HU YUE, membre de la rédaction
L’expérience de la Chine candidate à l’organisation des JO
HU YUE, membre de la rédaction
Wei Jizhong.
F in mai 2016, la maire de Paris Anne Hidalgo a visité Beijing dans le cadre du « Dialogue des maires » organisé par le Forum culturel sino-français. Elle a profité de cette visite pour rencontrer Wei Jizhong auprès duquel elle a glané quelques conseils sur la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024. M. Wei, en tant qu’ancien membre du comité de candidature des JO de Beijing, possède une expérience précieuse dans ce domaine. Il a ainsi déclaré : « Beijing et Paris ont été autrefois adversaires, mais désormais nous sommes amis, et je suis fier de présenter mes propositions à Paris. »
Wei Jizhong, né en 1937, est diplômé de littérature française à l’université de Nanjing. À l’époque où il était étudiant, il a fait partie de l’équipe universitaire de volley-ball, avant d’être admis dans l’équipe provinciale du Jiangsu. Ayant pris sa retraite sportive, il est entré à la Commission nationale des sports de Chine (anciennement l’Administration générale des sports de Chine). C’est ainsi que ce Chinois francophone est tombé dans le milieu du sport et des JO.
En 2013, Beijing et Zhangjiakou ont présenté une candidature commune à l’organisation des JO d’hiver de 2022. Ce qui attire l’attention de tout le monde, c’est que Beijing sera ainsi la première ville à avoir accueilli des JO d’été, en 2008, puis d’hiver.
Actuellement, M. Wei est en semiretraite, mais son esprit est fixé sur les questions liées aux JO. Il s’explique : « Au début, je m’inquiétais des chances de cette candidature de Beijing et Zhangjiakou, parce que leur situation géographique n’est pas idéale pour les sports d’hiver. » Toutefois, en tant qu’expert, il comprend bien pourquoi Beijing souhaite accueillir les JO : c’est un événement qui favorisera l’industrie sportive chinoise, participera à la protection de l’environnement et également au développement économique de la région Beijing-Tianjin-Hebei.
Résultat, c’est à Beijing et Zhangjiakou qu’a été attribué le droit d’accueillir les JO d’hiver 2022. Selon M. Wei, les trois candidatures de la Chine à l’organisation des JO, avec un premier échec puis deux succès, ressemblent aux étapes de la réforme et de l’ouverture.
C’est ce que M. Wei a confié de son expérience à la maire de Paris. Il a dit à Mme Hidalgo : « Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un de voter pour vous, mais vous pouvez analyser les points défavorables de l’adversaire et faire comprendre les avantages de votre candidature. Bonne chance Paris!»
La première expérience de candidature à l’organisation des JO de Beijing remonte aux années 1990. M. Wei était alors secrétaire général du Comité olympique chinois, et c’est à lui qu’a échu la tâche de coordonner la demande d’organisation des JO de l’an 2000. En évoquant ce souvenir, M. Wei ne peut pas ne pas penser d’abord à un grand homme politique chinois, architecte en chef de la réforme et de l’ouverture de Chine : Deng Xiaoping.
En 1990, Beijing avait organisé la 11eédition des Jeux asiatiques. Au mois de juillet de cette année, peu avant la cérémonie d’ouverture, Deng Xiaoping avait visité le stade et le village des Jeux asiatiques à Yayuncun. Il s’est déclaré satisfait de voir l’avancée des préparatifs et a demandé : « Avec ces installations, il me semble qu’elles seraient au niveau pour organiser des JO. Seriez-vous capables d’organiser une compétition mondiale ? » Personne n’a osé répondre, même pas Wei Jizhong qui l’accompagnait dans cette visite.
Les Jeux asiatiques de Beijing ont été un succès, et de nombreux membres du Comité international olympique (CIO) étaient présents aux cérémonies d’ouverture et de clôture. Ils se sont étonnés de la capacité d’organisation que la Chine, nouveau venu dans la compétition sportive internationale, avait démontrée lors des Jeux asiatiques.
Après la clôture des Jeux asiatiques, il a été décidé de mettre en place un groupe d’évaluation composé de membres de la Commission nationale des sports et la municipalité de Beijing, afin de faire des recherches sur l’organisation de futurs JO.
Wei Jizhong, représentant de la Commission nationale des sports, s’est retrouvé membre de ce groupe. Ils ont visité tous les ministères et commissions et collectionné les conseils reçus. M. Wei raconte : « Nous avions le soutien de tous ». Suite à ce rapport d’évaluation, la municipalité de Beijing a pris la décision de demander l’organisation des JO de l’an 2000.
Toutefois, l’environnement international n’était pas favorable à cette candidature. Les sanctions économiques prises par des pays occidentaux à l’encontre de la Chine depuis 1989, auxquelles s’ajoutait l’implosion de plusieurs pays socialistes, firent que la Chine était relativement isolée.
