ZHOU LIN, membre de la rédaction
Le bénévolatsoutient la croissance
ZHOU LIN, membre de la rédaction
Des volontaires d’E.G.E. organisent des activités dans le quartier résidentiel de Jinshazhou.
«On n’est pas là pour attendrir le public avec des histoires misérabilistes. Les travaux de bénévolat peuvent être agréables, apaisants et enrichissants ! » affirme Xie Feixun, fondateur du programme E.G.E. et étudiant à l’Université normale de Chine du Sud. « Le sigle de notre programme signifie ‘‘Enrichissement’’, ‘‘Global’’ et‘‘Eclairé’’, c’est un résumé de notre idée de départ. »
Guangzhou est une métropole internationale de 13 millions d’habitants environ ; une population qui comprend un nombre considérable d’étudiants étrangers. Les jeunes qui ont fait l’expérience du bénévolat dans leur pays d’origine se montrent les plus enclins à participer aux programmes d’aide chinois. C’est pour eux une chance d’aider les personnes de leur ville d’adoption et en même temps de s’immerger dans la culture chinoise et la vie de tous les jours. Cela aide parfois énormément, en particulier dans certains villages au bas niveau de vie où de nombreuses personnes doivent vivre avec le revenu minimum. Dans ces communes, les familles ne peuvent pas se permettre d’envoyer leurs enfants apprendre des langues étrangères et les enfants ont moins d’occasions de se confronter à l’immensité du monde.
« Notre programme vise à créer une plateforme entre la générosité des étudiants étrangers et les besoins locaux. E.G.E. Plus propose un travail bénévole dans un pays étranger. »
Parmi les cinq membres fondateurs de l’équipe, Xie Feixun est le directeur stratégique. Des quelques recherches qu’ils ont faites dans cinq établissements d’enseignement supérieur de Guangzhou, il ressort que la province du Sud compte plus de 10 000 étudiants étrangers. Lesaffiches E.G.E. ont suscité l’intérêt de 450 personnes désireuses de s’engager comme bénévoles, 350 étrangers et 100 Chinois.
Ce que propose le programme E.G.E. est un service à double sens. Les bénévoles chinois présentent les étudiants étrangers aux habitants des cités, où on leur proposera un enseignement basé sur les arts chinois ancestraux, comme la calligraphie, la peinture traditionnelle, la découpe de silhouettes en papier, l’opéra Cantonais ou des travaux d’artisanat tel que le tressage du rotin. Les bénévoles étrangers, de leur côté, participent au développement de ces quartiers en organisant par exemple des ateliers de langue anglaise pour les enfants de familles vivant sur les minima sociaux. Ils leur enseignent l’anglais parlé, proposent des cours de réflexion créative,et finalement contribuent à élargir leur champ de vision.
En avril dernier, les premiers volontaires sont arrivés à Jinshazhou, le plus grand quartier HLM de Guangzhou. Les citoyens les plus âgés ont initié les étudiants étrangers aux subtilités de la calligraphie chinoise. Les résidents de la cité étaient si contents de leurs travaux créatifs qu’ils ont composé une chanson au sujet d’Hélène, le prénom d’une des bénévoles, afin d’exprimer leur affection pour ces nouveaux amis. Les enfants ont organisé un spectacle dans lequel ils présentaient des instruments de musique chinoise traditionnels comme le hulusi(flûte de calebasse) et le guzheng (cithare chinoise), avec quelques démonstrations de danses d’autrefois.
« Je ne veux pas jouer avec les étrangers parce que je ne sais pas parler anglais. » Même s’ils se montraient un peu timides au début, les enfants de la cité se sont rapidement liés d’amitié avec les bénévoles étrangers, et bientôt garçons et filles ont ajouté leur voix au chœur de chansons anglaises, appris les règles de nouveaux jeux et acquis quelques mots et expressions dans la langue de Shakespeare.
Jordan et Elaine, un couple d’Irlandais, ont entamé un semestre d’études en Chine. Eux aussi prennent souvent le métro pendant plus d’une heure pour aller prendre leur tour de bénévolat dans les quartiers périphériques. « Ces enfants sont incroyablement doués aussi bien pour la musique que pour la danse. C’est un bonheur de leur apprendre des jeux », affirme ainsi Jordan, tandis qu’Elaine renchérit : « Je suis ravie de pouvoir faire du bénévolat ici, en Chine. Ces enfants sont riches de talents incroyables ! ». Jordan comme Elaine sont instituteurs dans leur pays d’origine. Ils ont l’intention de rapporter des œuvres calligraphiques d’ici en Irlande pour ainsi relier entre eux les cœurs des enfants des deux pays éloignés de milliers de kilomètres.
