WANG LEI*
La décennie d’or des BRICS : résultats de la coopération et expérience acquise
WANG LEI*
Le Forum des médias des BRICS à Beijing le 8 juin 2017
La coopération entre les pays des BRICS a débuté en 2006. C’est lors de la 61eAssemblée générale des Nations Unies que les ministres des Affaires étrangères du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine ont tenu des entretiens qui ont donné le coup d’envoi à la coopération entre ces quatre pays, désignés à l’époque sous l’acronyme BRIC. Au cours de la décennie passée, témoin d’une vague de bouleversements survenus à l’échelle mondiale, les pays membres de ce groupe se sont développés en une force nouvelle propice à la réforme constructive de la gouvernance globale. Devenus les grands défenseurs des intérêts propres aux pays émergents et pays en voie de développement, ils ont écrit une « décennie d’or » dans leur histoire.
En dix ans d’effort, la coopération au sein des BRIC (devenu BRICS après l’adhésion de l’Afrique du Sud) a donné lieu à des résultats tangibles dans les domaines tels que la promotion de la gouvernance globale, l’établissement de mécanismes conjoints, la coopération pragmatique, l’accroissement des échanges humains et culturels, comme nous allons le préciser dans les quatre points suivants.
Primo, les BRICS ont promu sans relâche la réforme et l’innovation dans le système de gouvernance politique et économique globale, contribuant de manière constructive à guider ce régime vers un modèle plus équitable, plus rationnel et plus efficace. À travers les mécanismes mis en place (rencontre des hauts représentants sur les questions de sécurité, réunion des ministres des Affaires étrangères, groupe de travail pour la lutte anti-terrorisme et la cybersécurité, etc.), les pays des BRICS mènent régulièrement des échanges de vues approfondis sur les grands enjeux internationaux et régionaux d’intérêt commun, de même qu’ils coordonnent leurs positions et publient des déclarations communes concernant des dossiers d’actualité. Depuis toujours, les BRICS adhèrent fermement au principe du multilatéralisme. Au sein du G20, de l’ONU, de la Banque mondiale, du FMI et d’autres institutions internationales majeures ainsi que dans le cadre de la coopération en général, ils ont intensifié la communication et la coordination, à dessein de favoriser la construction d’une économie globale ouverte et de perfectionner la gouvernance économique globale.
Au fil de cette décennie de coopération, suivant la tendance historique caractérisée par la montée en puissance des pays émergents et des pays en voie de développement, les BRICS ont continuellement élevé la représentativité et le droit à la parole des pays en voie de développement dans les affaires internationales et ont esquissé un nouveau plan pour la gouvernance globale. Ils se sont érigés en une force constructive et influente appelant à la démocratisation des relations internationales, à la mondialisation économique et à la diversité culturelle.
Secundo, plusieurs points clés dérivant de la coopération économique et commerciale pragmatique engagée au sein des BRICS ont fréquemment été soulignés, constituant la base de la collaboration entre les pays membres. Les BRICS ont enregistré des résultats tangibles dans des domaines comme l’économie, le commerce, la finance, les sciences et technologies, les transports, l’énergie et l’exploitation minière, et sont parvenusà s’entendre sur laStratégie de partenariat économique des BRICS, un programme directeur de première importance. En l’espace de dix ans, la part que représentent les BRICS dans l’économie mondiale est passée de 12 % à 23 % et leur part dans le volume global des échanges commerciaux, de 11 % à 16 % ; leur proportion des droits de vote à la Banque mondiale a atteint 13,24 % et leurs quotes-parts au sein du FMI, 14,91 % ; et enfin, leur contribution au taux de croissance économique mondiale a dépassé 50 % en moyenne sur cette période.
Sur cette première décennie d’existence des BRICS, la coopération financière est devenue le point clé de la collaboration entre les pays membres. Les BRICS ont promu avec succès la réforme des institutions de Bretton Woods. Ils ont non seulement permis la réforme du système de quotas et de droits de vote au sein de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, mais ont aussi établi de manière indépendante la Nouvelle banque de développement. Il s’agit de la première institution financière pour le développement fondée exclusivement par des pays en voie de développement. Elle a vocation à soutenir la construction d’infrastructures et le développement durable dans les pays des BRICS, ainsi que dans d’autres pays émergents et pays en voie de développement.