En 1992, M. Deng a prononcé son fameux discours sur la réforme et l’ouverturede la Chine, au cours de son voyage dans le Sud du pays. La candidature chinoise s’est donc axée sur l’idée selon laquelle « la Chine veut accueillir les JO pour promouvoir la réforme et l’ouverture. »
Comme nous le savons aujourd’hui, le vote final qui s’est tenu à Montréal en 1993 a désigné Sydney ville hôte des JO d’été de 2000. « Nous avons échoué avec notre première demande. Mais si l’on passe en revue cette histoire, il faut admettre que Beijing ne rassemblait pas toutes les conditions pour organiser un événement international de cette envergure. » M. Wei le rappelle : « Il faut se rappeler que la Chine se trouvait alors au tout début de la réforme et de l’ouverture de sa société, et la situation internationale ne nous était pas très favorable. Beijing devait faire face à deux gros problèmes : l’opposition des pays occidentaux et l’économie instable de l’intérieur du pays. »
Les deux porte-parole de cette candidature étaient Wei Jizhong et Wu Jianmin, représentant du ministère des Affaires étrangères de Chine à cette époque. Les deux dirigeants se préparaient à contrer les attaques des médias occidentaux. M. Wei se souvient : « Le problème le plus important pour nous était la conférence de presse. Rencontrer les médias tous les deux jours. Wu Jianmin répondait aux questions politiques et moi, je me chargeais des points ayant trait au sport. Des médias occidentaux ont cité des mots isolés sans tenir compte du contexte et ont posé des questions provocantes concernant par exemple les droits de l’homme en Chine, la démocratie, etc. Nous trouvions que la société occidentale souffrait d’un préjugé négatif sur le système socialiste chinois, voire même certains membres du CIO. »
D’autre part, en dépit de l’enthousiasme olympique de Beijing, l’économie du pays était encore peu développée. M. Wei l’illustre en racontant cette anecdote d’un membre du CIO en visite à Beijing. Celui-ci a confié à M. Wei : « Je séjournais au Grand Hotel Beijing, et lorsque j’ai demandé un appel téléphonique international, j’ai dû d’abord m’enregistrer, payer, puis attendre que le serveur m’informe à quel moment je pourrai téléphoner. Je vous proposerais donc d’attendre encore quelques temps. » M. Wei, rouge de honte, n’a rien trouvé à répondre d’autre que « Je suis désolé. »
Le 1erjanvier 1991, des écoliers de Beijing soutiennent la candidature des JO 2008.
Au seuil du siècle nouveau, Beijing a décidé de poser une fois de plus sa candidature à l’organisation des JO, cette fois pour 2008. M. Wei était déjà retraité, mais il fut tout de même chargé d’une tâche de conseil, en tant qu’assistant spécial au président de la Commission de candidature des JO de 2008.
M. Wei raconte : « Les critères qu’applique le CIO pour son choix de la ville hôte changent d’une période à l’autre. Au début, il s’alignait sur les standards des pays les plus forts en sport ; par la suite, des éléments sportifs et politiques ont influencé leur choix ; à partir de 1992, la puissance économique a pris une place de plus en plus importante. Lors des dernières éditions, il a porté une attention plus vive à l’économie et au soutien du gouvernement. Le soutien gouvernemental et l’environnement social sont de plus en plus importants. »
Beijing avait déjà bien changé grâce aux premiers fruits de la réforme et de l’ouverture. La puissance économique chinoise et l’ouverture de la société étaient beaucoup plus fortes qu’auparavant. La passion des Chinois pour les JO, elle, n’avait pas cédé d’un pouce.
Beijing et Paris étaient concurrents. Paris, capitale française, avait déjà organisé deux fois des JO d’été. Elle comptait un certain nombre d’avantages, comme entre autres la puissance économique et sa magnifique culture. Mais, M. Wei le souligne : « Paris avait aussi des points faibles. Par exemple, on sait qu’il y a souvent des grèves en France, reflet d’une situation sociale compliquée. » Au contraire, la société chinoise est stable. Sa puissance économique augmente rapidement, la population attend avec impatience sa première chance d’organiser des JO. Enfin,le niveau sportif des athlètes chinois a lui aussi fait beaucoup de progrès.
M. Wei se souvient que certains membres du CIO qui avaient discuté avec lui de la première candidature de Beijing, avaient apprécié les progrès du développement chinois et exprimé leur soutien à la candidature de Beijing.
Pour la cérémonie d’annonce des résultats du choix de la ville hôte des JO 2008, la télévision centrale de Chine avait besoin d’un consultant pour son émission diffusée en direct. Comme personne d’autre n’a osé accepter ce poste, c’est M. Wei qui s’est vu confier cette mission. « J’ai confiance en Beijing, je pense que Beijing gagnera », a-t-il déclaré. C’est bien Beijing qui fut élue ville hôte des JO d’été 2008, et sept ans plus tard, on a assisté à une page extraordinaire de l’histoire des JO.