La restauration à l’èred'Internet

2016-10-26 06:25XIEFEIJUN
今日中国·法文版 2016年10期

XIE FEIJUN*



La restauration à l’èred'Internet

XIE FEIJUN*

Xu Jianjun, l’un des fondateurs de la plateforme Kaistart.

Un ingénieur diplômé aux États-Unis retourne en Chine et ouvre un restaurant de plats sains aux aliments traçables. Le chef d’un cinq étoiles ouvre son propre restaurant d’écrevisses de Louisiane…Aujourd’hui, les projets de ce genre se multiplient sur les sites de financement participatif et sont soutenus par des individus intéressés.

Le financement participatif est une forme de consommation collaborative. Au début, ce modèle se concentrait dans le domaine de la création : si quelqu’un décidait de créer un objet qui n’existait pas encore sur le marché, il pouvait trouver des capitaux de démarrage et des premiers acheteurs grâce au financement participatif. Par la suite, ce modèle s’est généralisé dans le milieu du financement des start-ups et a suscité une vague d’engouement en Chine : des films, des cafés, des hôtels aux concepts originaux ont ainsi été créés.

La restauration transformée par Internet

Dans un restaurant de 90 m2situé sur la rue Shaanxi Nan de Shanghai, plusieurs jeunes vêtus de tee-shirts noirs se pressent pour servir les clients. Parmi eux se trouve un jeune homme à lunettes nommé Ye Haibo. Il est diplômé d’un master d’ingénierie du transport de l’Université de Californie du Sud. Il est retourné à Shanghai et y a ouvert ce restaurant, Raw Plus.

Ye Haibo est le patron et l’un des serveurs de ce lieu exigu. Il s’occupe de tout : du développement des plats au choix de la chaîne d’approvisionnement, du service aux clients à la vérification des comptes. Le nom « Raw Plus » indique que la cuisine n’utilise que des aliments crus. Le restaurant préconise une cuisine simple et bénéfique pour la santé. Ce concept, déjà populaire aux États-Unis, vient de décoller en Chine.

Une jeune femme d’une vingtaine d’années, Mlle Che, mange dans le restaurant avec ses parents. « Ce type de restaurant est pour les jeunes, pas pour nous », dit son père. Mlle Che fait des études de diététique aux États-Unis et est rentrée à Shanghai pour les vacances d’été. Ses amis lui ont suggéré d’essayer ce restaurant original avec ses parents. Mais son père voit dans les céréales servies par le restaurant la nourriture des pauvres d’autrefois. « Pourquoi mange-t-on cela aujourd’hui à de tels prix ? » s’interroge-t-il.

En effet, pour l’instant la plupart des clients sont des jeunes soucieux de manger sain et qui ne s’inquiètent pas des prix élevés.

Selon Ye Haibo, les Chinois accordent de plus en plus d’attention à la sûreté alimentaire et la traçabilité des aliments est devenue une priorité. Depuis l’ouverture du restaurant, le nombre quotidien de clients est passé en un an d’une soixantaine à environ 200 couverts. Plus de 80 % des clients souhaitent faire un repas léger. « Nous avons libéré nos clients des saveurs trop fortes, épicées et grasses », se félicite le patron.

Huang Xiaobin était chef dans un célèbre hôtel de Shanghai avant de se lancer dans un projet d’écrevisses de Louisiane. Un jour de 2003, un ami l’a invité à manger dans un restaurant d’écrevisses. Il a été surpris par le volume de ventes de ce petit restaurant de 40 m2: plus de 500 kg par jour. « Il faut savoir qu’à cette époque nous venions de subir le SRAS et que la plupart des restaurants étaient vides », explique-t-il.

Il a donc quitté son ancien poste de chef et a ouvert un restaurant d’écrevisses de Louisiane avec deux amis. Les deux amis ont fourni un financement et Huang Xiaobin s’est chargé de l’approvisionnement, de la cuisine, des paiements et de la comptabilité. Il a gagné de l’argent, mais il était épuisé. Il a fini par vendre son restaurant.

Après son premier essai, il a travaillé pendant une dizaine d’années pour de grandes chaînes de restauration japonaises et américaines. Son ancienne passion s’est rallumée récemment quand un nouvel essor de restaurants d’écrevisses de Louisiane s’est produit en Chine.

Il a commencé à préparer son projet en 2014. Au mois de juin 2015, son projet était officiellement prêt. Au début, il n’avait pas de restaurant physique. Il vendait ses plats sur Internet ou sur WeChat. Parmi ses clients, il y avait aussi des gérants de restaurants, dont plusieurs qui ont voulu participer à son projet. Il a donc décidé d’ouvrir un véritable restaurant et a tenté le financement participatif. « Puisque beaucoup de personnes voulaient participer, le financement participatif donnait l’occasion à tous de le faire », explique-t-il.