« Je suis toujours touché par la chaleur des échanges entre les volontaires chinois et leurs partenaires étrangers, explique Xie Feixun. Les bénévoles de différents pays partagent le même désir et aucune barrière linguistique ne peut entraver leur enthousiasme. »
Afin de garantir la durabilité et la qualité de ce service au public, Xie Feixun et son équipe ont composé un guide de lecture sous forme de livre d’images. Après avoir sélectionné avec minutie 10 historiettes en images, ils ont conduit cinq leçons de formation qui ont reçu un bon accueil. D’autre part, ils ont mis au point un cours de réflexion créative basé sur des enseignements authentiquement étrangers et des manuels d’apprentissage dans lesquels ils ont pêché une cinquantaine d’expériences scientifiques. L’un des membres de l’équipe est chargé de maintenir à jour une bibliothèque d’enregistrements audio d’histoires anglaises sur le compte We-Chat officiel du programme en y ajoutant deux nouvelles histoires par jour.
Ce programme ne bénéficie pas qu’aux étudiants étrangers et aux habitants des cités : les membres de l’équipe E.G.E. se développent eux aussi. Huang Jiaming a ainsi affirmé au reporter de La Chine au présent, « Mon anglais oral n’était pas aussi courant avant que le programme me fournisse l’occasion de pratiquer. Maintenant, je suis beaucoup plus à l’aise, et je ne sens plus aucune barrière quand je communique avec les étrangers. »
Selon eux, ce travail bénévole au sein des cités est à la fois agréable, apaisant et enrichissant. Leur souhait est d’aider des personnes à apprendre les unes des autres. Xie Feixun l’exprime ainsi : « Cela pourrait représenter un nouveau modèle et un nouveau concept de promotion de l’aide sociale en Chine. »
Une volontaire irlandaise s’initie à la calligraphie.
Xie Feixun explique que le succès du programme E.G.E. repose aussi sur un soutien financier qu’ils ont obtenu de Starbucks dans le cadre du Programme de développement des jeunes leaders de Chine, un programme d’encouragement des mouvements bénévoles, qui leur a accordé une mise de fonds initiale de 5 000 yuans pour lancer leur œuvre de formation et d’encadrement.
« Ce programme nous a permis de comprendre exactement ce qu’implique la prise de responsabilité sur un groupe de jeunes. Ce petit pécule initial nous a fourni une base solide, et des formations nous ont aidés à définir les valeurs fon-damentales et les objectifs futurs de notre mouvement, mais aussi de comprendre la nature de ces services au public. Des ateliers de formation mobiles nous ont enseigné l’importance du travail en équipe et des échanges avec des amis travaillant dans d’autres écoles du pays ont élargi nos horizons », déclare M. Xie à La Chine au présent.
Ce Programme des jeunes leaders est co-sponsorisé par Starbucks et la fondation chinoise Soong Ching Ling. Il offre à des étudiants chinois un plan de développement de leurs capacités managériales. La fondation Starbucks prévoit d’investir au total 1,5 million de dollars (environ 1,3 million d’euros) en trois ans qui bénéficieront à 1 500 étudiants triés sur le volet au niveau national, notamment dans des régions et des communes pauvres et au sein de familles défavorisées. Ce programme fournit aux étudiants la chance d’étudier les lois du business, d’acquérir une conscience sociale et des compétences en communication. De ce fait, il booste leur développement personnel et élargit leurs possibilités futures.
Ce programme a déjà bouclé avec succès ses deux premières sessions. La seconde année, il comprenait 100 équipes de 500 étudiants venant de 10 établissements d’enseignement situés dans cinq villes différentes : Beijing, Shanghai, Guangzhou, Chengdu et Changsha. Tous se sont livrés à des études sur le terrain, des ateliers pratiques et des exposés itinérants. Ils ont pu visiter plus de 100 villages et écoles où ils ont aidé plus de 10 000 personnes et reçu autour de 110 000 avis favorables sur les réseaux sociaux ainsi que 300 000 évaluations de collègues.
