LU RUCAI, membre de la rédaction
La longue marche olympique de la Chine
LU RUCAI, membre de la rédaction
Xu Haifeng a obtenu la première médaille d’or olympique dans l’histoire chinoise des JO.
C et été, près de 400 athlètes chinois participeront aux 220 épreuves réparties en 26 disciplines des Jeux Olympiques à Rio de Janeiro. L’importance de la délégation et sa chasse aux médailles ne manqueront pas d’attirer l’attention des médias tant chinois qu’étrangers. Ce n’est pas difficile de comprendre la passion qu’éprouvent les Chinois pour les JO étant donné l’histoire de la participation du pays à cet événement.
Symboles du sport et de la compétition, les premiers JO modernes se sont tenus à Athènes, en Grèce, en 1896. Quatorze éditions des JO s’étaient déjà tenues lorsque fut fondée la RPC. La Chine n’avait participé que trois fois avec une présence symbolique.
Les 10eJO se tenaient à Los Angeles en 1932. En pleine crise économique, la plupart des pays invités montraient peu d’enthousiasme pour l’événement. Le nombre des athlètes participants était réduit de moitié par rapport aux Jeux d’Amsterdam de 1928. C’est pourtant cette année que les Chinois firent leur entrée sur ce circuit. La délégation chinoise se composait de six personnes, dont un seul athlète, Liu Changchun, un sprinter titulaire à l’époque des records nationaux sur 100 et 200 m. Il était prévu qu’il participerait à trois épreuves d’athlétisme. Mais en raison de sa fatigue suite au voyage par la mer qui a duré une vingtaine de jours, ses résultats furent médiocres.
Quatre ans plus tard, en 1936, Liu Changchun participait aux 11eJO à Berlin. Cette fois, 68 autres athlètes chinois l’accompagnaient. La délégation chinoise comportait en outre un groupe de spectacle de kung-fu et une mission d’étude. Les athlètes chinois ont pris part aux compétitions d’athlétisme, de natation, d’haltérophilie, de cyclisme, de basketball, de football et de boxe. En dehors d’un sauteur à la perche qualifié pour la phase finale (au cours de laquelle il fut éliminé), tous les autres ont échoué dans les compétitions préliminaires.
Le spectacle du groupe de kung-fu emmené par Zheng Huaixian (qui allait devenir président de l’Association chinoise de kung-fu après 1949) a ravi les spectateurs lors de la cérémonie d’ouverture. Le groupe fut ensuite invité à donner des spectacles dans d’autres villes, dont Francfort et Hambourg, où ils rencontrèrent un public chaleureux. C’était la première fois que des spectacles de kung-fu étaient proposés par un groupe chinois à l’étranger. C’est pourtant depuis cette date que l’on regrette que les arts martiaux ne soient pas, jusqu’à ce jour, inscrits à la liste des disciplines olympiques. En juin 2015, lors d’une réunion du comité d’organisation des JO qui se tenait à Tokyo, huit disciplines dont les arts martiaux ont été désignées comme disciplines candidates aux JO de Tokyo 2020. Mais il faudra attendre la décision finale du Comité international olympique (CIO) en août pour savoir si le kung-fu sera une discipline officielle.
En 1952, l’ancienne Association chinoise de coordination et de promotion du sport a été rebaptisée la Fédération nationale des sports de Chine. Le président Mao Zedong a lancé une épigraphe pour la cérémonie d’inauguration de cet organisme : « Développer les sports, fortifier la constitution physique du peuple ». Depuis, le sport est entré dans la vie quotidiennedes Chinois, et la Chine s’active à intégrer la famille mondiale des JO.
Jusqu’aux 15eJO qui allaient se tenir à Helsinki en 1952, le Comité national olympique de la RPC n’était pas reconnu par le CIO. Le gouvernement finlandais avait pourtant établi des relations diplomatiques avec la Chine nouvelle. Grâce aux efforts de la Finlande et d’autres pays, la Chine a finalement obtenu sa qualification pour participer aux JO d’Helsinki lors de la 48econférence annuelle du CIO qui se tenait juste avant l’ouverture des Jeux. Comme la décision a été prise en retard, la délégation chinoise qui se composait de 40 personnes est arrivée à Helsinki 10 jours après l’ouverture et n’a participé qu’à une compétition, la natation masculine, et à la cérémonie de clôture. Personne ne pouvait imaginer à l’époque que ce groupe serait appelé à devenir plus tard une vedette des JO.