Tertio, les échanges humains et culturels, tout comme la coopération en matière d’éducation au sein des BRICS, gage du soutien public à l’égard de la coopération intergroupe, se sont multipliés à tous les niveaux. Les BRICS ont signé en 2015 l’Accord intergouvernemental sur la coopération culturelle des BRICSet ont élaboré un plan d’action y afférent pour encourager les différents pays à lancer toutes sortes d’activités de coopération touchant à la culture, aux arts, aux sports, aux médias, auxthink tanks,à la médecine traditionnelle et bien d’autres secteurs encore. L’objectif est de diversifier les acteurs de la coopération pour hausser le nombre de bénéficiaires parmi la population. Dans cet ordre d’idée, les BRICS ont co-réalisé un premier film intituléWhere Has Time Gone ?. Par ailleurs, le groupe attache une vive importance aux échanges entre les jeunes et les adolescents en mettant l’accent sur la coopération éducative. Étant d’avis que l’avenir repose sur la prochaine génération, les BRICS s’activent ensemble à former des talents doués d’un esprit novateur et d’une vision internationale. À cet égard, ils ont organisé bon nombre d’activités : championnat de football junior, forum de la jeunesse, forum des jeunes diplomates, etc.
Quarto, les différents mécanismes de coopération des BRICS ont été établis de manière stable et progressive jusqu’à composer une structure de coopération tous azimuts, multi-niveaux et de vaste portée. Ces mécanismes ont été créés à partir dezéro. Par exemple, le mécanisme de rencontre des ministres des Affaires étrangères, instauré au tout début, a été promu en sommet annuel. Petit à petit s’est formée une architecture multiniveaux pour la coopération pragmatique dans des dizaines de domaines : la rencontre des dirigeants sert d’organe directeur ; les réunions ministérielles, telles que celle qui réunit les hauts représentants sur les questions de sécurité et celle qui rassemble les ministres des Affaires étrangères, viennent en complément. Cette judicieuse organisation permet d’aligner l’administration nationale de chaque pays des BRICS, et ce sur tous les plans. Afin d’encourager la coopération pragmatique, les BRICS ont mis en place d’autres instruments de coopération encore, notamment la Nouvelle banque de développement, le Fonds de réserves d’urgence, le Conseil de l’industrie et du commerce des BRICS, le Conseil desthink tanks,qui ont produit des effets importants dans l’arène internationale.
Les pays des BRICS ont progressivement construit un nouveau modèle ouvert à un partenariat plus large. L’adhésion de l’Afrique du Sud a concrétisé de façon officielle le premier élargissement du groupe des BRICS, reflétant le caractère ouvert et inclusif de la coopération qu’il entend mener. Les pays membres s’engagent d’ailleurs depuis toujours dans le dialogue et la coopération avec d’autres pays émergents et pays en voie de développement. Le groupe a ainsi mis sur pied un modèle de dialogue entre les dirigeants des BRICS et ceux des autres pays en voie de développement, en vue de développer son réseau de partenaires et de consolider l’amitié avec ces pays.
Pendant cette « décennie d’or », le groupe des BRICS a accumulé un certain nombre d’expériences dans la coopération pragmatique et approfondie, forgeant au passage ses traits caractéristiques.
Premièrement, l’expérience des BRICS. La réussite du groupe des BRICS s’explique par deux grandes expériences : d’une part, la coopération pacifique ; d’autre part, le ciblage du développement. La coopération au sein des BRICS résulte de la montée collective des grands pays émergents ; elle se traduit parallèlement par la pratique efficace consistant à établir des relations entre grands pays et des relations internationales d’un type nouveau. Les pays des BRICS, au même stade de développement, assument la tâche commune de porter le développement et se heurtent à des défis similaires dans cette mission. Ils échangent leurs vues sur les épineux dossiers politiques et économiques globaux ainsi que sur la gouvernance nationale et partagent leurs expériences respectives. De par leur parcours encourageant, ils servent aussi d’exemple aux autres pays en voie de développement qui s’efforcent de faire advenir le renouveau national, le développement économique et le progrès social.
Deuxièmement, l’esprit des BRICS. Lors du Sommet des BRICS à Fortaleza (au Brésil) en 2014, le président chinois Xi Jinping a décrit l’esprit des BRICS en employant les termes « ouverture, inclusivité, coopération et gagnant-gagnant ». Progressivement, les BRICS ont convenu de s’en tenir à ces maîtres-mots et à gagner en popularité dans les autres pays émergents et pays en voie de développement. Les BRICS ont instauré des relations de partenariat stratégique et des relations de partenariat de développement avec ces pays, qui constituent « un rapprochement, et non une alliance ». Ils adhèrent au principe de l’égalité entre tous les États et s’appuient sur un modèle de décision basé sur la coordination, la communication et la consultation entre grands pays, afin de façonner une coopération exemplaire entre les pays émergents et les pays en voie de développement.
