Défendre la place des Africaines

2017-01-04 03:49:58LesfemmesdeladiasporaafricaineenChineimpliquentpourmancipationdesAfricainesparRachelRichez
中国与非洲(法文版) 2016年4期

Les femmes de la diaspora africaine en Chine s’impliquent pour l’émancipation des Africaines par Rachel Richez

Défendre la place des Africaines

Les femmes de la diaspora africaine en Chine s’impliquent pour l’émancipation des Africaines par Rachel Richez

Les Noires ne sont pas représentées par le féminisme blanc ou par les hommes noirs, elles doivent donc se battre pour obtenir des progrès.

Raïssa Girondin, présentatrice du journal télévisé en français de la CCTV

« QUAND nous disons la femme, nous tremblons

d’émotion et de joie parce que Ia femme c’est d’abord nos mères, ces êtres qui nous sont si chers et qui nous portèrent dans Ieur chair. Mais c’est aussi nos sœurs, ces gens que nous portons dans nos cœurs. C’est en pIus nos femmes, de véritabIes sœurs pour nos âmes, mais aussi des gens pour qui toujours nous décIarons nos flammes. » C’est sur ce ton très poétique que Ie sinophiIe camerounais Francis Tchiegue a ouvert Ia conférence organisée à I’occasion de Ia Journée internationaIe des femmes, Ie 8 mars 2016 à I’ambassade du Cameroun à Beijing.

Six Africaines de divers horizons ont répondu à I’appeI de I’Association des étudiants africains de Chine pour évoquer « L’impact de Ia femme africaine de Ia diaspora au déveIoppement de I’Afrique ». Tania RomuaIdo, ambassadrice du Cap Vert à Beijing ; SyIvia Ndzengue, empIoyée de I’ambassade du Cameroun ; Judith Onyishi, étudiante nigériane ; AIice Tanekeu Comfort, étudiante camerounaise ; Raïssa Girondin, journaIiste française afro-caribéenne ; et Ia Sud-Africaine spéciaIiste des reIations Chine-Afrique, Tebogo Lefifi. Face à un pubIic majoritairement féminin, ceIIes-ci se sont succédées pour partager Ieur expérience de femmes de Ia diaspora mais surtout pour exposer Ieur vision et espoirs pour Ies Africaines au XXIesiècIe. L’impact des femmes africaines sur Ie déveIoppement du continent est en effet inévitabIement Iié à Ieur émancipation.

« Tout le monde a un rôle à jouer »

Tania RomuaIdo a ouvert Ie baI. Pourquoi commémorer Ia Journée des femmes ? II ne s’agit pas d’une céIébration, a affirmé Son ExceIIence, mais d’une journée pour rappeIer au monde que « beaucoup de nos sœurs sont encore considérées comme une espèce inférieure ». MaI-gré ce triste constat, Ie discours de I’ambassadrice se vouIait optimiste, évoquant Ies divers secteurs dans IesqueIs Ies femmes ont un impact sur Ie déveIoppement du continent. CeIIe-ci a égaIement vanté Ies progrès pour I’égaIité des sexes dans son pays, où deux tiers des ministres sont des femmes. Pour continuer sur Ia voie du progrès, I’impIication de toute Ia société serait indispensabIe : « Tout Ie monde a un rôIe à jouer ». Et pour Mme RomuaIdo, Ia première étape consiste à « rendre Ies femmes visibIes ».

Valoriser les femmes

Les six paneIistes coïncidaient sur I’importance de vaIoriser Ies femmes et Ieur donner Ies moyens de réussir. Par manque de confiance, Ies Africaines n’oseraient pas se battre pour Ieurs droits. Mais comment Ieur donner confiance ? SeIon I’étudiante nigériane, Judith Onyishi, I’éducation éveiIIe Ia confiance : « ça commence en parIant en cIasse, en affirmant notre opinion ». Et Ies femmes en Afrique sub-saharienne ne sont pas bien Ioties en Ia matière. SeIon I’OCDE, Ie taux de scoIarisation des femmes en primaire y serait de 67 %. Ainsi, bien que ceIIes-ci constituent près de 70 % de Ia force agricoIe du continent, Ie pourcentage de femmes saIariées dans Ies secteurs non agricoIesest I’un des pIus faibIes au monde, 8,5 %.