En 1958, pour protester contre la reconnaissance des organisations sportives de Taiwan par le CIO et les organisations internationales de huit sports, dont la Fédération internationale de natation, le Comité olympique chinois a annoncé son retrait du CIO, en même temps que des huit autres organisations internationales sportives (natation, athlétisme, haltérophilie, tir, boxe, basketball, cyclisme et l’Association asiatique de ping-pong). Le 26 novembre 1979, le CIO prenait, par 62 voix pour et 17 contre, la décision de reconnaître le Comité olympique chinois en tant que comité national du pays et de permettre à la délégation chinoise de participer aux JO sous l’hymne et le drapeau nationaux de la RPC. En même temps, compte tenu de la situation de Taiwan, le CIO considère le Comité olympique de Taipei comme un organisme chinois régional sous le titre de « Chinese Taipei Olympic Committee ».
En 1981, He Zhenliang a été élu membre du CIO. Les relations entre la Chine et les JO, ainsi que la coopération entre la Chine et le CIO entraient ainsi dans une nouvelle phase historique.
Le 29 juillet 1984 est une journée importante dans l’histoire de la participation chinoise aux JO. C’est lors des 23eJO qui se tenaient à Los Angeles, que le tireur chinois Xu Haifeng décrochait la médaille d’or au tir au pistolet en 60 coups, avec un score de 566 points. C’était la première médaille d’or olympique chinoise. Lorsque Juan Antonio Samaranch, qui était alors le président du CIO, a remis sa médaille à Xu Haifeng, il lui a serré la main en s’exclamant : « Un jour exceptionnel dans l’histoire de la Chine ! »
Hasard du calendrier olympique, c’était également à Los Angeles que cinquante ans plus tôt, Liu Changchun participait en tant que premier et seul athlète représentant la Chine.
Le 8 août 2008, la cérémonie d’ouverture des JO d’été de Beijing s’est tenue au Stade national.
Cette fois en 1984, le Comité olympique chinois avait envoyé une délégation de 225 athlètes aux JO de Los Angeles. Les Chinois participaient aux compétitionsdans 16 disciplines, et ils n’étaient absents qu’aux épreuves de football, de hockey, de boxe, d’équitation et de pentathlon moderne. Après Xu Haifeng, les athlètes chinois ont glané 15 autres médailles d’or, 8 médailles d’argent et 9 de bronze. Par le nombre total de médailles d’or, la délégation chinoise se classait au 4erang.
Depuis, la Chine envoie tous les quatre ans une délégation nombreuse aux JO et la position de la Chine au palmarès ne cesse de s’élever. Lors des JO de Beijing en 2008, les athlètes chinois étaient au nombre de 639, un record jusqu’ici. Sur leur propre terrain, ils ont raflé 51 médailles d’or, pour un total de 100 médailles, faisant de la Chine le pays numéro un au palmarès de médailles d’or et deuxième en nombre total de médailles.
« Beijing ! » Lorsque le 13 juillet 2001, à 22 h, Juan Antonio Samaranch, président du CIO de l’époque, a dévoilé le nom de la ville hôte des JO d’été de 2008 lors de la 112esession du CIO qui se tenait à Moscou, les Chinois qui attendaient dans l’anxiété devant leurs postes de télévision ont explosé de joie. Ce jour-là, les 400 000 pékinois se sont rendus sur la place Tian’anmen pour célébrer ce succès et se réjouir que leur pays organise les JO.
Ce n’était pas la première fois que la Chine posait sa candidature. En mars 1991, la municipalité de Beijing fondait son comité de candidature pour l’organisation des JO d’été 2000. En décembre de la même année, elle remettait une demande écrite au président du CIO. Malheureusement, Beijing a été battu de deux voix par Sydney pour l’organisation des JO d’été de 2000.
