Harmonie éternelle

2023-11-07 12:27ReportageduHenanetduHunanparDONATIENNIYONZIMA
中国与非洲(法文版) 2023年11期

Reportage du Henan et du Hunan par DONATIEN NIYONZIMA

Entre eaux et montagnes, la pulsation inaltérable de la civilisation chinoise

La splendeur du paysage chinois, riche et varié,témoigne de la majesté de la nature. Chaque coin de cette terre narre une épopée de symbiose entre l’homme et son environnement. Deux symboles en particulier se détachent par leur profondeur : le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie. Ils transcendent leur simple identité géographique pour devenir des pages vivantes de l’histoire,montrant comment les humains, face aux défis de la nature, ont su s’harmoniser, s’adapter et fleurir.

Le fleuve Jaune, éloquemment appelé le « fleuve mère », est le berceau vibrant de la civilisation chinoise,nourrissant ses peuples et cultures depuis des temps immémoriaux. Les terrasses de Ziquejie, avec leurs intrications raffinées, sont l’apogée de l’ingéniosité agricole et de la communion avec la terre.

En harmonie, ils symbolisent le legs précieux de la Chine en termes d’équilibre écologique, ainsi que la détermination du pays à chérir et perpétuer cette liaison délicate pour les âges à venir. Une exploration approfondie de leur essence nous apporte des enseignements sur la résilience, l’ingéniosité, et la danse éternelle entre l’homme et la nature.

L’équilibre historique entre l’homme et la nature

La saga de la Chine se dessine en filigrane au gré des mouvements du fleuve Jaune. Éminent « berceau de la civilisation chinoise », ses berges ont été le théâtre de l’émergence et du déclin des dynasties, de la métamorphose des cultures et de l’expansion des cités antiques. Depuis plus de 4 000 ans, il a veillé au berceau de cette civilisation, dispensant son eau nourricière pour l’agriculture et subvenant aux besoins de millions d’âmes. Comme le souligne Wang Wei,érudit et directeur de la Division d’histoire à l’Académie chinoise des sciences sociales : « Le fleuve Jaune, de sa source à son embouchure, est le cœur palpitant de notre civilisation. En particulier, ses sections centrales et basses, riches du plateau de Lœss et d’immenses plaines, ont offert le socle et l’écrin naturel propices à l’éclosion de notre civilisation chinoise. »

D’un autre côté, les terrasses de Ziquejie, sises dans le district de Xinhua de la province du Hunan, évoquent une épopée d’astuce et d’ingéniosité humaine face aux caprices de la nature. Perchées au cœur des monts,ces terrasses en escaliers seraient l’œuvre de plus de 2 000 ans de labeur, comme le rappelle Zuo Zhifeng,secrétaire adjoint du Comité du Parti communiste chinois pour le district de Xinhua, en soulignant l’ingéniosité et la pertinence de ces aménagements.

« Les terrasses de Ziquejie illustrent l’apogée de la civilisation agraire depuis 2 000 ans, incarnant à la fois l’harmonie de l’homme avec la nature et la quête inlassable d’excellence. Elles sont la quintessence de cette symbiose entre l’humanité et la nature », affirme M. Zuo.

Vue des terrasses de Ziquejie dans la province du Hunan.(COURTOISIE)

Un corridor écologique autour du fleuve Jaune dans la province du Henan. (DONATIEN NIYONZIMA)

Les pionniers agricoles, dont les Miao, face à des reliefs escarpés et des étendues cultivables restreintes,ont façonné ces montagnes en de majestueux gradins.Armés d’outils rudimentaires et forts de leur sagesse ancestrale, ils ont métamorphosé ces versants en terres généreuses, assurant ainsi la subsistance de leurs peuples. Ces terrasses sont aujourd’hui l’écho vibrant de la faculté humaine à évoluer, innover et vivre en harmonie avec son environnement.

L’écho écologique

Le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie ne sont pas seulement des vestiges d’une époque révolue ; ils sont également des symboles vivants de la symbiose écologique. Leur reconnaissance comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO témoigne non seulement de leur valeur historique et culturelle, mais aussi de leur contribution incommensurable à l’écologie mondiale.

Le bassin du fleuve Jaune est un sanctuaire de la biodiversité, accueillant une profusion d’espèces, tant aquatiques que terrestres. Ses zones humides jouent un rôle capital, offrant refuge et lieux de nidification pour les oiseaux voyageurs, et sont des havres pour de nombreuses espèces vulnérables. La vitalité du fleuve a des répercussions profondes, allant de la modulation des climats régionaux à la préservation des écosystèmes en aval.

De leur côté, les terrasses de Ziquejie sont un chef-d’œuvre d’agriculture respectueuse de l’environnement. Les pratiques ancestrales mises en œuvre célèbrent la pérennité des sols, la préservation de l’eau et la diversité biologique. Les terrasses, par leurs jeux d’eau en cascade, minimisent l’érosion et maximisent l’efficacité de l’irrigation. La polyculture,harmonieusement orchestrée, régénère le sol tout en soutenant un écosystème florissant. À l’heure où l’agriculture intensive bouleverse les équilibres naturels, les terrasses de Ziquejie se profilent comme un modèle d’harmonie écologique.

