LI YUAN, membre de la rédaction
Le commerce entre l’Europe et l’Asie est bien sur les rails
LI YUAN, membre de la rédaction
«Mon pays natal, c’est le Shaanxi. Autrefois, ce fut le point de départ de la Route de la Soie. Ici, en regardant le passé, je peux entendre les pas des caravaniers dans les montagnes et voir des fumées flotter au-dessus du désert. Tout cela me semble très familier », a confié le président chinois Xi Jinping dans le discours qu’il a tenu à l’université Nazarbaïev du Kazakhstan le 7 septembre 2013. Évoquant l’ancienne Route de la Soie, il a proposé de construire ensemble, avec les pays d’Asie et d’Europe, la Ceinture économique de la Route de la Soie.
Aujourd’hui, sur cette voie qui relie l’Asie à l’Europe et qui porte l’empreinte de l’histoire des échanges des civilisations antiques, c’est le sifflement des trains et la trajectoire gracieuse des avions dans le ciel qui se sont substitués aux lointains tintements des caravaniers. Point de départ de l’ancienne Route de la Soie, Xi’an, capitale du Shaanxi, s’attache, avec les autres villes situées le long du tracé, à accélérer les flux de la logistique internationale sur le continent.
En mars 2016, un avion cargo, chargé à bloc de marchandises en provenance de différents pays d’Europe, est parti d’Amsterdam pour se poser sur la piste de l’aéroport international Xianyang de Xi’an. Il inaugurait la nouvelle ligne aérienne reliant sans escale les deux centres de l’Eurasie. C’est aussi la première route aérienne sans escale de la Chine dédiée au transport combiné terrestre et aérien de l’e-commerce international. Ce même mois était lancée la ligne Xi’an-Almaty, également sans escale et participant elle aussi à la Route de la Soie pour relier le Shaanxi à l’Asie centrale. Un nouveau corridor aérien qui facilitera lui aussi les échanges et la coopération entre la province chinoise et l’Asie centrale.
Chen Jianmin est responsable d’une entreprise d’e-commerce international. Ce premier avion porte dans ses soutes des marchandises qu’il a commandées en Europe. « Des produits à valeur relativement élevée et exigeants en termes de délais de livraison, comme les produits de soin de la peau, les denrées alimentaires et certains produits électroniques, sont très adaptés au fret aérien. Avant l’ouverture de ces lignes directes, les marchandises en provenance des villes étrangères étaient dédouanées à Beijing, à Guangzhou ou à Chongqing, avant de rejoindre Xi’an, un voyage qui prenait en tout 96 heures. Ce modèle de transport qui combine entrepôt extraterritorial, transport terrestre et fret aérien réduit drastiquement la durée du transport. Une dizaine d’heures pour rassembler les marchandises depuis divers pays d’Europe par la route jusqu’aux Pays-Bas, puis 11 heures de vol d’Amsterdam à Xi’an, et enfin 2 à 3 heures pour les opérations de transfert des marchandises en entrepôt, plus les formalités de dédouanement. En moins de 30 heures, les biens ont parcouru la chaîne logistique entière, au lieu de 96 heures voici seulement quelques mois », explique-t-il.
Convaincu des avantages qu’offre le Centre de logistique aérienne internationale du Shaanxi, Chen Jianmin a enregistré sa société de commerce international auprès du Centre de logistique sous douane situé dans l’aéroport et loué un entrepôt sous douane d’une surface de 500 m2. « Notre modèle magasinentrepôt situé dans le Centre de logistique sous douane optimise le temps et l’effort nécessaire. Grâce à lui nous avons réduit de 30 % les coûts d’exploitation de l’entreprise », ajoute M. Chen.
He Jian, directeur de l’administration de la nouvelle cité aéroportuaire, affirme de son côté qu’à ce jour, cinq zones fonctionnelles sont déjà opérationnelles dans le centre logistique. Un parc industriel de logistique sous douane, un parc industriel d’ecommerce de la Route de la Soie, un parc d’entrepôts dédiés au transport aérien, une zone de tri des marchandises transportées par voie aérienne et enfin une zone de services commerciaux et auxiliaires, où fonctionnent 23 entreprises commerciales et logistiques, dont des sociétés étrangères comme Mapletree ou Global Logistic Properties. Le 8 juillet 2016, le Centre de logistique aérienne internationale du Shaanxi a été sélectionné comme l’un des Parcs pilotes de la logistique au niveau national. Cela signifie qu’il bénéficiera à l’avenir d’un soutien de l’État qui comprendra investissements, mise à disposition de terrains et planification.
Même son de cloche, tout aussi enthousiaste, à Almaty, centre économique et culturel du Kazakhstan, et l’une des plus grandes villes d’Asie centrale. « Depuis que des trains réguliers ont été mis en service entre la Chine et l’Europe, ils transportent des produits chinois de plus en plus nombreux et diversifiés. On en compte déjà plus de 500 exemples rien que dans notre boutique. Les habitants d’ici s’intéressent beaucoup aux épices et aux produits alimentaires chinois, comme par exemple cette sauce de soja qui est un produit vedette de notre magasin. Le thé parfumé au lait et le thé Oolong sont aussi très appréciés », explique unepatronne d’un supermarché spécialisé dans les produits chinois.
