XIE FEIJUN*
Zhu Pinpin veut donner un cerveau aux robots
XIE FEIJUN*
Le robot Xiao i a fêté ses premiers 50 millions d’utilisateurs.
Au mois de juillet, la 25eInternational Joint Conference on Artificial Intelligence (IJCAI-16) a rassemblé plus de 1 700 experts de l’intelligence artificielle (IA)à New York. L’IJCAI est un rendez-vous grandiose des chercheurs et des professionnels de l’IA, ainsi que l’un des plus importants colloques professionnels dans le domaine de l’intelligence artificielle. Cette année, parmi les intervenants se trouvait un Chinois, Zhu Pinpin, créateur du robot « Xiao i ». Il a partagé ses opinions sur le développement de l’économie robotisée et sur l’évolution de son invention.
Après une dizaine d’années de développement sous la direction de Zhu Pinpin, l’équipe de Xiao i est devenue le premier fournisseur du monde de robots à intelligence artificielle en Chine. ses chercheurs ont développé plusieurs solutions IA, y compris un robot de service, un robot de marketing, une base de savoir intelligent, ainsi que des robots semblables à des êtres humains. Ces solutions sont appliquées dans les domaines de la communication, de la finance, de l’aviation, de l’automobile, du gouvernement en ligne, de l’e-commerce et de l’habitation domotique.
Un utilisateur consulte la météo auprès du robot Xiao i sur son smartphone.
Xiao i a été dévoilé pour la première fois en 2004 sur MSN. Il était alors un robot de conversation en ligne. Au lieu de dialoguer avec un autre humain, on pouvait désormais bavarder avec un robot. À la différence des humains, Xiao i répondait à toutes les questions. « Il y avait des internautes qui dialoguaient fiévreusement avec Xiao i. On a bientôt eu un groupe d’utilisateurs fréquents », se souvient Zhu Pinpin. Selon la vision d’Internet de l’époque, les utilisateurs représentaient de l’argent. Mais en fait, il manquait un circuit fermé.
C’est à ce moment-là que Zhu Pinpin, le premier Chinois à explorer le développement d’un robot de conversation pour la commercialisation, s’est demandé et a demandé à son équipe : « Comment produire une valeur commerciale pour ce type de conversation en ligne ? »
Cette question est en elle-même un type d’exploration. L’entreprise a continué à développer des applications pour Xiao i et a essayé des robots qui remplissaient une certaine fonction, comme consulter la météo ou le cours des actions. En 2006, l’équipe a développé un assistant virtuel pour les clients en enseignant aux robots le savoir nécessaire. L’avantage de ce type de robot est évident : dans les entreprises de communication, de l’aviation aux banques, des locaux sont nécessaires pour les lignes de services. En plus des frais de communication et des coûts de main-d’œuvre, les entreprises sont confrontées au fait que les employés qui répondent aux appels se lassent vite et quittent leur poste. Comment résoudre ce problème ?
« On peut résoudre ce problème avec des robots », a pensé Zhu Pinpin. Selon lui, les robots pourraient assumer 80 % des tâches de ce genre. « On peut utiliser des robots pour accomplir les tâches répétitives comme donner des renseignements ou faire des opérations simples. Seules certaines demandes personnalisées nécessitent la réponse d’un être humain. »
Même si l’idée était bonne, il n’a pas été facile de trouver des clients. La plupart des entreprises chinoises ont ouvert des lignes d’assistance téléphonique dans les années 2000. Il n’était pas encore urgent pour elles d’abaisser les coûts. « L’innovation n’est pas facile. La majorité préfère souvent attendre », observe Zhu Pinpin. Jiangsu Mobile a été la première entreprise cliente de Xiao i, et Zhu Pinpin lui en reste très reconnaissant. Le robot de service a été utilisé sur le site, puis pour le service de SMS. Les données de retour d’expérience de Jiangsu Mobile ont été très positives : « Grâce au robot, le coût de la maind’œuvre a baissé d’environ deux millions de yuans. En même temps, les nouvelles opérations réalisées par le robot SMS ont augmenté notre chiffre d’affaires de plus de deux millions de yuans. »
Xiao i est devenu immédiatement populaire. Les entreprises ayant un grand volume de clients ont voulu faire accomplir les tâches répétitives par le robot. Aujourd’hui, des frères et sœurs de Xiao i apparaissent de plus en plus dans notre vie courante : China Merchants Bank utilise le robot Petit Merchants sur son compte officiel Wechat, sur son app et même dans ses banques ; le robot a économisé l’année dernière plus de 6 000 postes à la China Construction Bank ; et d’après les statistiques de la Bank of Communications, le robot a économisé dix millions de yuans en un mois à la fin de l’année 2014.
