CUI ZIYAN*
La situation des écoles primaires rurales
CUI ZIYAN*
À partir des années 1990, j’ai travaillé pour le service d’intérêt public « Projet Espoir » et j’ai visité beaucoup de zones rurales pauvres. Depuis la mise en œuvre de la politique de réforme et d’ouverture il y a trois décennies, la situation des écoles primaires rurales de Chine ne cesse de s’améliorer. J’ai vu de mes propres yeux les changements, ainsi que les problèmes qui restent à résoudre.
Dans les années 1980 et 1990, à chaque passage dans les régions défavorisées rurales, je rendais visite à des familles pauvres.
Une fois, j’ai rendu visite à une famille de trois enfants dans un district de la ville de Datong, dans la province du Shanxi. Les deux garçons de 10 ans et 8 ans allaient à l’école primaire rurale, mais leur sœur de 13 ans devait faire les travaux des champs et les travaux ménagers avec les parents. La famille n’avait pas suffisamment de moyens pour payer les frais de scolarité des trois enfants, qui représentaient plusieurs dizaines de yuans chacun par an. En raison de la pensée traditionaliste qui donne une préférence aux garçons, la pauvre fille était déscolarisée et devait aider les parents à la maison.
Grâce à nos arguments et à une aide financière, la jeune fille a enfin pu retourner à l’école. À l’époque, ce type de situation était très courant.
Évidemment, quand les paysans avaient du mal à subvenir à leurs besoins de base, la scolarisation des enfants était reléguée au second plan. Les parents n’avaient pas d’autre choix, et la déscolarisation devenait un cauchemar pour les enfants. Assurer la scolarisation de tous était la tâche prioritaire de l’éducation rurale.
Les opportunités éducatives devraient être égales, mais à cause des différentes conditions financières entre les familles,les enfants ne peuvent pas partager les ressources éducatives de manière égale. C’est un problème que nous devons nous efforcer de résoudre. Le gouvernement a pris des mesures pour l’éducation et les divers milieux de la société ont aussi prêté leur aide. Deng Xiaoping a été parmi les premiers donateurs. Les efforts conjoints ont permis à des milliers d’enfants issus de familles pauvres de rester à l’école.
Les enfants qui ont reçu notre aide sont devenus des professionnels cultivés : certains ont obtenu un doctorat, d’autres un master, une licence ou des qualifications professionnelles.
Xiaozhang est un élève que nous avons aidé dans le cadre du premier Projet Espoir. Il était déscolarisé. Grâce à l’aide sociale, il est retourné à l’école et il a travaillé dur. Après ses études dans une école normale, il a décidé de revenir dans son village et d’enseigner aux enfants du même milieu que lui. Son choix est fort représentatif des enfants qui ont reçu l’aide de ce projet.
J’ai visité les districts de Du’an et Mashan dans la province du Guangxi en 2015 pour évaluer la situation de l’éducation élémentaire sur place. Les bureaux locaux de l’éducation nous ont indiqué que le taux de scolarisation dans les deux districts était de 100 %. Nous avons également effectué des visites de familles dans les villages. Nous n’avons pas vu un seul enfant en âge scolaire hors de l’école, ce qui nous a fait grandement plaisir.
Le bureau de l’éducation nous a expliqué que le gouvernement avait lancé une série de mesures politiques pour résoudre le problème de la déscolarisation. Les frais de scolarité et autres ont été réduits. Un régime d’octroi d’aides aux pensionnaires a été mis en œuvre progressivement. La répartition des écoles a privilégié l’inscription facile des enfants. Une sensibilisation à la scolarité obligatoire pendant neuf ans a été généralisée pour assurer l’inscription des enfants d’âge scolaire.
Le 18 mars 2011, la cérémonie d'inauguration de l'école Espoir Taoyuan financée par The Hong Kong Fujian Charitable Education Fund.
Le nouveau problème qui se présente aujourd’hui est celui de la scolarisation des enfants des travailleurs migrants. Ces enfants déménagent parfois avec leurs parents de la campagne vers les villes. Ils sont loin de leur village et risquent de ne pas être admis dans les écoles urbaines.