Départ à Xi’an du train Chine-Europe à destination de Varsovie, le 18 août 2016
Elle fait allusion au train de fret express qui relie la Chine à l’Asie centrale et à l’Europe mis en service dans le cadre de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, proposée en 2013 par la Chine pour favoriser l’interconnexion entre les différents pays d’Eurasie.
Depuis le 19 mars 2011, un train régulier relie Chongqing à l’Europe, et depuis, ce sont seize autres villes chinoises, dont Chengdu, Zhengzhou, Wuhan, Suzhou, Yiwu, Xi’an qui ont successivement inauguré des services de trains à conteneurs vers les villes d’Asie centrale et d’Europe. Les statistiques révèlent qu’en 2016, un total de 1 702 trains ont circulé le long de ces voies, dont 572 de l’Europe vers la Chine.
Le train Chine-Europe qui part de Xi’an est baptisé le Chang’an, du nom de l’ancienne capitale et point de départ de la Route de la Soie antique. Il est en service depuis le 28 novembre 2013 et relie Almaty au Kazakhstan en desservant Baoji, Urumqi et Alashankou. Bien qu’il soit l’un des derniers arrivés sur ce marché, le Chang’an a connu un grand succès. Aujourd’hui, le service de fret au départ de Xi’an est assuré par deux convois réguliers à destination du Kazakhstan, vers Almaty et Zhem, plus quatre autres à destination de l’Europe, vers Rotterdam, Varsovie, Hambourg et Moscou. Les marchandises transportées couvrent six catégories qui sont les matières premières, les équipements mécaniques, les pièces détachées industrielles, les matériaux de construction, les denrées alimentaires et les produits d’industrie légère, le tout se déclinant en 206 variétés. Le succès de cette formule a produit un afflux de marchandises nouvelles, grâce auquel la fréquence du service a atteint son rythme de croisière, passant d’un convoi par mois au début à 2 ou 3 convois par semaine.
Le 26 mars 2016, les 2 300 tonnes d’huile de colza et de tournesol commandées par l’entreprise Aiju Group sont arrivées sans encombre de Dostyk, au Kazakhstan, à Xi’an dans la zone aéroportuaire internationale. C’était la première fois que le train spécial Chang’an effectuait un transport retour à pleine charge.
Selon He Cheng, directeur du Bureau de représentation à Xi’an de la Fondation pour l’intégration internationale du Kazakhstan, le déséquilibre de la demande faisait que le Chang’an transportait principalement des marchandises chinoises vers les pays de la Ceinture économique de la Route de la Soie, et revenait généralement à vide. Pourtant, le blé, l’huile alimentaire, le coton, le miel, les minerais et d’autres produits d’Asie centrale présentent de grands avantages en termes de prix et de qualité, et donc un grand intérêt pour le marché chinois.
« Les terres noires fertiles du Kazakhstan atteignent une épaisseur de 2,1 m, et la production agricole y est d’excellente qualité », affirme Liu Dongmeng, directrice générale adjointe d’Aiju Group. Son entreprise a prévu de créer en 2017, avec la participation des autorités de l’oblys du Nord-Kazakhstan (oblys est une unité administrative équivalant à la province), une coopérative agricole qui exploitera 100 000 ha de froment et de colza. L’idée est de répliquer le modèle de fonctionnement éprouvé qui consiste à exploiter des plantations céréalières et huilières à l’étranger avec traitement primaire sur place, suivi d’un raffinage et d’une vente en Chine des produits finis. « La première tranche de la zone de traitement des produits agricoles que nous installons au Kazakhstan est déjà construite et mise en service. L’oblys du Nord-Kazakhstan est très enthousiaste pour ce projet de coopération agricole », ajoute-t-elle.
Lu Shanbing, vice-président permanent de l’Institut d’étude de la Route de la Soie de l’université du Nord-Ouest, souligne : « Comme Xi’an se situe au point de départ des Nouvelles Routes de la Soie, elle réunit de nombreuses conditions pour devenir la plaque tournante de la logistique de la Chine, sur le modèle de Memphis aux États-Unis. »
« Le volume du commerce bilatéral entre la Chine et le Kazakhstan a atteint 25 milliards de dollars », affirme Saken Moukhamedev, chef du Bureau de représentation en Chine de Kaznex Invest, l’agence nationale de promotion des investissements et des exportations du Kazakhstan. Et d’ajouter : « Les trains réguliers Chine-Europe contribuent à la prospérité économique des pays situés le long de ces routes mais aussi à la coopération économique régionale. Leur rôle sera d’accélérer l’enrichissement mutuel des différentes civilisations, et c’est donc une cause immense qui profitera au monde entier. »
« En tant que point d’attache du pont eurasiatique, le Shaanxi permet à la Chine de développer encore son commerce extérieur et de favoriser le développement de ses villes par la combinaison du transport terrestre et aéroporté », estime Masimov Kazimham, vice-président de l’Académie internationale de l’information dépendant de l’ONU au Kazakhstan.
Afin d’encourager cette combinaison, les ports terrestres et l’aéroport de Xi’an font pleinement valoir leurs avantages pour le développement concerté et la collaboration gagnant-gagnant, et pour une connexion aussi totale que possible entre les marchés intérieurs de la Chine et ceux qui se développent au cœur du continent eurasien, afin de construire, main dans la main, une économie ouverte