WANG YIWEI*
Coopération Chine-Europe au sein du G20
WANG YIWEI*
«La Chine doit apporter une plus grande contribution à l’humanité. » Ce vœu émis par le président Mao Zedong il y a 60 ans est devenu réalité. Le pays a par exemple contribué pour 70 % à la réduction de la pauvreté dans le monde et pour 30 % à la croissance économique mondiale depuis la crise financière de 2008. Aujourd’hui, il veut apporter sa pierre à l’édifice de la gouvernance mondiale : le Sommet du G20 qui se tient en septembre dans la ville chinoise de Hangzhou en est le meilleur témoignage.
L’Europe prend désormais en considération le rôle de la Chine et cherche à développer sa coopération avec ce pays dans le cadre du G20, afin que ce mécanisme revitalise à la fois la croissance et la gouvernance mondiales. Mais cela s’explique aussi par l’importance que l’Europe accorde au multilatéralisme. Désireuse de promouvoir la réforme du système international pour aller vers un mondeplus ouvert, plus inclusif, plus juste et plus raisonnable, elle soutient la participation au G20 des pays développés sur un pied d’égalité avec les économies émergentes. Par ailleurs, elle s’inspire de la sagesse chinoise et des solutions chinoises pour la gouvernance mondiale, puisque la Chine est la deuxième puissance économique mondiale, première parmi les émergents.
Le thème du Sommet du G20 à Hangzhou : « Construire ensemble une économie mondiale innovante, dynamique, interactive et inclusive. »
La Chine aussi doit prendre en considération sa coopération avec l’Union européenne (UE) au sein du G20. Celui-ci comprend quatre pays (Grande-Bretagne,France, Allemagne et Italie) qui, avec l’UE,représentent un quart du total des membres du G20, d’où leur importance relative. Par ailleurs, le point de vue et les attentes de l’UE vis à vis du G20 coïncident avec celles de la Chine. Tout cela fait que les intérêts communs à la Chine et à l’Europe dans le cadre du G20 sont plus nombreux que ceux qui rassemblent la Chine et les États-Unis ou les États-Unis et l’Europe.
L’Agenda 2020 pour la coopération sino-européenne indique que les deux entités « s’efforceront d’établir un système de gouvernance mondiale basé sur le droit, plus efficace, plus transparent,plus juste et équitable, mettant l’accent sur le multilatéralisme et le rôle central des Nations unies dans la gestion des affaires internationales, et accorderont de l’importance aux plateformes et aux organisations multilatérales telles que le G20. L’UE se prépare au prochain Sommet du G20 organisé par la Chine ». « La Chine et l’Europe renforceront la coordination et la coopération et travailleront à des règles justes, équitables et efficaces en matière d’investissement, de finance, d’écologie et de changement climatique ainsi que dans d’autres domaines importants tels que la nouvelle génération des technologies de communication sans fil. »
Cette coopération recouvre plusieurs aspects, qui sont les suivants :
Premièrement, elle permettra de faire progresser la réforme du système financier international. Dans ce domaine, les deux entités coopèrent pour promouvoir un processus de multi-polarisation mondiale. Bien que l’UE parle moins de multipolarité et de multilatéralisme utile depuis sa plongée dans une série de crises, mais reste méfiante devant l’hégémonisme américain,en particulier monétaire. Les dirigeants européens ont été échaudés d’avoir été mis devant le fait accompli lorsque les États-Unis les ont forcé à renoncer à leur représentation au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale en faveur de pays émergents, tandis qu’eux-mêmes conservaient leur rôle directeur et leur droit de véto. La réponse du berger européen à la bergère américaine a été l’adhésion de ces pays à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures fondée sur une initiative chinoise. Les États-Unis ont riposté par la menace de relève des taux d’intérêt, provoquant un appel d’air sur le billet vert qui a causé des fluctuations brutales des taux de change à l’échelle mondiale dont l’euro est sorti perdant. Des faits qui montrent que la Chine et l’Europe font face à des tâches communes au sein du G20 pour faire avancer la réforme financière internationale.
Deuxièmement, elle facilitera la réalisation des objectifs de croissance économique mondiale comme ceux de la gouvernance mondiale. Le Sommet du G20 de cette année à Hangzhou s’est fixé pour ligne directrice « Construire une économie mondiale innovante, vivante, interconnectée et ouverte à tous », un thème qui a reçu l’approbation des européens. La Chine et l’Europe en sont convaincues, le G20 devra se charger de la réalisation des 17 objectifs cités dans l’Agenda des Nations unies pour le développement durable en 2030. Avec la concordance de leurs idées dans les domaines des droits de la femme ou des jeunes, leur coopération a été fructueuse pour les conférences fonctionnelles du G20, en dépit de leurs différentes façons de faire. Si l’approche européenne peut être symbolisée par l’expression « faire d’une pierre trois coups », l’approche chinoise pourrait ressembler à « trois pierres pour un seul coup. » C’est-à-dire que l’Europe vise à obtenir plusieurs effets par une seule mesure. Par exemple, sa politique de l’empower women vise à étendre les droits et à élever le statut de la femme,à améliorer le taux d’emploi des femmes et finalement à promouvoir l’égalité entre les sexes. Le gouvernement chinois au contraire instaure des mesures politiques,économiques et sociales en parallèle qui visent à améliorer la place des femmes dans la gouvernance mondiale. L’Allemagne, qui assumera la prochaine présidence du G20, a décidé que l’axe principal serait le changement climatique, comptant beaucoup sur la coopération sino-européenne pour faire avancer ce dossier. Shi Mingde,ambassadeur de Chine en Allemagne, a ainsi déclaré : « Pays membres du G20,la Chine et l’Allemagne ont une position commune ou semblable sur la gouvernance économique mondiale ainsi que sur de nombreuses questions économiques et financières internationales. C’est pourquoi leur coopération est étroite et harmonieuse. Les deux pays vont renforcer leur coordination sur les politiques macroéconomiques, construire et maintenir une économie mondiale ouverte et faire avancer l’établissement d’un système de gouvernance économique mondiale plus juste et plus équitable. »
Enfin et troisièmement, elle va aider à fixer le G20 comme mécanisme et accroître l’autorité des Nations unies. Malgré les appels au « G7 + » et à la « nouvelle dominance du G7 dans les politiques économiques mondiales » que l’on entend sporadiquement résonner en Europe, l’idée généralement admise est que le G7 ne peut remplacer le G20. Il est d’ailleurs difficile d’imaginer que le G20 puisse fonctionner avec le G7 en son centre. C’est pourquoi la Chine et l’Europe sont parvenues à la conclusion commune qu’améliorer l’efficacité des Nations unies passe par une amélioration de celle du G20. La seule nuance à cette unité de point de vue est celle du positionnement final du G20 : l’Allemagne propose d’intégrer le G20 au Conseil économique et social des Nations unies. Dans un contexte où les États-Unis « brûlent les ponts après la traversée », il serait plus judicieux pour la Chine et l’Europe de coopérer pour renforcer l’efficacité, la légitimité et la durabilité du G20.
En résumé, la coopération sino-européenne au sein du G20 ne s’en tient pas seulement à la méthode, c’est-à-dire à la façon de promouvoir une réforme structurelle de l’économie mondiale et à l’innovation en vue de dégager du dynamisme économique, mais elle s’étend au niveau intellectuel : une époque d’assimilation mutuelle entre l’Occident et l’Orient s’annonce désormais.
*WANG YIWEI est directeur au Centre d’études de l’UE de l’université Renmin de Chine.