Xiao i a déjà fourni ses services d’IA à plus de 500 millions de personnes dans le monde entier et l’entreprise est devenue la plus pointue dans le domaine. Elle est aussi une force majeure pour faire avancer l’économie de la robotique. Xiao i détient plus de 70 % des parts de marché en Chine dans le domaine des robots de service.
Un robot Xiao i de service pour la Banque des Communications.
À l’issue de l’International Joint Conference on Artificial Intelligence à New York, les experts ont dégagé un consensus : on connaît aujourd’hui le troisième essor de l’intelligence artificielle. À la différence des deux précédents, cette fois-ci est révolutionnaire. Zhu Pinpin s’est aperçu il y a longtemps de ce changement. « Premièrement, il y a eu une percée dans le domaine technique. Grâce à l’informatique en nuage et les grandes données, la capacité de calcul s’est beaucoup améliorée et on a de meilleures données. Deuxièmement, beaucoup de projets d’IA sont mis en œuvre et engendrent une grande valeur commerciale. De plus, on a une attitude plus rationnelle sur la réalisation des techniques. »
Cette attitude rationnelle est très importante pour l’IA. C’est en 1956, lorsd’une conférence à Dartmouth, que l’on a avancé pour la première fois le concept d’intelligence artificielle. Il est incontestable que l’ordinateur a une capacité de calcul beaucoup plus forte que celle des humains. Mais on n’a pas encore trouvé un moyen de faire imiter aux machines la logique et l’intelligence des humains.
Selon Zhu Pinpin, la capacité de penser des êtres humains n’est pas une simple accumulation de pensées logiques, mais une combinaison de savoir, de bon sens et d’expérience. Dans les années 1970, l’IA est entrée dans une période de reflux,parce qu’elle n’avait pas atteint les effets prévus. Puis on l’a améliorée avec la connaissance. Des langues d’IA sur le raisonnement logique ne cessaient d’apparaître. L’enthousiasme était revenu. « À cette époque, le Japon a énormément investi dans le domaine de l’IA, mais cela s’est conclu par un échec avant l’an 2000, d’où une deuxième période de reflux. La cause de cet échec réside dans le grand écart entre la situation réelle du développement de l’IA et la prévision. S’il n’y a pas de produit mis en œuvre, l’enthousiasme des investisseurs baisse. »
Aujourd’hui, l’IA est en train de connaître son troisième essor. La victoire d’AlphaGo contre les humains dans le jeu de Go a donné une grande confiance. « Prenons l’exemple des grandes données : la machine est forte en données, mais son QI est plus bas que les humains. C’est pourquoi l’IA est championne d’une épreuve, pas de plusieurs. »
Depuis que les humains ont pris conscience que l’IA est différente et ne la comparent plus à la sagesse humaine, on est sur la bonne voie : on n’est plus obsédé par le test de Turing et on ne demande plus aux machines de penser comme les hommes. Au contraire, on ne fait que résoudre un problème, et puis un autre. C’est pour cela que l’IA a de meilleures perspectives de développement aujourd’hui.
Zhu Pinpin discute avec Tom Austin, analyste du marché mondial des robots intelligents.
Dans la salle d’exposition de Xiao i, le robot est utilisé dans les domaines du service client, de la domotique et de la conduite intelligente. On a aussi vu Xiao i saluer le premier ministre Li Keqiang lors du Sommet de l’industrie des données massives de Chine.
Il est le premier robot physique du secteur bancaire dans le monde. Il dispose de bonnes compétences professionnelles : il communique avec les clients, distribue des numéros de file d’attente et offre un service de guide, etc. Il peut aussi vous renseigner sur votre solde bancaire en une seconde grâce au système de reconnaissance faciale et de lecture de carte d’identité.
