LIU SHIZHAO*
À la recherche des sites antiques du Grand Canal
LIU SHIZHAO*
Le pont Dagu sur la rivière Haihe en 2016.
Le trajet du Grand Canal.
La rivière Haihe en 1981. Le canal du Nord est relié à cette rivière.
A utrefois, le transport des céréales par voie fluviale ou maritime était une partie vitale du système économique en Chine. Le Grand Canal de Beijing à Hangzhou, le plus long canal au monde, fut mis en service sous les Yuan (1271-1368). Par ce canal, le riz du sud du Yangtsé était transporté jusqu’à la capitale. Le Grand Canal partait de Yuhang (Hangzhou aujourd’hui) et se terminait à Zhuojun (Beijing aujourd’hui). Il traverse les provinces du Zhejiang, du Jiangsu, du Shandong, du Hebei, ainsi que les villes de Tianjin et Beijing. Du nord au sud, il traverse la rivière Haihe, le fleuve Jaune,la rivière Huaihe, le Yangsté et la rivière Qiantang. Il s’étire sur 1 797 km.
Hexiwu est un bourg incontournable avant l’arrivée à Beijing si l’on emprunte le canal. Il ne relève pourtant pas de la capitale, mais de la municipalité de Tianjin.
En 1981, un vieux monsieur nous avait amenés dans ce bourg typique du nord de la Chine, et nous a raconté son passé. Cette fois, à peine entré dans le bourg, j’ai vu au loin une stèle sur laquelle était gravée l’inscription suivante : « La première escale de Tianjin ».
Comme ce bourg se situe sur la rive ouest du canal du Nord, où fut construit un dock, on l’a nommé Hexiwu, qui signifie le « quai sur la rive ouest ». Sous les Ming (1368-1644), le gouvernement central installa un poste de douane pour prélever les taxes. Dès lors, cet endroit prit pour nom officiel Hexiwu.
À partir de l’année 1280, le canal du Nord fut intégré dans la voie principale du Grand Canal. La position privilégiée du bourg de Hexiwu fit de celui-ci un endroit stratégique pour l’entrée dans la capitale. Jusqu’au début du XXesiècle, le canal de Hexiwu était la seule voie fluviale de transport de céréales vers la capitale. Les Yuan (1271-1368) avaient installé ici un service chargé du transport des céréales ; les Ming (1368-1644) y créèrent un poste fiscal, et les Qing (1644-1911) y déployèrent des soldats pour maintenir la sécurité. On construit aussi un palais de halte pour les empereurs. Lorsque les empereurs Kangxi et Qianlong des Qing effectuaient des tournées dans le sud de la Chine, ils s’y reposaient. Voilà ce que le vieux monsieur m’a raconté au sujet de l’histoire de Hexiwu.
Une spécialité de Hexiwu qui m’a le plus impressionné est sans doute la pâte frite que j’ai découverte cette année-là. Le diamètre d’une pâte pouvait atteindre 70 cm. Elle pouvait peser plus de 500 g. Elle était si grande qu’on n’en préparait qu’une seule dans la poêle. Selon les locaux, à l’époque du transport des céréales parvoie fluviale, les manutentionnaires travaillaient très dur et n’avaient pas assez d’argent pour acheter de la viande. Cette pâte frite pouvait les aider à reprendre des forces.
En 1981, la préparation de la pâte frite, une spécialité traditionnelle liée au transport des céréales par voie fluviale.
Les pâtes frites sont plus minces et plus savoureuses qu’avant.
La circulation intense en 1981. Le vélo était alors le principal moyen de transport pour aller au travail.
Dans mon hôtel, j’ai demandé avec espoir à une serveuse si je pouvais encore trouver des pâtes frites, en lui montrant une photo que j’avais prise il y a 35 ans. La patronne est venue voir la photo. « Ah, c’étaient les Yang de mon village qui en vendaient ! », s’estelle écriée. Elle m’a dit que la personne sur la photo était morte il y a longtemps, mais que les membres de sa famille en vendaient encore. Certains m’ont dit que l’étal n’était plus au bord de la route, qu’il avait été déplacé dans un marché. On prépare les pâtes frites très tôt le matin.
Le lendemain matin à l’aube, je me suis rendu au stand. Le patron Yang Youhua m’a dit que la personne sur la photo s’appelait Jin Baocheng et qu’il était le père de sa tante. D’après lui, ma photo montrait une cantine étatique qui vendait des pâtes frites à l’époque. Aujourd’hui, il tient lui-même son petit stand, et les clients sont nombreux. Il peut vendre au maximum l’équivalent de 100 kg de farine par jour. Les pâtes frites d’aujourd’hui sont plus minces qu’avant. La façon de les servir a aussi changé. On ne les mange plus seules. On les enveloppe d’une galette, dans laquelle on ajoute des condiments ou de la viande. Au fil du temps, le mode de vie et le niveau de vie ont aussi changé.
Haihe, la plus longue rivière du nord de la Chine, est aussi le confluent entre le canal du Nord et le canal du Sud. La ville de Tianjin s’étend le long de cette rivière. Ici, la vie des habitants est indissociable de ce fleuve mère.
À la tombée de la nuit, je suis allé au bord de la rivière. Les bâtiments alignés sur les rives étaient brillamment éclairés. Il y avaitbeaucoup de monde, pour la plupart des locaux se promenant, pêchant ou faisant du sport. Les ponts qui enjambent la rivière sont très jolis. Le pont Yongle, à la jonction du canal du Sud et de la rivière Haihe, comporte une grande roue d’un diamètre de 110 m, que l’on appelle « l’œil de Tianjin ». En montant sur la roue, on a une vue panoramique de toute la ville. Le pont de la Forêt des lions est orné de plusieurs centaines de lions de pierre, tous différents. La route sur le pont Jintang, le plus vieux pont de fer de la ville, est recouverte de panneaux vitrés. Le pont Bei’an, proche du quartier italien, a été construit dans le style européen. Les deux voûtes en arc asymétriques du pont Dagu ressemblent à deux harpes. La structure d’acier du pont Jiefang montre une beauté masculine.
Photo prise en 2016 : le soir venu, les rives de Haihe deviennent un lieu de loisirs pour les citoyens.
La nuit au bord de la rivière Haihe n’était pas si éclairée il y a 35 ans. Aujourd’hui, les rives sont devenues le lieu privilégié pour les rendez-vous amoureux. Le soir venu, les couples viennent aux bords de la rivière, séparés du reste du monde par des balustrades. Ceux qui arrivent trop tard ne trouvent plus de place !
Photo prise en 2016 : le confluent de trois cours d’eau. Au loin, on voit le pont Yongle et sa grande roue.
LIU SHIZHAO : ancien photographe de la revue mensuelle People’s China.