DANG XIAOFEI, membre de la rédaction
À l’époque de la fondation de la République populaire de Chine en 1949, la recherche en optique appliquée n’existait pas en Chine, de même que la production d’instruments d’optique de précision. Ayant pris conscience de l’importance de l’optique pour la puissance nationale, le gouvernement chinois a alors commencé à accorder plus d’attention à ce domaine.
Wang Daheng, grand physicien spécialiste de l’optique, a consacré toute sa vie à cette cause. Il a supervisé le développement du premier verre optique de Chine, du premier microscope électronique, du premier dispositif laser, du premier équipement de mesure optique de grande taille,et a participé à la fondation de l’Académie d’ingénierie de Chine.
Wang Daheng est né au Japon en 1915. Son père Wang Yingwei, originaire de la province chinoise du Jiangsu, était astronome et météorologue. Après son retour du Japon, il a travaillé successivement aux observatoires de Beijing et de Qingdao.
Adolescent, Wang Daheng accompagnait souvent son père au travail. Il était fasciné par les instruments qu’il y découvrait. En 1936, il a obtenu son diplôme de physique à l’université Tsinghua. Deux ans plus tard, il a reçu une bourse gouvernementale pour partir étudier en Grande-Bretagne. Après avoir terminé son master à l’Imperial College London en 1940, il a entrepris un doctorat en physique et technologie optiques à l’université de Sheffield sous la direction de William Ernest Stephen Turner (1881-1963), un chimiste britannique, pionnier de la recherche en technologie du verre. Avant d’avoir terminé son doctorat, Wang a réalisé que le domaine du verre optique restait inexploré en Chine et a décidé de commencer une carrière dans ce domaine. Il a donc intégré une entreprise britannique pour apprendre les techniques de production du verre.
En 1948, Wang a abandonné sa carrière et sa vie confortable en Occident pour rentrer dans son pays natal. Il souhaitait participer au développement des sciences et technologies en Chine.
À cette époque, la Chine n’avait pas la capacité de produire ses propres outils de mesure optiques. En 1951, Wang a été chargé de fonder un centre d’instruments qui a été inauguré à Changchun l’année suivante et dont il est devenu le premier président. Ce centre deviendra par la suite l’institut d’optique et de mécanique de précision, dépendant de l’Académie des sciences de Chine.
Fin 1953, Wang et son équipe ont réussi à mettre au point,dans des conditions rudimentaires, le premier lot de verre optique fabriqué en Chine. À partir de ce moment, la Chine a été capable de fabriquer ce verre.
M. Wang (g.) et son élève Jiang Zhuying, qui devint plus tard un scientifique célèbre.
Au cours des six années qui ont suivi, M. Wang et son équipe ont mis au point le premier microscope électronique du pays, le premier théodolite de haute précision, le premier télémètre optique et cinq autres instruments d’optique perfectionnés, jetant ainsi les bases de l’industrie chinoise d’instruments optiques de précision. En 1961, à peine 10 mois après l’invention aux États-Unis du laser à rubis, Wang et son équipe ont développé le même outil en Chine, de façon complètement indépendante.
Outre la recherche scientifique, Wang a largement contribué à améliorer l’enseignement universitaire dans le domaine de l’optique. En 1958, il a fondé l’École d’optique et de mécanique de précision de Changchun, qui deviendra ensuite l’Université des sciences et technologies de Changchun pour former des chercheurs et des ingénieurs en optique. Il a été à la fois président et professeur de cette école. Plus tard, il a fondé ou cofondé d’autres instituts d’optique et de mécanique de précision à Xi’an, Shanghai,Hefei et Chengdu, ainsi que l’Institut de physique technique de Shanghai, jetant ainsi des bases solides pour la recherche en optique en Chine.
Wang Daheng a supervisé le développement du premier verre optique de Chine.
À partir des années 1960, Wang a participé à la recherche en optique dans le cadre du projet de développement de la bombe nucléaire, de missiles et de satellites artificiels. Bien que l’optique ne joue qu’un rôle secondaire dans ce projet, elle est indispensable pour la pertinence de l’arpentage, des mesures,de l’observation, des enregistrements et de la communication.
Lorsque la Chine a testé avec succès sa première bombe nucléaire, l’image du champignon atomique est devenue emblématique de ce moment historique. En raison des risques résultant des ondes de choc et des radiations, un périmètre de 60 km autour du site de l’explosion avait été fermé au public. Il était donc impossible de photographier la scène de près. L’image a été prise par une caméra spécialement conçue à cet effet qui avait été développée par une équipe de chercheurs dirigée par Wang.
En 1970, la Chine a mis au point le satellite Dongfanghong I,projet sur lequel Wang travaillait en tant que concepteur en chef adjoint. Mais pour mener à bien les missions spatiales, il devenait nécessaire de développer des dispositifs optiques plus sophistiqués, notamment des caméras d’observation de la Terre ainsi que des systèmes optiques à haute résolution pouvant fonctionner sur une période prolongée dans un environnement extrêmement variable. Wang et son équipe ont donc travaillé sans relâche afin de remplir cette mission dans les temps. Les instruments qu’ils ont conçus ont permis de diffuser pour la première fois des images très nettes de notre planète vue de l’espace. Par ailleurs, le théodolite optique mis au point par Wang est encore utilisé aujourd’hui par le vaisseau spatial chinois Shenzhou.
Wang Daheng (1915-2011)
D’autres inventions de Wang revêtent également une importance historique pour la défense nationale de la Chine,entre autres les technologies laser, la fabrication de téléviseurs couleur et les équipements d’optique. C’est pour ces raisons qu’on le surnomme le « père de l’optique » en Chine. En 2010, pour honorer ses remarquables contributions,l’Union astronomique internationale a décidé de nommer l’astéroïde 17693 en son honneur.
En 1983, Wang a quitté l’Institut d’optique et de mécanique de précision de Changchun, où il avait travaillé pendant 30 ans. Il a été muté à l’Académie des sciences de Chine. À partir de ce moment,il a consacré son travail au développement de l’ensemble du secteur des sciences et technologies en Chine.
En 1986, afin de combler le fossé technologique entre la Chine et les pays développés, Wang et trois autres scientifiques ont proposé d’élaborer un plan national de développement des hautes technologies, ce qui a débouché sur le célèbre Programme 863. Ce programme a fait du développement des hautes technologies une stratégie majeure de la modernisation technologique de la Chine et a permis au pays de devenir une puissance mondiale en matière de hautes technologies. En l’espace de 15 ans, le pays a développé de façon complètement indépendante un certain nombre de technologies clés. Les percées réalisées dans le secteur des technologies lui ont permis de devenir le pays le plus avancé au monde dans ce secteur et ont généré des centaines de milliards de dollars de profit.
En 1992, Wang et un groupe de scientifiques ont plaidé en faveur de la création de l’Académie d’ingénierie de Chine.Dans les années qui ont suivi, il a reçu un certain nombre de distinctions de la part de l’État dont le prix national pour le développement des sciences et technologies, la médaille des héros de la première bombe nucléaire, du premier missile et du premier satellite artificiel chinois, ainsi qu’une récompense de la fondation Ho Leung Ho Lee.
Wang a consacré toute sa vie au développement technologique en Chine.Au cours des dernières années de sa vie, alors qu’il était alité, il continuait de rédiger des rapports de terminologie optique et d’écrire des courriers aux dirigeants d’État pour leur faire de nouvelles propositions. Il est mort à Beijing le 21 juillet 2011, à l’âge de 96 ans, après avoir mené une vie dense et productive.