Troisièmement, les principes observés par les BRICS, à savoir l’égalité, la consultation, le pragmatisme et la coopération. Le principe d’égalité est le premier défendu par les BRICS dans leur collaboration. Tout membre des BRICS, quelle que soit la taille de son économie, de sa population ou de son territoire, doit être en tout temps placé sur un pied d’égalité dans les consultations et la prise de décision. Les intérêts de chaque membre devront être pleinement respectés et pris en considération. Cette règle marque ce qui distingue le plus le groupe des BRICS de tout autre mécanisme de coopération entre grands pays dans le monde.
En dépit des différences de leurs conditions nationales, de leur régime politique, de leur cadre culturel et du modèle de développement choisi, les BRICS ont chacun fait leur possible dans le processus de coopération pour éliminer efficacement les divergences, communiquer leur politique et faire part de leur position respective. Ainsi, ils sont parvenus à de nombreux consensus et ont renforcé leur confiance mutuelle stratégique, tout en s’efforçant de « parler d’une seule voix ».
Quatrièmement, le consensus des BRICS. Les BRICS ont défini comme orientation d’arriver à « quatre établissements » : ils doivent conjuguer leurs efforts en vue de mettre en place « le grand marché intégré des BRICS, la grande circulation multi-niveaux, la grande connectivité terrestre, maritime et aérienne, ainsi que le grand déploiement des échanges humains et culturels ». Reconnaissant à l’unanimité qu’ils représentent les intérêts des économies émergentes et des pays en voie de développement, les BRICS ont noué entre eux des « relations de partenariat en faveur de la sauvegarde de la paix mondiale, de la promotion du développement commun, du rayonnement des diverses civilisations et du renforcement de la gouvernance économique globale ».
Après une décennie d’existence, le groupe des BRICS se trouve face à un nouveau point de départ historique. Au prochain Sommet des BRICS à Xiamen, les pays membres devraient lancer un appel à la coopération pour les dix prochaines années. Cette future coopération persévérera certainement dans l’établissement conjoint d’un nouveau modèle de relations entre grands pays, le perfectionnement de la gouvernance mondiale ouverte et inclusive, ainsi que dans la recherche du gagnantgagnant pour dynamiser la croissance économique mondiale. La réalisation de ces objectifs permettra au groupe de se transformer en une importante plate-forme de coopération Sud-Sud bénéficiant d’une influence internationale non négligeable.
*WANG LEI est professeur adjoint à l’École du gouvernement et directeur du Centre de coopération des BRICS relevant de l’Université normale de Beijing.
Les BRICS dessinent les plans de leur coopération future - Une interview de Shri Vijay Gokhale, ambassadeur d’Inde en Chine
Shri Vijay Gokhale, ambassadeur d’Inde en Chine
L’Inde travaillera en étroite collaboration avec la Chine pour poursuivre les résultats concrets de laDéclaration de Goa.
La Chine au présent: Quel regard l’Inde porte-elle sur le mécanisme des BRICS?
Shri Vijay Gokhale: L’Inde considère les BRICS comme une plate-forme importante d’échanges de points de vue sur tout un éventail de questions régionales et multilatérales, comprenant le développement durable, les mécanismes de commerce et d’investissement internationaux, l’environnement et le changement climatique, le terrorisme, la connectivité et la démocratisation de l’ordre international. Nous sommes persuadés que la portée du mécanisme des BRICS dépasse les cinq membres qui le constituent et qu’il a une répercussion visible, tant au niveau régional que mondial. Nous avons réalisé des progrès signif icatifs au cours de ces 10 premières années de fonctionnement des BRICS, avec entre autres, les sommets, des réunions entre ministres et une coopération fonctionnelle. En plus des progrès remarquables dans le domaine économique dont la création de la Nouvelle banque de développement est l’un des exemples les plus importants, nous développons également de la coopération dans les domaines du sport, des médecines traditionnelles, de la santé, de l’éducation et de la culture. Nous nous réjouissons de découvrir de nouvelles idées pour la coopération future sous la présidence chinoise.
La Chine au présent: Comment l’Inde a-t-elle bénéficié du mécanisme des BRICS ?