Comme prévu, une fois mis en ligne sur une plateforme de financement participatif, son projet a reçu 1,3 million de yuans. En juillet 2016, son restaurant a ouvert ses portes à Shanghai. Il prépare aujourd’hui l’ouverture de son deuxième restaurant à Hangzhou. Il est ambitieux pour l’avenir de sa marque : « Cette année nous allons ouvrir d’autres restaurants à Beijing et à Suzhou, puis dans le sud de la Chine à Guangzhou ou à Shenzhen, dans l’ouest à Chengdu ou à Chongqing, et au nord à Shenyang ou à Dalian. »

Huang Xiaobin veut produire des petites langoustes de taille normalisée. 

Le restaurant de Ye Haibo préconise une cuisine simple et diététique.

Pas seulement du financement

Auparavant, il fallait une longue préparation avant d’ouvrir son propre restaurant. Raw Plus en est un exemple : le restaurant est situé dans un quartier commercial très chic, le loyer est de près de 70 000 yuans par mois, auxquels s’ajoutent les salaires des employés, 65 000 yuans par mois. Le patron Ye Haibo doit assumer toutes ces dépenses. Même Huang Xiaobin, qui avait des années d’économies, n’a pas trouvé facile de lancer une chaîne de restauration sans financement participatif.

Ceux qui participent à son projet apportent non seulement un financement,« ils ont les mêmes attentes et les mêmes valeurs que moi. Nous sommes réunis, chacun mobilise ses propres atouts et ressources, ce qui accélère le développement de notre projet », observe-t-il.

Chen Xiaojun a soutenu le projet de Ye Haibo sur la plateforme de financement participatif Kaistart. Il a acheté un plat à un prix préférentiel de 40 yuans sur le site. Une fois arrivé au restaurant, il a pu commander et goûter plus de plats. Il n’avait jamais rencontré Ye Haibo avant ce repas. Mais parce qu’il participait au projet, il s’est senti investi et a donné ces quelques mots d’encouragement au patron en partant : « Les aliments sont de bonne qualité, bravo pour vos plats. »

Le projet de Ye Haibo a été mis en ligne en mai en 2016 et il a reçu un soutien financier de 138 personnes. Certains participants comme Chen Xiaojun ont acheté des plats sur le site, d’autres sont devenus cofondateurs en investissant 40 000 yuans. Chaque année, les cofondateurs touchent un dividende de 1 %.

Ye Haibo explique que l’essentiel de la plateforme de financement participatif est de distribuer des ressources aux bonnes mains. Il a signé un contrat de trois ans avec les cofondateurs. Après ce délai, le contrat pourra être renouvelé ou non. La plateforme possède aussi un mécanisme élaboré de retrait.

L’aperçu d’une autre vie

Dans la vie, chacun a ses propres aspirations : ouvrir un hôtel familial pour certains, exploiter un restaurant pour d’autres, ou encore organiser une exposition photographique. Mais en raison des contraintes du quotidien, peu de gens réalisent ces rêves. Grâce au financement participatif,plus de gens tentent leur chance.

Le soir du 15 juillet, une réunion sur la gastronomie a été organisée dans la salle 1933 Shanghai, en présence de grands amateurs de gastronomie et d’individus voulant ouvrir un restaurant.

La plateforme Kaistart organisait l’évènement. Xu Jianjun est l’un des fondateurs de cette plateforme. Selon lui, il s’agit d’un jeu de substitution et d’une plateforme qui permet à chacun de montrer ses talents. « Sur cette plateforme, chaque projet est comme un programme de téléréalité. L’initiateur du projet se présente sur la plateforme, décrit ses expériences, ses ambitions, où il a trouvé l’idée créative de son projet et pourquoi il invite les autres à coopérer. Si son histoire intéresse quelqu’un, il peut investir dans le projet. » Les participants peuvent acheter plusieurs expériences de consommation pour quelques centaines de yuans ou investir plusieurs dizaines de milliers pour devenir directement actionnaires.

Xu Jianjun travaillait autrefois pour un magazine. Aujourd’hui, au lieu de reportages rédigés à la troisième personne, il a une plateforme sur laquelle chacun peut raconter sa propre histoire.

« Si vous trouvez une personne du même caractère que vous et qui partage vos valeurs, et qu’elle est en train de suivre un projet qui vous correspond, vous pouvez la soutenir. En faisant cela, vous participez aussi à la création d’une œuvre. C’est l’importance du financement participatif,et cela donne un aperçu d’une autre vie possible », note Xu Jianjun.

Actuellement, plus de 100 000 inscrits sur la plateforme ont pris part au financement participatif, pour une consommation moyenne de 3 000 yuans. Cela représente seulement une petite partie du volume total du financement participatif en Chine,qui s’élève à cinq milliards de yuans.

Certes, ce sont les utilisateurs du site qui ont le dernier mot. Si un projet échoue et qu’il ne parvient pas à collecter la somme prévue, la plateforme rembourse tous les participants. L’initiateur doit alors repenser son projet et résoudre les problèmes. La plateforme compte déjà 10 millions d’utilisateurs. Si un projet ne reçoit pas suffisamment de soutien parmi tant de monde, il faut certainement reconsidérer le positionnement du marché et la logique d’exploitation du projet. Cela est un bon test de marché pour ceux qui veulent lancer un projet.

*XIE FEIJUN est journaliste du Jiefang Daily.