratégique entre Beijing et Washington, ainsi que l’intensité des jeux sino-américains en Asie-Pacifique, d’où la croissance des risques sécuritaires dans cette région.
Gordon Houlden, ancien diplomate canadien, indique que la Chine a explicitement déclaré qu’elle ne participe pas, n’accepte pas l’arbitrage concernant la mer de Chine méridionale, et que le soit-disant arbitrage ne changera en rien les choses.
En refusant l’arbitrage, la Chine prouve son attachement et sa défense du principe de la souveraineté. Tout pays ayant été colonisé ou à demi-colonisé sait l’importance de la souveraineté d’État. La nation chinoise qui a beaucoup souffert dans les temps modernes reste vigilante et sceptique envers l’intervention extérieure et la politique du plus fort. Après la Seconde Guerre mondiale, le principe de souveraineté d’État est inclus dans la Charte des Nations Unies comme le principe le plus essentiel régissant les relations internationales, et devient la pierre angulaire du droit international et de l’ordre international de l’après-guerre. La Chine a toujours respecté le principe de souveraineté d’État, elle ne s’est pas ingérée dans les affaires intérieures d’autres pays, et a appliqué une politique étrangère indépendante et autonome. La Chine exécute donc la notion de l’État souverain de manière exemplaire. Mais la négligence du principe de souveraineté d’État dans le reste du monde mène à la dislocation radicale de l’ordre mondial de l’après-guerre. Dans son nouvel ouvrage L’Ordre mondial, M. Henry Kissinger, stratège nonagénaire, a écrit non sans inquiétude, que « le principe fondamental (principe de souveraineté) constituant l’actuel ordre mondial est défié de toutes parts. L’Europe surpasse le concept de souveraineté et s’éloigne de plus en plus du régime d’État qu’elle a elle-même constitué à l’origine. Les extrémistes islamiques du Moyen-Orient rejettent ce principe et recherchent une révolution mondiale basée sur l’intégrisme, provoquant ainsi la désintégration sociale et la dislocation de l’État. Quant aux États-Unis, ils hésitent et chancèlent entre le respect de la souveraineté d’État et la pratique de l’interventionnisme. » Dans cette optique, l’allégation « l’émergence de la Chine est un défi à l’actuel ordre international » n’est pas fondée. La ferme observation du principe de souveraineté par la Chine prouve que son émergence constitue une force stabilisatrice de l’ordre international de l’après-guerre. La différence d’attitude des pays envers l’affaire d’arbitrage est due à leur point de vue différent sur l’ordre.
Le droit souverain de la Chine sur les îles en mer de Chine méridionale fait partie de l’ordre international de l’aprèsguerre. Le peuple chinois est le premier à avoir découvert et mis en valeur les îles de mer de Chine méridionale. Le gouvernement chinois a exercé en premier sa juridiction souveraine sur ces îles, de façon continuelle, efficace et pacifique. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Japon s’en est accaparé. Dans les documents signés vers la fin de cette guerre, soit la Déclaration du Caire et la Déclaration de Potsdam, qui ont établi l’ordre de l’après-guerre, il est stipulé explicitement que le Japon rendra à la Chine les territoires chinois qu’il occupait. Après la guerre, la Chine a récupéré l’archipel Xisha et les îles Nansha. Le personnel administratif et militaire chinois est parti pour ces îles à bord des navires de guerre fournis par les États-Unis afin d’organiser la cérémonie de réception. Durant une longue période de l’après-guerre, les États-Unis ont reconnu et respecté la souveraineté chinoise sur les îles Nansha. L’actuelle position de la partie américaine sur le problème de mer de Chine méridionale est en fait un recul et la négation de l’ordre international de l’après-guerre mis en place avec sa participation. Le fait que la Chine refuse l’arbitrage illégal et défende ses droits et intérêts souverains est la manifestation concrète de sa ferme volonté de sauvegarder l’ordre international de l’après-guerre.
*DONG CHUNLING est chargé de recherches à l’Institut d’étude des États-Unis de l’Académie chinoise des relations internationales contemporaines.