LU RUCAI, membre de la rédaction
Guangzhou-Lyon, un jumelage exemplaire
LU RUCAI, membre de la rédaction
Si éloignées et pourtant si proches : aux deux bouts de la Route de la Soie, Guangzhou et Lyon se font signe. Retour sur un jumelage bientôt trentenaire.
Alain Labat, président de la Fédération des associations franco-chinoises, est un Lyonnais en contact permanent avec Guangzhou, la grande métropole du sud de la Chine. Il parle couramment le chinois et la famille de sa femme est originaire de Shunde, dans le Guangdong.
« Depuis 1977 je me rends chaque année à Guangzhou, dit M. Labat, soit en tant que membre des délégations de la mairie de Lyon et de l’actuelle Métropole, soit à la tête de délégations de la Fédération des associations franco-chinoises. » Cette fédération, fondée par M. Labat en 1993, maintient depuis près de 25 ans un contact étroit avec la Chine. Aujourd’hui, elle regroupe 22 associations d’amitié franco-chinoises basées dans autant de villes françaises.
Guangzhou, chef-lieu du Guangdong, est l’une des villes chinoises pionnières de la politique de réforme et d’ouverture. Depuis la signature de l’accord de jumelage en 1988, Guangzhou et Lyon ont connu près de 30 ans de coopération. M. Labat est un témoin privilégié de l’amitié qui lie ces deux villes si éloignées géographiquement. « J’ai eu la chance, durant plus de trois décennies, d’assister à l’extraordinaire développement économique et social de Guangzhou, et aussi de tenter de le faire mieux connaître en France », déclare M. Labat, citoyen d’honneur de la ville de Guangzhou depuis 1996.
En juillet 2013, le maire de Lyon Gérard Collomb a signé avec le maire de Guangzhou Chen Jianhua un mémorandum pour renforcer la coopération entre les deux villes lors du 25eanniversaire du jumelage.
L’université de Lyon fut la première française à proposer, dès 1913, des cours de langue chinoise. M. Labat rappelle que ce fut à la demande de la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon. Les autres universités françaises ne se sont décidées à enseigner le chinois qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Alain Labat apprend le chinois depuis 1969. « Je suis entré à l’université de Lyon pour étudier la philosophie en travaillant à mi-temps pour fi nancer mes études. Cette année-là, tous les étudiants devaient choisir un enseignement optionnel non compris dans leur cursus. Compte tenu de mes études principales et de mon travail, le seul créneau horaire qui me convenait était celui des cours de chinois débutant ! » C’est ainsi que commença son histoire avec la Chine.
En 1977, un premier voyage en Chine l’amena à Guangzhou. La ville, « laboratoire » de la réforme et de l’ouverture de la Chine, lui a laissé une profonde impression. À l’époque, la région Rhône-Alpes, dont Lyon est la capitale, s’orientait vers une coopération avec Shanghai. M. Labat a alors suggéré à la ville de Lyon de s’intéresser à Guangzhou. Depuis 1975 Lyon compte par ailleurs un quartier chinois dont nombreux habitants ont des origines dans le Guangdong et pouvaient représenter une base pour un jumelage entre Guangzhou et Lyon.
Il se rappelle que l’ancien premier ministre Raymond Barre, grand connaisseur de la Chine, joua un rôle important dans ce jumelage. Premier ministre ou maire de Lyon (de 1995 à 2001), il œuvra en faveur de contacts étroits avec ce pays, convaincu de la solidité de son développement. Avec le soutien de Raymond Barre, un mécanisme de visites périodiques s’est établi entre dirigeants des deux villes. Le partenariat a porté ses fruits dans les domaines de l’économie, de la culture et de l’éducation.
Le président Xi Jinping a visité l’exposition sur l’Institut franco-chinois de Lyon en mars 2014.
Lyon est historiquement proche de la Chine et c’est l’un des moteurs de sa coopération avec Guangzhou. Son Musée des tissus et des arts décoratifs témoigne de siècles d’échange. L’Institut francochinois de Lyon fut créé en 1921, dans le sillage du mouvement Travail-Études des jeunes Chinois en France, auquel participèrent Zhou Enlai, Deng Xiaoping, Chen Yi et d’autres, qui devinrent plus tard les dirigeants de la République populaire de Chine. En mars 2014, lors de sa visite à Lyon, le président chinois Xi Jinping s’est rendu sur l’ancien site de cet institut et y a af fi rmé que l’amitié entre la Chine et la France, incarnée par l’Institut franco-chinois, sera perpétuée et transmise à travers les générations. Lyon abrite désormais le Nouvel Institut franco-chinois, au conseil duquel siège aussi la municipalité de Guangzhou, laquelle lui a offert en novembre 2014 un monumental ensemble de statues des deux fondateurs et de huit éminents étudiants chinois de l’institut.
