DANG XIAOFEI, membre de la rédaction
La voie de l’innovation dans la « Vallée pharmaceutique » du Jiangsu
DANG XIAOFEI, membre de la rédaction
La Chine est en marche pour révolutionner son industrie pharmaceutique dans le monde. La province du Jiangsu est devenue un véritable incubateur d’innovations grâce à ses avancées spectaculaires dans l’internationalisation de la médecine traditionnelle chinoise et la renommée de ses centres de R&D en médecine occidentale.
Des spécimens de médicaments traditionnels chinois à l’Institut de recherche de Kanion, le 25 avril 2017
Aux quatre coins du monde, l’étiquette « Fabriqué en Chine » a longtemps été omniprésente, alors que les produits médicaux et pharmaceutiques fabriqués en Chine étaient peu exportés, notamment sur le marché américain. Les entreprises chinoises qui avaient réussi à arracher au marché américain le « droit d’accès » des médicaments finis se comptaient sur les doigts d’une main.
Aujourd’hui, cette situation a beaucoup changé. Récemment, notre journaliste a visité la ville de Lianyungang dans le Jiangsu, réputée comme la « Vallée pharmaceutique », où sont réunies bon nombre d’entreprises travaillant dans la filière médico-pharmaceutique. Ces entreprises innovantes ont non seulement transformé cette région en la plus grande base de recherche et de production en Chine pour les médicaments anticancéreux, à usage opérationnel et des produits de contraste, mais c’est également ici que la première chaîne de production pour l’extraction intelligente des médicaments traditionnels chinois (MTC) dans le pays a été installée, et qu’une entreprise nationale a réalisé une percée majeure dans ce domaine en transférant au marché américain l’une de sestechnologies de médicaments biologiques novatrices.
La pharmacienne chinoise Tu Youyou a été récompensée du prix Nobel de médecine 2015 pour avoir découvert l’artémisinine. Cette découverte est un cadeau que la pharmacologie traditionnelle chinoise offre au monde. Toutefois, il est indéniable que l’internationalisation des MTC fait face à de nombreuses restrictions, car les principes actifs des MTC ne peuvent être dosés avec précision comme dans la médecine occidentale. La production standardisée des MTC fait donc face à de nombreux défis.
Or, Kanion Pharmaceutical a réussi à surmonter cette difficulté grâce à une ingénieuse innovation, réalisant ainsi la production standardisée des MTC. Kanion est une grande entreprise des MTC dont l’activité couvre la R&D, la production et la commercialisation. À la fin des années 1980, elle a commencé à se lancer dans la R&D du MTC novateur Guizhi Fuling en capsule, destiné à traiter la stase sanguine en gynécologie, qui a permis à la société d’engranger ses premiers bénéfices. Encouragée par ce premier succès remporté grâce à l’esprit d’innovation, Xiao Wei, président du conseil d’administration de Kanion, ne cesse d’explorer, jusqu’à aujourd’hui, de nouveaux champs de recherche en restant fidèle à cet esprit.
En 2015, Kanion a investi 480 millions de yuans pour construire l’unité d’extraction numérique moderne des MTC, apportant une solution aux difficultés quant à la multitude des principes actifs et des paramètres ainsi qu’au système complexe des techniques de contrôle durant le processus de production des MTC. Le résultat a été la création de la première chaîne de production pour l’extraction intelligente des MTC en Chine. Kanion a mis au point un système de techniques de contrôle pour régulariser la qualité durant le processus de production des spécialités des MTC, réalisant ainsi une production standardisée et intelligente des MTC.
Dans l’usine d’extraction à technologie numérique des MTC, seuls une cinquantaine d’ouvriers opèrent dans un atelier doté de quelque 700 équipements de production, alors que le personnel technique, assis devant les ordinateurs, finalise, par un simple clic de souris, la production de substances extraites des MTC.