Le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie ont bravé les épreuves des âges, mais la modernité leur pose des défis sans pareils. Si le fleuve Jaune jadis incarnait la générosité naturelle, il est aujourd’hui confronté aux répercussions de l’industrialisation effrénée et de l’expansion urbaine. Les terrasses de Ziquejie, elles,ressentent le poids du progrès.

Mais au-delà des menaces tangibles, ce sont les liens immatériels qui sont en péril. Les relations profondes,les rituels et les traditions ancestrales liés à ces sites sont en danger d’extinction à mesure que les modes de vie contemporains prévalent. Perdre ces traditions, c’est perdre des enseignements essentiels sur l’harmonie et la coexistence avec notre environnement.

Les initiatives de conservation

Face à l’escalade des enjeux écologiques, la Chine a redoublé d’efforts pour préserver son riche patrimoine écologique et culturel. Conscientes de la précieuse richesse que représentent le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie, diverses mesures de conservation ont été initiées.

Le fleuve Jaune fait l’objet de projets de réhabilitation incluant la lutte contre la pollution et une gestion durable de l’eau. Des stations de traitement des eaux usées sont installées pour purifier les rejets industriels, et des réglementations strictes visent à limiter les déversements illégaux. Des efforts sont également faits pour équilibrer la consommation d’eau entre agriculture, industrie et écosystème, avec l’introduction de réservoirs et de technologies économisant l’eau.

L’intérêt pour les techniques agricoles traditionnelles de Ziquejie est en hausse. Leur valeur écologique a motivé des efforts pour documenter et promouvoir ces méthodes, avec des formations destinées aux jeunes générations. En parallèle, ces terrasses deviennent des sites d’écotourisme, offrant des revenus aux communautés locales tout en favorisant la prise de conscience sur l’agriculture durable et la conservation.

Dans le district de Xinhua, la promotion de l’agriculture biologique et la demande d’indication géographique pour les produits locaux visent à augmenter leur valeur et assurer une juste rémunération aux agriculteurs.La rénovation et la conservation des terrasses sont prioritaires. Pour les sites les plus emblématiques,une approche intégrée « Entreprise + Coopérative +Agriculteurs » est adoptée pour une gestion efficace et des services agricoles de qualité.

Plus profondément, l’importance de l’engagement communautaire est mise en avant. Le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie sont au cœur de la vie des populations locales. Les initiatives de conservation sont donc pensées pour être inclusives, impliquant directement ces communautés dans le processus.Leur expertise, fruit de siècles de coexistence, est mise à profit pour élaborer des plans de conservation réellement adaptés et durables.

Des agriculteurs cultivent le riz sur les terrasses de Ziquejie dans la province du Hunan.(COURTOISIE)

Ces démarches, profondément ancrées dans la réalité locale, rayonnent bien au-delà des frontières chinoises.Elles offrent un exemple précieux de préservation du patrimoine et de l’écologie face aux défis contemporains,apportant ainsi des enseignements à l’échelle mondiale.

Perspectives philosophiques et culturelles

Le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie ne se limitent pas à des joyaux écologiques ; ils incarnent des richesses philosophiques et culturelles qui ont influencé la pensée chinoise pendant des millénaires.Ces conceptions, enracinées dans l’interaction entre l’homme et la nature, dévoilent l’héritage spirituel et intellectuel de la Chine.

Le fleuve Jaune, avec ses mouvements continuellement changeants et sa nature capricieuse, est souvent associé au concept de « yin et yang » de la philosophie taoïste. Il symbolise cette dualité, tantôt bienfaitrice,tantôt dévastatrice, qui incarne la croyance taoïste de la complémentarité des contraires. Tout comme le yin et le yang cohabitent en équilibre, les populations longeant le fleuve Jaune ont su bénéficier de ses richesses tout en reconnaissant sa force. Cette relation repose moins sur la domination que sur la compréhension mutuelle,incarnant l’idéal taoïste de l’équilibre.

Josef Gregory Mahoney, professeur à l’Université normale de l’Est de la Chine, note que le taoïsme,centré sur l’harmonie entre l’homme et la nature, est pratiqué concrètement au Hunan à travers des méthodes ancestrales durables répondant aux besoins vitaux dans un environnement naturel harmonieux.

Les terrasses de Ziquejie, elles, évoquent les principes confucéens de labeur, de respect de la nature et de cohésion sociale. Selon Robert Walker, de l’Université normale de Beijing, la minutie avec laquelle ces terrasses sont conçues, exigeant une collaboration et un effort commun, reflète le principe confucéen de l’interdépendance sociale. « La culture du riz favorise une plus grande cohésion et renforce l’adhésion aux valeurs sociétales », commente-t-il.

Ces terrasses témoignent de la conviction qu’avec détermination et solidarité, l’homme peut dompter la nature sans la dénaturer. Cette cohabitation harmonieuse entre les agriculteurs et la terre est en phase avec le concept confucéen de « ren », qui prône bienveillance et empathie envers tous les êtres.

Les légendes entourant le fleuve Jaune et les terrasses de Ziquejie, qu’il s’agisse de divinités, de héros ou d’esprits ancestraux, sont transmises au fil des générations, servant de guides moraux et de référents culturels. Que ce soit la déesse qui apaise les eaux du fleuve ou l’agriculteur créant la première terrasse, ces histoires valorisent le respect de la nature, la ténacité et le sens du collectif. CA