Shri Vijay Gokhale: L’Inde attache une grande importance à son engagement à l’égard des BRICS. Comme nous l’avons déjà dit, nous considérons les BRICS comme une importante plateforme d’échanges de points de vue sur toute une série de questions. En cette période d’incertitude mondiale, nous voyons les BRICS comme un vecteur de stabilité. Nous avons mis en place une synergie efficace au cours de ces 10 dernières années. Nous partageons la même volonté de dénoncer les pratiques de protectionnisme, d’œuvrer à la construction d’une structure de gouvernance économique mondiale plus représentative et de mettre en place un système de commerce multilatéral qui soit juste, ouvert et transparent, et centralisé autour de l’OMC. Afin de renforcer la coopération dans le cadre des BRICS, l’Inde a également émis l’idée de créer une agence indépendante d’évaluation des crédits et un organe de recherche pour les BRICS (the BRICS Institute for Market Research and Analysis). Nous sommes impatients de pouvoir avancer sur ces projets. La pertinence des BRICS ne se cantonne pas aux seules questions d’économie et de commerce, mais touche à l’ensemble des grandes préoccupations et des grands défis internationaux. L’Inde estime que le mécanisme des BRICS a considérablement influencé les échanges mondiaux au sujet de nombreuses grandes questions actuelles.
La Chine au présent: Que pensez-vous de la Nouvelle banque de développement ?
Shri Vijay Gokhale: La création de la Nouvelle banque de développement représente un des résultats les plus signif icatifs dans le processus des BRICS. La banque est désormais complètement opérationnelle, ce qui est une belle preuve de la réussite de nos efforts collectifs. Nous nous réjouissons à l’idéeque la Nouvelle banque de développement accorde la priorité à l’énergie propre et à la construction d’infrastructures vertes et durables. Les marchés émergents et les pays en développement sont la source d’une grande demande en infrastructure, l’Inde y compris. Nous pensons que la Nouvelle banque de développement peut combler le manque entre ces besoins et les difficultés rencontrées par les banques de développement multilatérales déjà établies. En ce qui nous concerne, nous aimerions collaborer avec la Nouvelle banque de développement dans des secteurs clés tels que la construction de villes intelligentes, les énergies renouvelables, les transports urbains, la technologie du charbon épuré, la gestion des déchets solides et l’approvisionnement en eau des zones urbaines. En outre, nous saluons également la volonté de la Nouvelle banque de développement de devenir un partenaire du savoir qui facilite les échanges de connaissances entre les États membres.
Le 18 juin 2017, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi rencontre le ministre d’État indien aux Affaires étrangères Vijay Kumar Singh à Beijing.
La Chine au présent: Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a proposé la création du mécanisme « BRICS Plus » afin d’élargir le cercle d’amis des BRICS. Qu’en pensezvous ?
Shri Vijay Gokhale: Depuis le Sommet de Durban en 2013 sous la présidence de l’Afrique du Sud, les BRICS ont instauré une belle tradition qui consiste à inviter des leaders et des partenaires de différents pays aux Sommets des BRICS. Lorsque l’Inde a assuré la présidence des BRICS en 2016, nous avons organisé à Goa un Sommet de sensibilisation pour les BRICS et les pays membres de l’initiative de la Baie du Bengale (BIMSTEC). Ce Sommet élargi a servi de plate-forme d’engagement entre les BRICS et d’autres pays en développement et nous souhaitons que cette tradition perdure.
La Chine au présent: Qu’est-ce que l’Inde attend du 9eSommet des BRICS qui se tiendra bientôt à Xiamen?
Shri Vijay Gokhale: Nous accordons tout notre soutien à la Chine pour l’organisation du Sommet des BRICS à Xiamen. Nous apprécions particulièrement la participation et la contribution active de la Chine au Sommet de Goa. L’Inde travaillera en étroite collaboration avec la Chine pour poursuivre les résultats concrets de laDéclaration de Goa. Dernièrement, nous avons eu un certain nombre d’événements importants. Plusieurs ministres indiens se sont rendus en Chine pour participer à des réunions relatives aux BRICS. La première réunion officielle de ministres des Affaires étrangères des BRICS s’est tenue à Beijing en juin et la réunion des conseillers en matière de sécurité des BRICS a eu lieu à Beijing à la fin du mois de juillet. Nous avons également soutenu la Chine dans l’organisation d’événements favorisant les échanges interpersonnels comme le deuxième festival du film des BRICS et le « BRICS Games ». Nous souhaitons vivement nous appuyer sur ces réussites pour dessiner les plans de notre future coopération lors du neuvième sommet des BRICS à Xiamen.