Après quelques années de préparatifs, Beijing a présenté pour la deuxième fois sa candidature à l’organisation des JO d’été de 2008. Cette fois-ci, son slogan était : « Nouveau Beijing, grandioses JO ». Finalement, Beijing a été choisi par le CIO, coiffant sur le poteau Istanbul, Osaka, Paris et Toronto. Les JO de Beijing ont accueilli plus de 10 000 athlètes venus de 204 pays et territoires, un record dans l’histoire des JO. C’est également cette année que la retransmission des JO a attiré le plus de téléspectateurs avec 4,5 milliards de personnes dans le monde. « Il s’agit de JO réellement exceptionnels », a rappelé Jacques Rogge, président du CIO de l’époque, dans son discours de clôture.
Beijing est la première ville au monde à organiser les JO d’été et les JO d’hiver.
Après avoir organisé ses premiers JO d’été, la Chine a posé en 2013 sa candidature à l’organisation des JO d’hiver de 2022 : le dossier de candidature proposait que Beijing organise les épreuves sur glace, tandis que le district de Chongli dans la ville de Zhangjiakou prendrait en charge les compétitions sur neige. Le 31 juillet 2015, le CIO a rendu sa décision et offert à Beijing le droit d’organiser les JO d’hiver de 2022. « Beijing qui a organisé les JO d’été et organisera les JO d’hiver 14 ans plus tard, c’est historique », a remarqué le président du CIO de l’époque Thomas Bach.
Aujourd’hui, les préparatifs battent leur plein à Beijing et dans le district de Chongli pour les JO d’hiver de 2022. Par ailleurs, Beijing a lancé un plan visant à attirer ses citoyens vers les activités sportives de glace et de neige. Le district de Chongli, où se tiendront la plupart des compétitions sur neige, voit exploser à chaque saison le nombre de skieurs et d’autres sportifs en herbe.
En Chine, dont les sports traditionnels sont les arts martiaux, on joue aussi au cuju (un jeu parfois appelé le football chinois), on saute à la corde et on joue au volant au pied. Depuis la fin des Qing (1644-1911)où les puissances étrangères envahissaient la Chine et où l’activité physique des Chinois était faible, le sport moderne a été introduit dans le but de fortifier l’état physique des soldats et de renforcer l’armée. Pendant une longue période après la naissance des JO, la Chine n’avait pas eu l’occasion de participer à cet événement.
Du 18 au 22 octobre 1910, les premiers Jeux nationaux de l’histoire chinoise se sont tenus à Nanjing. Ils étaient organisés par des personnalités du milieu sportif comme Zhang Boling. Au programme, il y avait des compétitions d’athlétisme, de football et de tennis. Trois mois avant l’ouverture de cet événement, les organisateurs avaient publié une annonce qui explicitait leurs intentions : « Les pays occidentaux organisent tous les quatre ans les JO. Tous les pays envoient leurs représentants pour y participer. Sauf la Chine qui n’a jamais participé à cette manifestation. N’est-ce pas une honte ? Nous nous demandons quand la Chine enverra ses représentants aux JO ? Quand la Chine pourra-t-elle remporter un titre de champion olympique ? Quand la Chine organisera-t-elle des JO sur son territoire ? ». Ce genre d’appel paru à de multiples reprises dans les journaux de l’époque, illustrant le désir des Chinois de prendre part aux JO.
C’est pour cette raison que les Chinois apprécient tant les médailles olympiques, en particulier les médailles d’or. Le système chinois de sélection et de formation des athlètes est souvent critiqué par des médias occidentaux, mais selon un sondage effectué il y a quelques années par un média chinois, plus de 80 % des personnes interrogées soutiennent ce mode de développement du sport aux frais de l’État.
Pourtant, le développement des sports a connu bien des changements en Chine. La priorité aux sports de compétition a commencé à céder le pas aux sports destinés au grand public. Ceux-ci sont désormais la clé de la stratégie sportive chinoise. Ces dernières années, de nombreuses compétitions sportives, qu’elles soient commerciales ou bénévoles, sont exemptées d’autorisation par les administrations. Les fédérations de certaines disciplines sportives sont devenues indépendantes de l’Administration générale des sports de Chine. Selon des statistiques, fin 2014,les sportifs pratiquants réguliers représentaient 33,9 % de la population, soit une augmentation de 5,7 % par rapport à 2007. Dans un proche avenir, on verra les champions émaner non seulement des équipes nationales, mais aussi du cercle de plus en plus large des sportifs amateurs.