LIU SHIZHAO*
Cangzhou : hier et aujourd’hui
LIU SHIZHAO*
Après avoir dit adieu à Tianjin, j’ai repris ma route et je suis arrivé dans le Hebei peu de temps après. J’ai commencé une autre étape de mon voyage le long du Grand Canal, celle de Cangzhou. La section de Cangzhou du Grand Canal commence au nord au village de Liyoutun dans le district de Qingxian et se termine au village de Diliutun dans le district de Wuqiao. Sur 215 km,elle traverse Wuqiao, Dongguang, Nanpi, Botou, la zone urbaine de Cangzhou, Cangxian et Qingxian. Le canal a joué un rôle irremplaçable dans le développement économique local.
L’écluse Jiuxuan en 2016.
Le lion de fer de Cangzhou en 2016.
En 1981, l’écluse Jiuxuan sur le Grand Canal du Sud, entre Tianjin et Cangzhou (Hebei).
En février, la première partie des travaux d’aménagement du parc du Grand Canal a été amorcée à Cangzhou ; le canal montrera bientôt son nouveau visage.
Lorsque je suis entré dans le chef-lieu du district de Qingxian à vélo, tout ce que j’ai vu me semblait étrange.
Sous les Ming (1368-1644) et Qing(1644-1911), des eunuques venaient d’ici. Ils étaient des enfants de familles démunies, ce qui montre à quel point la pauvreté frappait Cangzhou.
En 1981, lorsque j’étais venu ici pour effectuer des interviews, le chef-lieu était encore petit et n’était pas différent des campagnes autour. À l’époque, mon arrivée coïncidait avec la foire. Mon ami et moi étions allés au marché pour prendre des photos.
Cette fois-là, j’avais vécu un moment curieux. Alors que je prenais des photos,j’avais entendu quelqu’un frapper mon vélo. Je m’étais retourné et j’avais vu un policier en civil muni d’une matraque. « Qu’est-ce que tu fais ? » m’avait-il interrogé. « Et toi, qu’est-ce que tu fais ? » j’avais rétorqué.
- Je suis policier !
- Moi, je suis journaliste !
- Pourquoi prends-tu ces photos ?
- Je suis Chinois, je prends les photos que je veux !
- Qui t’autorise à prendre ces photos ?
- Je n’ai pas besoin d’autorisation !
Nous nous étions querellés ainsi, attirant de plus en plus de paysans autour de nous. J’avais fini par partir.
J’avais pensé que nous en resterions là,mais j’ai appris plus tard que le policier avait téléphoné au comité du Parti communiste du district, et même à l’hôtel où j’étais hébergé pour vérifier mon identité. Pour lui, une personne de grande taille qui transportait trois appareils photos et photographiait les paysans était une personne suspecte. Cela n’était pas si étrange. À cette époque-là, la Chine venait de s’ouvrir, la plupart des gens étaient encore très fermés. Aux yeux d’un agent en civil,j’avais semblé très louche.
Aujourd’hui, il n’y a plus de marché dans le chef-lieu du district de Qingxian,ni dans le bourg de Xingji qui lui appartient et qui abritait autrefois le plus grand marché de chevaux du nord de la Chine. Lorsque je suis passé à Xingji, c’était par hasard le jour de la foire. Je suis arrivé à vélo, et j’ai constaté que la foire n’avait plus sa prospérité d’antan. Un fonctionnaire du bourg m’a dit que la foire allait bientôt disparaître. Avec le développement de la logistique moderne, les transactions traditionnelles sont peu à peu éliminées.
Le lion de fer forgé en 953, sous la dynastie des Zhou Postérieurs (951-960), est le symbole le plus représentatif de Cangzhou. Il s’agit du plus grand objet d’art de fer de l’histoire de la Chine. On dit qu’il pèse 40 tonnes !
En 1981, lorsque j’ai vu la première fois ce lion de fer, il se dressait sur une terre alcaline. Sa fondation était basse, j’avais peur qu’il soit rongé par le sol. Cette fois,il était placé sur une fondation de ciment haute de 2 m, mais les 24 piliers de fer qui la soutenaient étaient déjà corrodés.
La digue du Grand Canal à Qingxian en 1981.
Le marché de chevaux du bourg de Xingji en 1981, disparu aujourd’hui.
En 2016, la foire du bourg de Xingji n’a plus sa prospérité d’antan, avec le développement de l’e-commerce.
M. Chen, qui travaille pour le service d’administration du lion de fer, m’a dit que dans des champs très proches, on avait découvert une grande quantité de pièces de monnaie de fer. Je l’ai suivi dans un champ à moins de 500 m du lion de fer. Lorsque je me suis approché, j’ai vu un grand morceau de fer constitué d’innombrables pièces de monnaie rondes. On dit qu’il pèse près de 100 tonnes. Au musée de la monnaie à proximité, j’ai vu un autre morceau de fer de pièces de monnaie bien préservé, et sur certaines pièces, on peut même lire des inscriptions comme « Zhenghe Tongbao » qui signifient que ces pièces ont été forgées sous le règne du huitième empereur Huizong (1082-1135)de la dynastie des Song.
On dit que les premières pièces de monnaie de fer ont été exhumées en 1997. Au total, environ 50 tonnes de pièces ont été retrouvées. Elles datent de la fin des Tang (618-907) à la dynastie des Song(960-1279). D’où provient une si grande quantité de pièces de monnaie ? Les experts sont partagés. Certains disent qu’il y avait ici une fabrique de monnaie ;d’autres disent qu’un trésor était enterré. On a dit aussi qu’il s’agissait de monnaie laissée par l’armée des Song.
En 1981, un spectacle d’acrobatie dans le district de Wuqiao.
En 2016, de jeunes élèves à l’École internationale de l’art de l’acrobatie de Wuqiao.
Wuqiao est connu pour l’acrobatie. Ici,plusieurs générations de personnes vivent de cet art. Enfants comme personnes très âgées maîtrisent des acrobaties. Il y a 35 ans, j’avais visité le village de Ningzhuang. Je m’étais rendu dans une famille paysanne. Parmi quatorze personnes sur trois générations, douze avaient appris l’acrobatie ou étaient acrobates.
À l’époque, des groupes d’acrobates de Wuqiao donnaient des spectacles à travers le pays. J’avais pris plusieurs photos de leur art dans le chef-lieu du district de Wuqiao.
Cette fois, j’ai seulement visité l’École internationale de l’art de l’acrobatie de Wuqiao, créée en 1985. Dans la salle d’entraînement, de jeunes élèves obéissaient aux instructions de leur enseignant. Leur visage montrait la difficulté de la tâche. Les enseignants m’ont dit que les élèves venaient aujourd’hui de toute la Chine, et même parfois de l’Afrique.
*LIU SHIZHAO est un ancien photographe de People’s China.