HU YUE, membre de la rédaction
Former un institut Confucius à orientation scientifique - Interview du directeur de l’Institut Confucius de l’université de Genève
HU YUE, membre de la rédaction
À l’heure du boom des cours de chinois et de la multiplication des instituts Confucius, l’IC de l’université de Genève se démarque en s’érigeant en centre de compétences scientifiques vecteur d’échanges universitaires.
L’Institut Confucius de l’université de Genève (IC de l’Unige) est un centre d’enseignement et de recherche sur la Chine contemporaine fondé à la suite d’un partenariat entre l’université de Genève et l’université Renmin de Chine, ainsi que le Hanban (Bureau national pour l’enseignement du chinois comme langue étrangère, qui chapeaute tous les instituts Confucius). L’IC de l’Unige accueille des projets de recherche, organise des colloques et des conférences, et dispense des cours à l’ensemble de la communauté universitaire genevoise ainsi que ses partenaires.
Depuis son établissement en 2009, cet institut a brillé tant au sein de l’Unige que dans la société genevoise de par les activités qu’il a organisées, ainsi que ses excellentes performances dans l’enseignement de la langue chinoise. En plus, les cours qu’il propose s’inscrivent dans le système de crédits ECTS adopté par l’Unige, ce qui attire non seulement les étudiants, mais aussi des auditeurs libres de tous âges.
Il faut dire que toutes les conditions étaient réunies pour faire de l’IC de l’Unige un institut d’exception. D’une part, il est situé à Genève, important canton suisse et métropole internationale où sont basées nombre de grandes organisations internationales, comme la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies, l’OMC et le Comité internationale de la Croix-Rouge. D’autre part, il bénéficie du soutien de l’Unige, l’université publique de Genève fondée dès 1559 et aujourd’hui encore l’une des plus importantes institutions académiques de Suisse. Ainsi, bien entouré, l’IC est parvenu à développer des coopérations diverses pour forger son identité d’institut Confucius à caractère scientifique.
M. Basile Zimmermann, directeur de l’IC de l’Unige, explique que l’IC propose de préparer des activités en rapport avec la Chine qui sont destinées aux étudiants et/ou aux professeurs de l’université. En quelques sortes, l’établissement les encourage à travailler main dans la main avec la Chine.
En mai dernier, par exemple, l’IC a organisé une conférence sur l’archéologie. Auparavant, l’Unité d’archéologie classique de l’Unige n’avait jamais mené de missions avec le concours de la Chine. Grâce à l’IC qui a joué le rôle d’intermédiaire, un premier contact a pu être établi. Fort est à parier que suite à cette collaboration, les experts suisses et chinois opérant dans cette discipline renforceront leurs liens et multiplieront leurs échanges.
M. Zimmermann a donné un autre exemple : après la tenue de plusieurs colloques impliquant l’IC, la faculté de droit de l’Unige, qui n’avait jamais œuvré avec la Chine, a finalement signé un accord avec la faculté de droit de l’université Renmin. Aujourd’hui, les deux parties ont déjà mis en œuvre des programmes d’échanges d’étudiants. M. Zimmermann a résumé : « Selon moi, nous nous définissons comme un centre multidisciplinaire, ouvert à tous, qui transmet des compétences sur la Chine et approfondit les recherches relatives à ce pays. Notre rôle est aussi de faciliter le travail et la coordination interuniversitaires. »
De nos jours, quantité d’étrangers apprennent le chinois et partent à la découverte du « pays du Milieu », appâtés par le dynamisme économique actuel du pays. Ce fort intérêt pour la Chine, bien qu’axé principalement vers l’économie chinoise, donne à ces étrangers l’opportunité de mieux comprendre la culture chinoise contemporaine.
M. Zimmermann se rappelle encore l’événement déclencheur, en décembre 2008, qui a abouti à la création de cet institut. Mme Wu Qidi, vice-ministre chinoise de l’Éducation d’alors, a effectué une visite officielle à Genève. Elle y a rencontré M. Jean-Dominique Vassalli, recteur de l’université de Genève, et lui a proposé une coopération.
Suite à cet entretien, le Rectorat a organisé une réunion qui réunissait non seulement des professeurs de cette entité, mais aussi du personnel d’autres entités(comme le département des relations internationales). Les participants ont discuté de la possibilité de créer un institut Confucius rattaché à l’université et, le cas échéant, de la personne qui serait désignée responsable de cette structure. Au final, M. Zimmermann a été élu : c’était en mai 2009.
