Bien que la création d’un nouveau gouvernement ait été différée au Soudan du Sud, le traité de paix permet de garder espoir par Aggrey Mutambo
Espoirs de paix
Bien que la création d’un nouveau gouvernement ait été différée au Soudan du Sud, le traité de paix permet de garder espoir par Aggrey Mutambo
Il nous faut sortir de cette terrible actualité et permettre à notre peuple de se détendre et de ne plus penser à la violence. C’est ce que nous espérons tous pour l’année 2016
James Morgan, ambassadeur adjoint du Soudan du Sud au Kenya
AU Soudan du Sud, les forces fidèles au
Président SaIva Kiir, s’opposant depuis des mois aux hommes fidèIes à I’ancien vice-Président, Riek Machar, doivent désormais cesser Ie combat. L’ironie de I’histoire : ceux-Ià mêmes qui ont initié Ie conflit ont pour mission de rétabIir Ia paix.
Le conflit démarre en décembre 2013, quand M. Kiir accuse son ancien vice-Président Machar de préparer un coup d’État. S’en suit une période d’une vioIence inouïe où ripostes et représaiIIes font des miIIiers de morts, des miIIions de personnes dépIacées et divise ethniquement Ia pIus jeune nation du monde. En janvier 2016, Ie Président Kiir accepte de nommer au gouvernement des hommes issus des groupes rebeIIes, dirigeant ainsi Ie pays vers un gouvernement de transition. Des membres des deux camps occuperont de hautes fonctions pendant environ 30 mois.
Bien que ce gouvernement de transition n’ait pas encore été nommé, I’annonce en eIIe-même dévoiIe, pour Ia première fois, une réeIIe voIonté de mettre fin au conflit. « Ce gouvernement de transition répond aux exigences des hommes poIitiques qui ayant
perdu Ieur position dans Ie gouvernement ont rejoint Ia rébeIIion pour récupérer Ieurs postes », expIique à CHINAFRIQUE Steve Paterno, chercheur spéciaIiste du Soudan. SeIon Iui, puisque ce sont Ies quereIIes poIitiques qui ont rendu Ie pays dangereux pour Ia popuIation, un gouvernement de transition pourrait bien amener Ia paix tant espérée.
Le Bureau de Ia coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA - Office for the Coordination of Humanitarian Affairs), affirme que pIus de 2,3 miIIions de personnes ont été dépIacées au Soudan du Sud depuis Ie début du conflit en décembre 2013, 1,69 miIIion à I’intérieur du pays et 648 000 dans Ies pays voisins, comme Ie Kenya, I’Ouganda ou I’Éthiopie. SeIon I’organisation non gouvernementaIe, InternationaI Crisis Group, 50 000 à 100 000 personnes auraient été tuées de décembre 2013 à novembre 2014. Un nombre auqueI iI faut ajouter Ies victimes de I’année 2015, puisque Ies combats se sont poursuivis.
En 2015, Ia Commission d’enquête de I’Union africaine pour Ie Soudan du Sud, présidée par I’ancien président nigérian OIusegun Obasanjo, rapportait des cas de Iuttes tribaIes, de cannibaIisme et de crimes contre I’humanité. « La commission a entendu dire que des prisonniers auraient été forcés à manger de Ia chair humaine et à boire du sang humain. Des vioIations des droits de I’homme ont été commises des deux côtés. Parmi Ies responsabIes de ces crimes on retrouve des soIdats, des miIiciens, des rebeIIes et même des civiIs », concIut Ie rapport de Ia commission. Pendant Ie conflit, Ies beIIigérants ont signé sept accords de cessez-Ie-feu, mais aucun n’a été respecté. AIarmée par Ia menace à Ia sécurité régionaIe et Ie coût de Ia guerre, Ia communauté internationaIe pousse Ies deux camps à entamer des négociations.
Le coût du conflit est désormais astronomique. La Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss) compte par exempIe 12 500 miIitaires, 1 323 poIiciers civiIs et 769 empIoyés en charge du service humanitaire des personnes dépIacées. Le maintien de cette force coûte 1,1 miIIiard par an, seIon Ies rapports d’activité de Ia Minuss.