« C’est la quatrième fois que je me rends à Guangzhou en tant que maire de Lyon. À chaque fois, j’y trouve de nouvelles surprises. J’ai con fi ance en notre coopération », déclarait, en juin 2015, le maire de Lyon et président de la Métropole Gérard Collomb qui conduisait une délégation dans la capitale du Guangdong. Il a souligné en plusieurs occasions les similarités qu’il voyait entre les deux villes, mais aussi de nouvelles perspectives de partenariat. Guangzhou, que traverse la rivière des Perles, et Lyon, où con fl uent le Rhône et la Saône, possèdent toutes deux une longue histoire et une culture commerciale bimillénaire. Il rappelle que « si Guangzhou est le point de départ de la Route de la Soie maritime, Lyon est le point d’arrivée de la Route de la Soie terrestre ». Ces parallèles expriment bien la force des liens de partenariat qui unissent les villes.
En 1988, M. Collomb s’est rendu à Guangzhou en tant que conseiller municipal de Lyon, accompagnant le maire d’alors pour la signature de l’accord de jumelage. « À l’époque, aux heures de pointe, on voyait une foule innombrable de cyclistes dans les rues de Guangzhou, des fl ots humains déferlant à l’in fi ni. Ce phénomène m’a laissé une impression indélébile. Je pouvais imaginer l’assiduité au travail de ces gens-là », se souvient M. Collomb.
« M. Collomb est très attaché à Guangzhou. La dernière fois que nous nous sommes rendus à Lyon pour une réunion, il n’était pas prévu de rencontre avec le maire dans le programme, mais il a insisté pour nous recevoir. Il nous a également invités à visiter le projet de la ville intelligente », con fi e Deng Changxiong, directeur du Service Europe et Amérique du Bureau des affaires étrangères du gouvernement municipal de Guangzhou. En 2015, lors de la visite de M. Collomb en Chine, il lui a offert un album de photos de ses quatre visites à Guangzhou. « M. Collomb était très ému, raconte Deng Changxiong. De nombreux Européens connaissent mal la Chine, mais les Lyonnais gardent Guangzhou dansleur cœur, par exemple en se rappelant des feux d’arti fi ce de 2003. »
L’événement auquel fait référence M. Deng est la célébration des Années croisées Chine-France, dans le cadre de laquelle Guangzhou a organisé à Lyon une Semaine de Guangzhou destinée à développer les échanges. Parmi d’autres événements, un feu d’arti fi ce « La nuit de Guangzhou » sur la colline de Fourvière a constitué le clou des manifestations culturelles. « Les Lyonnais se rappellent jusqu’à aujourd’hui des feux d’arti fi ce chinois. Chaque fois qu’ils apprennent que j’arrive de Guangzhou, ils me reparlent de cet événement de 2003 », af fi rme Huang Qiong, traductrice et interprète du Bureau des affaires étrangères du gouvernement municipal de Guangzhou. Elle s’occupe des échanges entre les deux villes depuis 2004 et a déjà visité Lyon cinq fois.
Deng Changxiong rappelle que la visite du maire et de sa délégation en 2015 a favorisé de nombreux projets de coopération entre Guangzhou et Lyon. Les deux villes ont organisé ensemble un séminaire sur la coopération économique et commerciale Guangzhou-Lyon destiné à se présenter mutuellement les opportunités de coopération dans les domaines du commerce et de l’investissement, et à faciliter les échanges entre les entreprises chinoises et françaises. En même temps, elles ont organisé la première réunion sur la coopération économique Chine-Europe, sur la mise en œuvre d’un mécanisme de coopération politique entre la Chine et l’Europe, et aussi la construction de la zone pilote de Guangzhou dans le cadre de la coopération politique Chine-Europe. Par ailleurs, Lyon a signé avec Guangzhou la Proposition sur la promotion de l’Alliance économique quadripartite Guangzhou-Lyon-Francfort-Birmingham. Deng Changxiong se félicite du fait que Lyon, mais aussi Francfort et Birmingham, entretiennent d’excellentes relations avec Guangzhou depuis plusieurs années sous forme de jumelage. L’union économique de ces quatre villes comprendra tout d’abord des activités sportives, puis visera à établir une coopération de plus en plus large et concrète dans les domaines du commerce et de l’économie.