Les parents ont aussi changé d’attitude au sujet des études de leurs enfants. Il y a quelques années, les parents des zones rurales se souciaient avant tout de l’inscription de leurs enfants. Aujourd’hui, ils s’intéressent aussi à leur épanouissement. Une meilleure économie rurale peut offrir de bonnes conditions d’étude à plus d’enfants.
À la fin des années 1980, Xie Hailong,le photojournaliste du Quotidien de la jeunesse de Chine, a visité beaucoup de régions pauvres et a surmonté tous les obstacles pour documenter la situation de l’éducation élémentaire dans les campagnes chinoises. Parmi des milliers de photos, une est particulièrement marquante : dans une salle de classe en plein air, des enfants passent un examen couchés au sol. Parmi eux, on aperçoit une fille vêtue de vêtements élimés, avec des yeux grands et clairs, avide de connaissance. (Cette fille s’appelle Su Mingjuan. Après des études de finance à l’université de l’Anhui, elle est maintenant employée de banque.)
Après avoir vu cette photo triste, tout le monde a souhaité que les enfants bénéficient de salles de classe bien équipées.
J’ai eu l’expérience de marcher des heures sur un sentier de montagne pour trouver une école. Les écoles reculées étaient souvent délabrées et je me sentais triste pour les enfants. Cette photo très touchante reflète la réalité de l’époque.
Tout en augmentant l’investissement dans l’éducation, le gouvernement a encouragé divers secteurs de la société à financer l’éducation. Ce financement complémentaire a mobilisé pleinement le capital social pour construire des infrastructures. Des dizaines de milliers d’écoles ont été reconstruites grâce à cela.
Des Chinois de l’étranger et des entreprises étrangères telles que Motorola, Procter & Gamble, Banker Trust et Coca-Cola, ont fait preuve de générosité. Grâce à l’aide de tous les milieux de la société, des écoles modernes ont remplacé les bâtiments vétustes ou même en plein air. Dans certains villages, l’école est devenue la meilleure construction.
En 2014 et 2015, j’ai effectué deux ans d’enquêtes et de recherches dans les écoles primaires des zones rurales. En visitant une vingtaine d’écoles dans quatre districts des provinces du Hubei et Jiangxi, j’ai été profondément touché par les grands changements : les bâtiments nouvellement construits aux normes antisismiques, les grands terrains de sport, les espaces verts, tout cela donnait aux enfants et aux enseignants un état d’esprit nouveau.
Ces dernières années, les autorités à tous les échelons ont accordé une priorité à l’éducation pour assurer les neuf années de scolarité obligatoire. L’entretien et la rénovation des écoles étaient les premières tâches à entreprendre. Les personnalités de tous les milieux, les entreprises et les organisations ont toutes apporté leur contribution.
Aujourd’hui, l’école centrale de chaque village joue un rôle prédominant. Le bâtiment est bien équipé et le corps enseignant est renforcé. Les autres écoles sont aussi bien construites. Les enfants n’ont plus besoin de s’inquiéter de leur salle de classe.
La fillette aux grands yeux photographiée par Xie Hailong est aujourd’hui adulte.
Néanmoins, la construction des écoles est loin d’être finie. Dans certains établissements, la salle informatique, la salle de musique et la salle des beaux-arts sont vides. Ces cours ne sont pas disponibles faute d’équipement.
De plus, la construction des terrains de sport pose parfois problème. Il se peut qu’il n’y ait pas suffisamment de place pour construire les terrains de sport, ou que les terrains ne soient pas recouverts d’un revêtement évitant la boue après la pluie ou la poussière en cas de vent. Dans certaines écoles rurales, les dortoirs, la cantine, les toilettes et les murs d’enceinte restent à perfectionner.
Dans les années 1970, j’allais à l’école primaire de Baicheng dans la province du Jilin. Les enseignants de mon école étaient tous là provisoirement, sous contrat dans les régions rurales. Ils étaient pour la plupart des villageois locaux et avaient simplement terminé le collège. Leur niveau n’était pas élevé. Cela était un phénomène courant à l’époque.
Pendant plusieurs décennies après 1949, les enseignants des écoles rurales pouvaient être répartis en trois catégories : les enseignants titulaires payés par l’État, les enseignants contractuels payés par le village et les enseignants suppléants provisoires.