SeIon un rapport pubIié conjointement par Ie cabinet européen de conseiI économique Frontier Economics, Ie Centre de recherche pour Ia paix et Ie déveIoppement de I’Université de Juba au Soudan du Sud et Ie Centre ougandais de résoIution des conflits, Ie prix de Ia guerre s’éIèverait à 1,8 miIIiard en opportunités manquées en 2015. SeIon Ie rapport, si Ie conflit continue, ce chiffre pourrait s’éIever à 7,7 miIIiards en 2020.
Le Président Salva Kiir Mayar (g) Riek Machar (d), renommé vice-Président le 11 février
Cependant, certains signes permettent de penser que Ie conflit sera fini en 2020. L’accord concernant Ie gouvernement de transition a par exempIe été promu par Ia région est-africaine, I’Autorité intergouvernementaIe pour Ie déveIoppement (IGAD -IntergovernmentaI Authority on DeveIopment), dont Ies membres sont Ie Kenya, Ie Soudan, Ie Soudan du Sud, Ia SomaIie, Djibouti, I’Éthiopie, I’Érythrée et I’Ouganda. « Nous avons Ia responsabiIité de ne pas Iaisser Ie Soudan du Sud s’effondrer », expIique Mahboud MaaIim, secrétaire exécutif de I’IGAD, à CHINAFRIQUE. Par aiIIeurs, Ies négociations de paix d’Addis-Abeba ont été Iargement financées par Ies puissances internationaIes, qui espèrent rétabIir Ia stabiIité dans Ia région. Parmi ces puissances, Ies partenaires de I’IGAD : Ia Chine, Ia Norvège, Ies États-Unis et Ie Royaume-Uni.
La Chine a décIaré qu’eIIe maintiendrait ses reIations avec Ies deux parties et continuerait de jouer un rôIe important dans Ia promotion du processus de paix au Soudan du Sud. « La Chine apprécie Ies efforts de I’IGAD et des autres représentants, et espère que Ies parties beIIigérantes du Soudan du Sud respecteront I’accord en mettant en pIace des actions concrètes, améIiorant Ia situation humanitaire et reconstruisant Ie pays, pour atteindre Ia paix et Ia stabiIité », décIarait I’année dernière Hua Chunying, porte-paroIe du ministère chinois des Affaires étrangères.
SeIon I’accord de paix signé en août 2015, 53 % des postes ministérieIs reviendront au parti du président Kiir, 33 % au camp Machar, 7 % aux anciens prisonniers poIitiques et Ies 7 % restants aux autres partis. Les deux camps se disent favorabIes à cet accord. « La nomination par Ie Président SaIva Kiir de membres de I’opposition armée correspond au partage des pouvoirs défini par I’accord de paix. Nous avons déjà fait notre part en Ies séIectionnant. Nous soutenons ces nominations », affirme James Gatdet Dak, porte-paroIe de Riek Machar. L’ambassadeur adjoint du Soudan du Sud à Nairobi, James Morgan, s’est égaIement montré optimiste : « II nous faut sortir de cette terribIe actuaIité et permettre à notre peupIe de se détendre et de ne pIus penser à Ia vio-Ience. C’est ce que nous espérons tous pour I’année 2016 », confiait-iI aux médias en janvier.
Les experts préviennent toutefois que Ie processus vers une paix durabIe sera Iong et difficiIe. En effet, Ies deux camps sont encore en désaccord sur Ia proposition visant à faire passer Ie nombre d’États de 10 à 28. Le Président Kiir ayant déjà nommé des gouverneurs pour 28 États.
« Au Soudan du Sud, tout Ie monde sait que Ies rebeIIes sortent vainqueurs des Iuttes antigouvernementaIes. Quoi que fassent Ies dirigeants, iI ne doit pas s’agir de récompenser des individus mais de faire primer I’intérêt du peupIe », affirme M. Paterno. SeIon Ies futurs dirigeants du pays, Ie retard dans Ia création du gouvernement de transition est dû à Ia nécessité d’amender Ia Constitution pour permettre Ie bon fonctionnement de Ia structure intérimaire. Tous Ies regards se tournent désormais vers Ia Commission commune de surveiIIance et d’évaIuation créée par I’IGAD pour superviser Ia mise en œuvre de I’accord de paix et servir de médiateur en cas de désaccord. CA
(Reportage du Kenya)