JIAO FENG, membre de la rédaction
L’impression 3D : un grand espoir pour les patients atteints d’ostéome
JIAO FENG, membre de la rédaction
Dans la zone des chambres de patients du service orthopédique du Troisième hôpital de l’Université de Beijing, se situe un bureau modeste avec sur la porte un écriteau indiquant « Laboratoire d’impression 3D ». Avec la salle de consultations, les chambres et la salle de formation, il est l’endroit le plus fréquenté par Liu Zhongjun, directeur du département d’orthopédie de l’hôpital. Le bureau ressemble à un mini-atelier de coworking : sur les tables sont disposés des ordinateurs et une imprimante 3D, avec des cartouches de recharge et des maquettes.
« Nous venons de réaliser une excision de tumeur maligne avec un remplacement de vertèbres. Le dispositif a été créé par cette imprimante », raconte Liu Zhongjun, en pointant du doigt une imprimante 3D.
Le 6 mai 2016, l’homologation du premier implant de segment de colonne vertébrale artificielle en métal au monde imprimé par imprimante 3D a été approuvée par l’Administration nationale chinoise des produits alimentaires et pharmaceutiques (China Food and Drug Administration). Il est développé et fabriqué par le Troisième hôpital de l’Université de Beijing en coopération avec Beijing AKEC Medical Co., Ltd. En tant que responsable de l’équipe de recherche, Liu Zhongjun indique que la Chine se démarque en position de leader mondial dans ce domaine.
Le professeur Liu Zhongjun compare une vertèbre en titane usinée selon la méthode traditionnelle et une autre imprimée en 3D.
Liu Zhongjun a découvert l’impression 3D en début d’année 2009. Beijing AKEC Medical Co., Ltd., entretenant de bons contacts avec le Troisième hôpital de l’Université de Beijing, avait alors acheté une machine capable de fabriquer un produit 3D en métal. Lors d’un séminaire, un ingénieur a expliqué aux médecins les performances et les caractéristiques de l’imprimante 3D, ce qui a beaucoup intéressé Liu Zhongjun. Celui-ci se rendit compte que cette technologie pourrait fournir des éléments de réponse aux questions sur lesquelles il fait des recherches depuis longtemps. « Il faut tout d’abord satisfaire le besoin de forme spécifique de l’implant orthopédique », présente M. Liu. La forme des os vertébraux humains est irrégulière, par exemple, l’atlas et l’axis, respectivement la première et la deuxième vertèbre de la colonne cervicale, ont une structure très particulière, ainsi ils sont difficiles à reproduire par les méthodes traditionnelles. La norme internationale consiste en la pose d’une tige en titane (utiliser un segment de cylindre réticulaire en titane rempli de substances osseuses pour remplacer le corps vertébral d’origine, et puis attendre la repousse des os pour faire la jonction des extrémités), mais cette solution ne peut que réaliser une jonction partielle, avec une solidité insuffisante et une longue durée de convalescence, ce qui implique beaucoup de souffrance pour les patients. L’impression 3D est, quant à elle, parfaitement capable de former desstructures spécifiques et fabriquer ainsi des produits qui répondent mieux aux demandes concrètes et personnalisées des patients.
« Le squelette humain possède des interstices fournissant des espaces pour la croissance des cellules osseuses. Grâce à l’imprimante 3D, l’implant artificiel a,lui aussi, des interstices similaires pour se fondre avec les os réels, ce qui représente un renforcement considérable en matière de solidité », ajoute M. Liu. Au vu des avantages de l’impression 3D dans le domaine de l’orthopédie, il se consacre à la recherche sur le sujet pendant plusieurs années avec son équipe.
La vertèbre artificielle mentionnée ci-dessus, un implant orthopédique directement mis dans le corps humain, appartient à la troisième classe des appareils médicaux, les produits les plus strictement surveillés en Chine. « Le progrès de la médecine est toujours inséparable de l’innovation, tandis que l’innovation de la médecine provient des demandes des patients », remarque M. Liu.
Le professeur Liu Zhongjun pose la vertèbre artificielle dans la colonne vertébrale du patient.
Au mois de mai cette année, le Troisième hôpital de l’Université de Beijing a reçu un patient particulier. Il s’appelle Yuan, il souffre d’un chordome, une tumeur maligne rare. Après une série d’examens, on découvre que cinq vertèbres de cet homme sont lésionnelles, respectivement les 10e, 11eet 12evertèbres dorsales, ainsi que les 1reet 3evertèbres lombaires.