À côté de la chaîne de production de Reduning Injection, Bao Lewei, ingénieur en chef adjoint de la compagnie, présente l’élaboration intelligente et normalisée des MTC : « Nous avons d’abord mené la recherche fondamentale sur les substances actives du MTC et avons à la fin sélectionné 32 principes actifs parmi 84 composés chimiques. »
Les composants de Reduning Injection ont été clarifiés pour plus de 75 % d’entre eux, tandis que 80 % des substances sont mesurables et 90 % peuvent être contrôlés avec efficacité par l’empreinte digitale. Ce produit a été le premier MTC en injection à remporter le prix d’or du brevet en Chine.
Le mérite réside dans le fait que Reduning Injection, de même qu’un autre grand médicament en injection, permet de guérir des maladies aiguës, mettant ainsi fin à la conception traditionnelle que les MTC ne seraient bons que dans le traitement des maladies chroniques. Bao Lewei ajoute : « L’usine d’extraction à technologie numérique produit essentiellement, à l’heure actuelle, des substances extraites pour MTC en injection, mais elle envisage actuellement d’appliquer cette technologie dans la production pharmacologique des préparations orales. »
Aujourd’hui, Kanion a développé avec succès 47 nouveaux MTC et travaille à l’heure actuelle sur une cinquantaine d’autres dont 10 de la première catégorie, ce qui lui a permis de réaliser un chiffre d’affaires de 58 milliards de yuans. Par ailleurs, le budget que Kanion consacre à la R&D, sur dix années consécutives, représente plus de 7 % du chiffre d’affaires, et il s’est élevé à plus de 10 % au cours des cinq dernières années, alors que la majorité des entreprises pharmaceutiques chinoises ne consacrent en moyenne que 3 % de leurs recettes à la R&D.
Au final, les entreprises pharmaceutiques nationales, rivalisant d’ingéniosité dans l’innovation en pharmacologie traditionnelle chinoise et dans la production de médicaments occidentaux, forment un paysage pharmacologique dont nous pouvons nous réjouir.
Outre les entreprises des MTC, celles impliquées dans la production de médicaments sur le modèle de la médecine occidentale ne se laissent pas dépasser dans la voie de l’innovation. Au final, les entreprises pharmaceutiques nationales, rivalisant d’ingéniosité dans l’innovation en pharmacologie traditionnelle chinoise et dans la production de médicaments occidentaux, forment un paysage pharmacologique dont nous pouvons nous réjouir.
En tant que leader dans l’innovation pour les médicaments occidentaux en Chine, Jiangsu Hengrui Medicine Co., Ltd introduit chaque année de nouveaux médicaments en phase clinique et met sur le marché, tous les deux à trois ans, de nouveaux médicaments novateurs. L’entreprise est la plus grande base de recherche et de production de médicaments anticancéreux, à usage opérationnel et des produits de contraste en Chine. Elle est aussi une « vieille » entreprise avec une histoire qui remonte à 47 ans.
En 1992, Hengrui n’était qu’une petite fabrique pharmaceutique. Ses produits étaient monotypiques et dépassés. L’entreprise peinait face à la concurrence. Grâce à un emprunt bancaire de 1,2 million de yuans, Sun Piaoyang, directeur de l’usine à l’époque, a acheté la formule d’un nouveau médicament auprès d’un institut de recherche à Beijing. Il a mis six mois pour mettre au point un processus de production et réussi à réaliser un chiffre d’affaires de 8 millions de yuans la même année. Grâce à son esprit d’innovation, Hengrui s’est graduellement développée d’un petit atelier obscur dans le nord du Jiangsu à une entreprise pharmaceutique internationale, et connue en Chine pourson caractère novateur.
« En plus d’Imrecoxib Comprimé, le premier anticancéreux novateur développé de manière autonome par la Chine au bout de 14 ans d’efforts, Hengrui a mis Apatinib sur le marché. Ce médicament novateur développé de manière autonome par la société, qui est le premier remède au monde en thérapeutique ciblée contre la molécule cancéreuse de l’estomac en phase terminale, a aussi nécessité une dizaine d’années de travaux de recherche. Nous y avons injecté énormément de moyens humains et financiers », explique Chen Wei, responsable de la communication avec les médias chez Hengrui.