Un programme qui a déjà généré un bon nombre d’idées pertinentes au sujet du bénévolat public. Par exemple, l’équipe de l’Université des minorités du Sud-Ouest a développé une application appelée Youfaner qui fournit une plateforme aux citoyens seniors et aux jeunes désireux de manger ensemble. Les jeunes peuvent ainsi commander sur cette application un déjeuner ou un dîner qu’ils partageront avec des personnes âgées isolées. Une idée gagnant-gagnant, puisque les jeunes obtiennent un rabais et l’occasion de papoter avec des personnes d’une autre génération, qu’ils peuvent également aider dans leurs travaux d’entretien de la maison, tandis que les seniors arrondissent un peu leur retraite en utilisant l’application pendant leur temps libre. Une application qui « réchauffe le cœur et l’estomac. » Un autre programme se focalise quant à lui sur une facette peu connue de l’héritage culturel chinois : les teintures naturelles. Les volontaires se chargent de collecter de l’argent en vendant des articles teintés à l’aide de ces techniques naturelles. Ensuite, ils forment de jeunes adultes dans les régions peuplées d’ethnies minoritaires pour servir de guides aux visiteurs en leur expliquant ce processus d’artisanat traditionnel. Une initiative qui encourage le tourisme.
« Le conseil que nous donnons aux jeunes leaders est simple : lancez-vous ! Un groupe de jeunes qui emploie ses capacités de réflexion créative pour aider des personnes fait du bien aux autres. Ce programme de jeunes leaders se concentre sur la capacité de certaines personnes à en influencer d’autres et en même temps les aide à réaliser leur potentiel personnel », explique Xi Feixun.
Une volontaire étrangère lit un album illustré en anglais à une jeune chinoise.
Début 2016, la Fondation chinoise pour la réduction de la pauvreté (CFPA) a publié son rapport d’activité pour 2015 qui passait en revue la participation des étudiants à l’aide sociale. Selon ce rapport, 90 % des étudiants participent au travail social d’une façon ou d’une autre, qu’il s’agisse d’aides pécuniaires ou de dons d’objets ou de sang à des associations bénévoles. Faire du bénévolat est une forme d’aide sociale plébiscitée par les étudiants. 58 % des étudiants s’accordent à penser que l’aide sociale est en croissance en Chine, tandis que 35 % des étudiants interrogés affirment avoir envie de travailler dans des organismes humanitaires.
« Lorsque nous aurons notre diplôme, des plus jeunes prendront la suite. Nous considérons également des moyens de financer notre programme par le marché pour le rendre durable. » Xie Feixun souligne l’importance de la persévérance lorsqu’on parle de services au public, et se fait l’avocat d’une sensibilisation des étudiants à la prise de responsabilités tout en les laissant répandre à la ronde amour et confiance.
Évoquant l’avenir de son programme, Xie Feixun a mentionné un projet de connecter entre elles plus de ressources d’assistance sociale. Par exemple, il souhaiterait améliorer son système de recrutement des bénévoles étrangers et des services de volontariat en donnant plus de retours d’informations aux candidats. D’autre part, il voudrait lancer des coopérations avec des organismes d’éducation, afin de lever plus de financements et peutêtre de mettre certains cours en ligne à des tarifs fixes.
Deux jeunes Allemands de 19 ans ont marqué durablement l’équipe. Ils travaillent en tant que bénévoles à plein temps en Chine pendant leur année sabbatique. « Nous admirons tous le courage qu’ils démontrent en suspendant ainsi leur carrière pour vivre une vie qui a du sens. Nous sommes particulièrement touchés par leur volonté farouche et leur persévérance, les plus fortes qu’il nous ait été donné de voir jusqu’ici. »
Mettre en pratique ses valeurs personnelles est facile, mais tenir à bout de bras la responsabilité sociale qui en découle l’est moins. Le but final du programme E.G.E. est de pousser de jeunes Chinois à un dépassement de soi et à participer à l’effort de prendre soin de leur prochain. Tout cela peut les conduire à mieux se connaître eux-mêmes, à découvrir le monde et finalement à grandir en même temps qu’ils produisent de grands changements sociaux, explique Xie Feixun.