Le robot est composé de trois facteurs essentiels : le mouvement, la sensation et la pensée. Le mouvement du robot nécessite une intelligence, par exemple pour maintenir son équilibre. La sensation du robot porte sur l’intelligence de la perception, notamment la reconnaissance vocale, la reconnaissance faciale et la reconnaissance d’image. Ce qui compte le plus pour le robot, c’est sa capacité de pensée, autrement dit son intelligence cognitive, ce qui constitue la priorité des recherches pour Xiao i.
« Ce qu’on fait, c’est donner un cerveau au robot », explique Zhu Pinpin. Comme chez les êtres humains, les connaissances se trouvent au cœur de la capacité de pensée du robot, d’où une plus grande différence avec les animaux. « Les humains découvrent sans cesse de nouvelles connaissances et les transmettent à leurs descendants. Grâce à ce type de transmission, au lieu de devoir découvrir elle-même ce savoir dans la pratique, la génération suivante peut apprendre directement dans son éducation. Naturellement, avec l’élargissement de nos connaissances, nous avons une capacité de pensée de plus en plus avancée et nous sommes ainsi de plus en plus intelligents. »
Sur le plan technique, est-ce que les robots sont capables de remplacer les humains dans les tâches répétitives ? Pas vraiment. « Un bras de robot est capable d’accomplir une série de mouvements sur une chaîne de production. Mais pour servir des plats dans un restaurant, même si cela a l’air facile, il s’agit d’un mouvement d’espace qui est aussi difficile à opérer que des instruments de précision. »
Il y a deux types de robot de service : le robot virtuel et le robot réel. L’essentiel de la technique de Xiao i est la compréhension du langage, ce qui dépend d’une base de savoir. Il faut mentionner que la technique de la compréhension et du traitement du langage naturel est développée indépendamment par l’équipe de Xiao i.
Actuellement, dans le domaine de l’IA, la Chine a la même stratégie de développement que d'autres pays. En termes d’entreprises de pointe au niveau international, l’IA en Chine est moins développée. Mais dans certains domaines professionnels, les entreprises chinoises ont dépassé les géants étrangers. Le Xiao i spécialisé en traitement du langage naturel et le DeepGlintspécialisé en vision par ordinateur en sont de bons exemples.
Le développement de Xiao i n’a pas été sans embûches. Zhu Pinpin nous a confié que l’entreprise a connu des hauts et des bas et que de nouveaux défis apparaissent sans cesse. Zhu Pinpin a créé son entreprise avant d’être diplômé. Pendant ces premières années, il a rencontré beaucoup de difficultés. Le moment le plus difficile a été la fin de l’année 2009, lorsqu’il a été obligé d’emprunter de l’argent pour payer les salaires de ses employés.
L’année 2009 a marqué une transition pour l’entreprise. Au lieu de servir des clients individuels (en développant le robot de conversation en ligne), l’équipe a commencé à faire des affaires avec des entreprises (en développant son robot de service). Il en a été de même pour Zhu Pinpin. Lui qui était auparavant un pur technicien a dû commencer à rencontrer les clients et faire du marketing.
« Les investisseurs n’étaient pas satisfaits des avancées de nos services pour les entreprises. Après la transition, nous avons dû faire face à une rupture de notre chaîne de financement. » Durant l’époque la plus difficile, l’entreprise comptait seulement une cinquantaine d’employés. Aujourd’hui, elle en a plus de 500.
« En faisant le bilan, je constate que l’innovation est un projet intégré. Une bonne idée ne suffit pas, ce n’est pas seulement le plan technique qui compte. L’expérience de l’utilisateur et l’aspect commercial sont aussi cruciaux. » L’âge du responsable produit a aussi une influence sur l’efficacité de l’innovation. Selon Zhu Pinpin, il faut laisser les jeunes innover. Dans beaucoup d’entreprises IT, ce sont des jeunes d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années qui s’occupent du développement des produits.
Dans le contexte de la mondialisation, la reconnaissance et la compréhension sémantique multilingue est une tendance inévitable. Xiao i est largement utilisé en Chine et il a l’avantage d’avoir été le premier en compréhension sémantique de la langue chinoise. À l’avenir, Zhu Pinpin a l’intention de développer la technique de compréhension d’autres langues, afin de rendre son robot plus international.
*XIE FEIJUN est journaliste au Jiefang Daily.