Basile Zimmermann et Xu Lin, directrice du Hanban
Sans tarder, M. Zimmermann a sollicité l’aide de Mme Grâce Poizat-Xie, enseignante d’origine chinoise en poste au département d’études est-asiatiques. Il nous a confié : « Je savais que la préparation du HSK (test de niveau en langue chinoise) et l’enseignement du mandarin demanderaient un sacré travail ! Et je savais que ce travail plairait à Grâce. » En effet, Mme Poizat-Xie a accepté volontiers d’assumer la fonction de vice-directrice.
M. Zimmermann a ajouté : « Nous deux partageons une même ambition, à savoir, faire de l’IC de l’Unige un institut Confucius à orientation scientifique. J’ai compris que certains IC se démarquaient en optant pour une spécialisation. Par exemple, il existe un institut Confucius pour les affaires à la London School of Economics, un autre dédié à la médecine traditionnelle chinoise à l’université de South Bank de Londres. Après réflexion, j’ai conclu que ce qui caractérisait la métropole de Genève, ce sont les organisations internationales qu’elle rassemble. C’est pourquoi j’ai proposé de créer un institut Confucius d’envergure qui soit multidisciplinaire et voué à la tradition des échanges internationaux. »
À la fin de 2010, l’IC a été installé dans une jolie villa classée monument historique et deux fois séculaire, située au bord du lac Léman, loin du centre-ville et de l’Unige. C’est en ce lieu que sont tenus la majorité des colloques, qui permettent de définir une stratégie pour l’avenir.
Par rapport aux autres instituts Confucius, l’IC de Genève s’emploie à véhiculer une image différente de la Chine. Se refusant de proposer les traditionnelles activités comme la préparation de raviolis chinois, la lecture des textes de Confucius, la pratique du taï chi, l’IC de Genève prend des airs de centre de compétences scientifiques, non seulement de par son édi fice imposant, mais aussi de par son travail professionnel, spécialisé et de très grande qualité. Dans l’esprit de tous, la science est neutre et constructive. C’est la raison pour laquelle l’IC à orientation scientif ique de Genève s’est acquis une certaine reconnaissance au sein de l’opinion, en Suisse et même dans toute l’Europe.
Jusqu’à présent, l’IC de l’Unige a proposé plus de 200 activités distinctes, la plupart étant des colloques et événements scientifiques, car l’IC se concentre sur son concept de « diplomatie scientifique ». M. Zimmermann a signalé : « En Suisse aussi nous recourons à la méthode de la diplomatie scientifique, notamment avec Swissnex. Il s’agit d’une organisation culturelle d’origine Suisse qui est implantée à Shanghai, à Boston, à San Francisco, à Rio de Janeiro et à Bangalore. Au balbutiement de l’IC, nous nous sommes quelque peu inspirés du travail engagé par Swissnex. »
Parallèlement, l’IC de l’Unige évite d’organiser des spectacles culturels. M. Zimmermann le justifie en donnant deux raisons. Premièrement, chacune des rencontres scientifiques de haut niveau tenues par l’IC exige déjà beaucoup de temps et d’argent. Par exemple, en mai 2017, l’IC a accueilli un colloque sur l’archéologie, qui a remporté un franc succès. Mais rappelons que les premières discussions pour la mise en place de ce colloque de seulement trois heures avaient été entamées par les professeurs d’archéologie en août 2014, soit presque trois ans auparavant. Ainsi, une longue préparation est nécessaire pour garantir un résultat de qualité.
La deuxième raison est à chercher au niveau du caractère de l’Unige, qui tient à préserver son statut d’université internationale de haute qualité. Pour rester dans cette droite ligne, l’IC aspire à jouer inlassablement un rôle dans les échanges académiques de haut niveau.
M. Zimmermann a poursuivi : « D’après moi, la compréhension entre les Chinois et les Occidentaux reste assez limitée, malheureusement. » D’un côté, les Occidentaux manquent de connaissances sur la Chine. Par exemple, sur 1 000 étudiants, peut-être un seul connaît la guerre de l’Opium, alors que tout le monde en Chine étudie ce pan de l’histoire.
Pour M. Zimmermann, cette situation justifie la raison d’être de l’IC. Son rôle est très important, puisque l’institut permet d’apporter des réponses et explications aux interrogations de la société.