Le 25 avril 2017, des chercheurs dans le laboratoire pharmaceutique Hengrui
La première opération que cette société a menée après avoir été cotée en Bourse en 2000, a consisté à allouer 400 millions de yuans pour établir un centre de R&D à Shanghai, pour qu’il se spécialise dans la R&D de nouveaux médicaments avec des talents de haut niveau spécialement recrutés à l’étranger. Ces dernières années, Hengrui consacre chaque année environ 10 % de son chiffre d’affaires au budget de R&D et a ouvert des centres de R&D ou structures secondaires aux États-Unis, au Japon et dans d’autres régions en Chine. À présent, la société compte 2 100 agents techniques spécialisés dans la R&D, toutes catégories confondues, dont plus de 1 300 d’entre eux sont titulaires d’un doctorat ou d’un master et plus de 100 personnes sont de nationalité étrangère.
Évoquant les expériences dans l’innovation, Chen Wei explique : « Hengrui a renforcé sa coopération avec des centres de R&D et des entreprises pharmaceutiques de l’étranger, ce qui a accéléré le processus de R&D. » D’ailleurs, l’amélioration de l’environnement pour l’innovation en Chine au cours de ces dernières années a aussi permis de promouvoir ses propres projets d’innovation. « Depuis 2006, nos innovations bénéficient grandement des projets spéciaux majeurs de l’État. D’autre part, un couloir vert en matière de législation a été ouvert par le gouvernement pour l’approbation des nouveaux médicaments novateurs. La demande bénéficie d’un traitement prioritaire », ajoute le responsable.
Jusqu’à présent, Hengrui a successivement assumé la réalisation de 27 projets spéciaux majeurs nationaux portant sur le thème « innovation et développement de nouveaux médicaments » et possède plus de 200 brevets d’invention, dont plus de 100 brevets mondiaux (brevet PCT). À l’heure actuelle, deux nouveaux médicaments novateurs, Imrecoxib et Apatinib, après approbation, ont été mis sur le marché alors qu’une dizaine d’autres sont entrés en phase clinique à différents stades.
En tant que second plus grand marché de produits pharmaceutiques, la Chine compte des milliers d’entreprises œuvrant dans ce secteur. Parmi les médicaments chimiques que ces dernières produisent, plus de 95 % sont des médicaments génériques. À mesure que les entreprises attachent de plus en plus d’importance à la R&D dans l’élaboration de nouveaux médicaments novateurs, plus d’investissements y sont accordés. L’innovation dans les nouveaux médicaments en Chine est entrée dans un processus d’internationalisation.
En 2015, Hengrui a cédé à la société américaine Incyte les droits à l’étranger de l’anticorps monoclonal PD-1 utilisé en thérapie immunitaire des cancers, dont la société détient la totale propriété intellectuelle, réalisant ainsi l’exploit qu’une entreprise chinoise transfère au marché américain une technologie novatrice d’un médicament biologique. « Au premier trimestre de cette année, Hengrui a eu trois autres produits homologués par FDA et l’Union européenne pour être vendus sur les marchés américain et européen », fait remarquer Chen Wei.
Les efforts constants qui ont été déployés dans la R&D et l’innovation ont eu pour résultat d’aider les entreprises chinoises à raffermir leur conviction quant à la mise en œuvre de leur stratégie d’internationalisation. Xiao Wei indique que Kanion ne manquera pas d’accélérer sa marche dans la voie de l’internationalisation tout en réalisant une expansion toujours plus grande sur le marché intérieur. Selon nos informations, les tests en clinique de la phase II de Guizhi Fuling en capsule, ont récemment été achevés avec succès aux États-Unis. Il se peut que ce produit soit le premier MTC composé à entrer sur le marché américain en tant que médicament. Cela permettra d’accélérer davantage le processus d’internationalisation des MTC.