Face à cette situation, on n’a pas d’autre solution, excepté l’excision complète de la tumeur. « L’excision de cinq vertèbres signifie déjà une opération extrêmement difficile, d’autant plus que nous devons sauvegarder les fonctions des tissus importants, tels que la moelle épinière, les nerfs et les vaisseaux sanguins à l’intérieur du canal vertébral, tout en réfléchissant sur la question ‘‘comment soutenir le corps après l’excision ?’’ », explique Liu Zhongjun.
« Cinq vertèbres mesurent à peu près 19 cm, une longueur impossible à atteindre pour le cylindre réticulaire en titane. En plus, la courbe en S de la colonne vertébrale est difficile à former par ce dernier », ajoute-t-il. « Avant la technologie d’impression 3D, l’opération était irréalisable pour ce cas, mais on a désormais une option supplémentaire : fabriquer un segment de la colonne vertébrale artificiel conformément à la structure anatomique du patient. »
Le 12 juin, à 8h du matin, M. Yuan a été emmené en salle d’opération. L’opération ayant duré plus de 6 heures fut une réussite. En raison de signes vitaux stables et de la faible quantité de saignements, il est directement retourné dans une chambre après l’opération, pas dans une unité de soins intensifs (USI). Deux semaines plus tard, il a pu se mettre debout, même marcher avec une assistance. Le 20 août, il est sorti de l’hôpital en marchant de manière indépendante.
M. Yuan est le premier patient recevant une vertèbre fabriquée par imprimante 3D suite à la certification de la CFDA. Mais en fait, ce n’est pas la première fois que Liu Zhongjun et son équipe occupent la place de leader mondial en matière d’application de technologies d’impression 3D dans le domaine de l’orthopédie. Le 31 juillet 2014, ils ont réalisé la première implantation de l’axis fabriqué par imprimante 3D au monde, après avoir préalablement excisé avec succès la tumeur maligne du patient âgé de 12 ans. Pour le moment, on compte cinq autres patients ayant reçu une implantation d’axis artificiel et tous jouissent d’un rétablissement favorable.
Se rappelant les premiers jours de recherche, Liu Zhongjun nous raconte un épisode intéressant. Du fait qu’il y ait un grand nombre de noms propres sur la forme en elle-même de la vertèbre, les techniciens qui s’occupaient de l’impression 3D ne comprenaient pas la description de Liu Zhongjun, malgré de nombreuses tentatives d’explications. Ayant un éclair de génie, il décida de pétrir une vertèbre en pâte à modeler, conformément à laquelle les techniciens fabriqueraient un échantillon similaire. Après d’innombrables modifications, une vertèbre artificielle standardisée a finalement vu le jour.
Aujourd’hui, l’équipe de recherche n’a plus besoin de l’aide des techniciens. Li Zihe, l’un des disciplines de Liu Zhongjun, a maîtrisé l’intégralité des opérations : entrer les données des vertèbres dans l’ordinateur et générer un modèle à copier.
« Le progrès de la médecine dépend davantage du développement et de l’association de diverses sciences. Maîtriser uniquement des connaissances médicales est largement insuffisant pour un médecin. Pour avoir de l’avance dans le domaine de l’innovation scientifique et technologique,la Chine doit rassembler des talents interdisciplinaires », indique Liu Zhongjun.
Après des recherches et des observations cliniques de plusieurs années et au travers de collaborations interdisciplinaires et transversales, la Chine a réussi à accomplir une percée en matière d’implant fabriqué par impression 3D. Jusqu’à présent, la CFDA a autorisé l’enregistrement de deux produits, tous deux développés par l’équipe du service orthopédique du Troisième hôpital de l’Université de Beijing. L’articulation coxo-fémorale artificielle homologuée en septembre 2015, la première dans le monde, a déjà bénéficié à plus de 1 000 malades depuis sa mise en application il y a un an.
D’après Liu Zhongjun, l’impression 3D a de bonnes perspectives d’avenir dans de nombreux domaines en dehors de la chirurgie spinale, comme par exemple dans la réparation d’une fracture de l’orbite, de l’os crânien ou encore dans la chirurgie esthétique. En outre, son exploration du potentiel de fabrication d’organes et de tissus en biomatériau par l’imprimante 3D nous laisse pleins de nouveaux espoirs.