À l’époque où la Chine manquait d’enseignants, les enseignants contractuels et suppléants constituaient la force majeure. Ils étaient mal payés et travaillaient dans des villages reculés dans de rudes conditions. Leurs récits émouvants se sont répandus parmi les masses, et la nécessité de remédier à la situation est devenue claire.
Durant ma visite d’une école rurale de la ville de Baoding, dans la province du Hebei, j’ai fait la connaissance d’un professeur contractuel d’une cinquantaine d’années. Il m’a dit qu’il enseignait depuis une trentaine d’années. Diplômé de l’école primaire, face aux énormes changements de la société, il avait du mal à se maintenir à niveau. Les moyens d’enseignement modernes comme les ordinateurs et les équipements électroniques n’étaient pas faciles à maîtriser pour lui. Comme les conditions de travail étaient très dures, aucun jeune enseignant ne ve-nait le remplacer, et il s’inquiétait du futur de ses élèves.
Une jeune enseignante dans une école rurale.
En 2015, la situation avait beaucoup changé. Dans une classe de formation des enseignants pour les écoles primaires, parmi les 50 participants, 70 % avaient moins de trente ans. La plupart étaient diplômés de l’université, pleins de vitalité et dotés de connaissances étendues.
D’après les études et les recherches des écoles primaires rurales que j’ai faites ces dernières années, les enseignants sont de plus en plus jeunes. Les autorités ont fait beaucoup d’efforts et les résultats sont évidents : le salaire des enseignants est garanti, la sélection des enseignants est devenue une priorité, l’exigence de diplôme des enseignants s’est élevée et les conditions de vie et d’enseignement se sont beaucoup améliorées. L’enseignement est à nouveau désirable parmi les jeunes diplômés.
Dans cette école rurale sans terrain de sport moderne, les enfants improvisent des jeux.
La rémunération des enseignants s’est élevée. M. Ding enseigne à Baoding. Il habitait il y a dix ans avec une dizaine d’étudiants. Aujourd’hui, il vit dans un appartement pour enseignants. Même si la superficie n’est que 20 m2, l’appartement est bien équipé. M. Ding est très content de son logement et dit qu’aujourd’hui, la situation des enseignants et des élèves s’est bien améliorée.
Par contre, dans certaines écoles où les élèves sont peu nombreux, le manque d’enseignants perdure. Sans enseignants provisoires, les titulaires ne sont pas en nombre suffisant. À cause de toutes sortes de restrictions, il est difficile de recruter suffisamment de titulaires qualifiés.
En Chine, l’éducation centrée sur les examens s’est transformée en éducation orientée vers l’épanouissement des élèves. Dans les années 1980 et 1990, en raison de l’importance du gaokao, l’examen d’entrée à l’université, les lycées ont mis l’accent sur les matières telles que la littérature, les mathématiques et l’anglais. Par manque d’enseignants, les cours d’anglais étaient interrompus de temps à autre. Les cours de musique, de sport et de dessin n’existaient que de nom.
Aujourd’hui, l’épanouissement des élèves fait l’objet de plus en plus d’attention, mais les enseignants de musique, de sport et de dessin ne sont pas assez nombreux dans les régions pauvres. Parfois, un seul enseignant est responsable de plusieurs matières, et la qualité des cours en pâtit.
Ce type de phénomène est très courant dans les écoles rurales. Un seul enseignant ne peut assurer plusieurs matières dans les meilleures conditions. Les bénévoles ne sont pas une solution durable sans politique dédiée ou support financier. La spécialisation des enseignants est un problème à résoudre.
En faisant le bilan de mes observations et de mes expériences depuis cette vingtaine d’années, j’ai observé que la Chine est un pays en voie de développement et que le gouvernement n’a pas encore pu résoudre tous les problèmes. Le développement de l’éducation dans les régions rurales prouve que l’investissement et les politiques lancées par le gouvernement, le développement économique et social des zones rurales et l’entraide sociale sont les trois facteurs indispensables pour apporter de bonnes solutions.
*CUI ZIYAN est chef de projet pour la China Youth Development Foundation (CYDF).