La représentation du Ballet de l’opéra de Lyon au Mémorial de Sun Yat-sen
Au début de l’année, Cai Chaolin, maire adjoint de Guangzhou, conduisait à Lyon une délégation de représentants de la Commission du commerce, du Bureau des affaires étrangères du gouvernement municipal et des milieux d’affaires de Guangzhou. Cette visite s’est soldée par la signature d’un accord de coopération sur l’établissement d’un centre d’innovation entre EM Lyon, l’École de management de Lyon, et la Cité sino-singapourienne de la connaissance de Guangzhou. Selon Deng Changxiong, le but de cette visite consistait à promouvoir des projetsde coopération et à jeter une base solide pour l’année prochaine qui marque le 30eanniversaire du jumelage.
Un ensemble de statues des fondateurs et d’étudiants chinois de l’Institut franco-chinois, offert par la municipalité de Guangzhou
En 2016, Alain Labat (4eà gauche) a participé au 60eanniversaire de l’établissement de l’Association du peuple du Guangdong pour l’amitié avec l’étranger.
Ces deux dernières années, la coopération Guangzhou-Lyon n’a cessé d’enregistrer des progrès, que ce soit dans le domaine de l’économie, du commerce, de la culture ou de l’éducation.
Deng Changxiong souligne que, dans le cadre des échanges amicaux, tous s’efforcent de réaliser l’objectif : « La coopération s’appuie sur les plates-formes, l’échange s’appuie sur les mécanismes, et le développement s’appuie sur les projets. » Il est à noter que certains projets de coopération ont déjà porté leurs fruits, comme le Centre de recherche et de contrôle de qualité des produits, créé conjointement par le groupe français bioMérieux dont le siège est à Lyon et le groupe chinois Biostime de Guangzhou. Un autre exemple est le projet de construction de lieux d’exposition porté par la société lyonnaise GL Events et le groupe chinois Yuexiu de Guangzhou, et un troisième, le centre d’innovation évoqué plus haut entre l’EM Lyon et la Cité sino-singapourienne de la connaissance de Guangzhou.
Ces échanges fructueux entre Guangzhou et Lyon découlent largement de la coopération culturelle, de l’éducation et des échanges humains. Les événements organisés durant les Années croisées Chine-France de 2003 à 2005, comme le Séminaire de coopération économique et commerciale, les spectacles artistiques et les expositions dans le domaine des beaux-arts, se sont vus décerner le Prix de la coopération entre gouvernements municipaux chinois et français, décerné par l’Association du peuple chinois pour l’amitié avec l’étranger.
Dans le domaine de l’éducation, l’Institut franco-chinois de Lyon a subventionné une vingtaine d’étudiants de Guangzhou pour des études à Lyon. L’université Lyon 3 a mis en place des échanges de professeurs et d’étudiants avec l’université Sun Yat-sen de Guangzhou. Dans le domaine du sport, les autorités lyonnaises ont aidé l’Association de football de Guangzhou à trouver et à engager un entraîneur français en 2004. Le Club de football de Lyon a visité Guangzhou plusieurs fois pour renforcer sa coopération sportive. En outre, l’arrondissement Liwan de Guangzhou et le 7earrondissement de Lyon, la Bibliothèque de Guangzhou et la Bibliothèque municipale de Lyon, le Bureau de l’économie et de la coopération commerciale avec l’étranger de Guangzhou et la Chambre de commerce et d’industrie de Lyon ont établi des relations amicales et développé des échanges multiples.
Deng Changxiong considère que ces formes de coopération augurent bien de l’avenir des liens Guangzhou-Lyon. Elles s’appuient sur des plates-formes comme Délice, association mondiale des villes gastronomiques, dont le siège est à Lyon, la fête des Lumières de Lyon et de Guangzhou et le Nouvel Institut francochinois, pour développer une coopération étroite dans d’autres domaines. « C’est à travers ces échanges de ville à ville et les personnes qui les portent que les jumelages modi fi ent l’approche publique envers un pays ou une ville », af fi rme-t-il. Et de proposer un exemple pour témoigner de l’excellence des échanges entre Guangzhou et Lyon.
En 2013, année du 25eanniversaire du jumelage, Chen Jianhua, alors maire de Guangzhou et aujourd’hui président du Comité permanent de l’Assemblée populaire municipal de Guangzhou, visitait Lyon et rencontrait à Pérouges une famille en train de fêter le 10eanniversaire de sa fi lle prénommée Marine. Le maire s’est empressé d’acheter un gâteau pour la petite fi lle et lui a présenté ses meilleurs vœux. Depuis, chaque année, il écrit à la famille de Marine et leur envoie des cadeaux de Noël, une tradition qui persiste jusqu’à aujourd’hui. Dans sa lettre de réponse, l’adolescente l’appelle « cher grand ami ». Les années passent et l’amitié entre Guangzhou et Lyon est toujours plus empreinte de vitalité.