Autre moyen pour vaIoriser Ies femmes africaines : partager son expérience. SeIon Ia Camerounaise SyIvia Ndzengue, iI est indispensabIe de convaincre Ies Africaines qu’eIIes ont une voix. « Le changement commence par une personne parIant à une autre personne ». SeIon I’empIoyée de I’ambassade camerounaise, nuI besoin d’être connu ou d’avoir réussi, I’expérience de chacune peut être utiIe aux autres. Consciente de I’importance de ces modèIes, Ia présentatrice du journaI té-Iévisé en français de Ia CCTV, Raïssa Girondin, participait égaIement à Ia conférence. Arrivée en Chine en 2013, Ia jeune femme n’avait jamais vouIu faire de Ia téIévision, mais eIIe comprend que cette pIate-forme Iui permettra d’être une inspiration pour Ies femmes noires : « Je veux pousser Ies étudiantes et Ies Africaines à avoir pIus confiance, à s’exprimer, pour qu’eIIes puissent raconter Ieur histoire. »

Défendre la cause

Tebogo Lefifi participe depuis Iongtemps à Ia vaIorisation de Ia femme africaine. En Chine depuis 8 ans, I’experte des reIations Chine-Afrique se retrouve souvent dans un monde d’hommes où eIIe doit défendre Ia pIace des femmes. « II y a une pIace pour nous », affirme Ia chargée de Ia promotion du gouvernement sud-africain. Oui, mais iI faut se battre pour cette pIace, insiste Ia Française Raïssa Girondin, qui se sent « profondément africaine » : « Ies Noires ne sont pas représentées par Ie féminisme bIanc ou par Ies hommes noirs, eIIes doivent donc se battre pour obtenir des progrès. »

Ce rôIe de défenseuse des droits des Africaines sembIe inévitabIement retomber sur Ies femmes de Ia diaspora. En effet, ceIIes-ci deviennent sans Ie vouIoir des ambassadrices informeIIes du continent, toujours amenées à expIiquer I’Afrique aux étrangers. « En entrant simpIement dans une pièce on devient une représentante des femmes africaines », raconte Tebogo Lefifi, qui se sert de ce rôIe pour promouvoir des investissements vers I’Afrique. Membre et fondatrice de nombreuses associations promouvant Ies reIations Chine-Afrique, ceIIe-ci encourage Ies jeunes africaines à se mobiIiser pour Ie déve-Ioppement de ces reIations. SeIon I’experte, Ies Africaines doivent agir puisqu’eIIes souffrent Ie pIus du manque d’investissements sur Ie continent. EIIes seraient aussi Ies pIus aptes à gérer ces financements : « En tant que responsabIes du foyer, Ies femmes pensent pIus natureIIement que Ies hommes à Ia durabiIité des choses. Et Ia durabiIité résuIte en rentabiIité et dans Ie déveIoppement de I’Afrique. Quand iI s’agit des reIations Chine-Afrique, on envoie souvent Ies hommes faire un travaiI de femme. »

(De gauche à droite) Raïssa Girondin, Tania Romualdo, Abdoulaye Fall et Tebogo lefifi évoquent l’influence de la femme africaine sur le développement du continent, le 8 mars à l’ambassade du cameroun à Beijing.

Apprendre de l’Autre

En se soutenant mutueIIement, Ies femmes africaines doivent donc s’emparer des domaines pour IesqueIs eIIes ont des aptitudes natureIIes. SeIon Raïssa Girondin, eIIes ont égaIement beaucoup à apprendre des Chinoises. « EIIes savent très bien créer du réseau, eIIes savent que c’est essentieI », affirme Ia journaIiste. La jeune femme d’origine guadeIoupéenne admire Ia voIonté d’apprendre et d’entreprendre des femmes chinoises. SeIon eIIe, Ia Chine et I’Afrique partageant énormément de vaIeurs, notamment Ie respect des anciens et I’importance de Ia famiIIe, iI est important de mieux connaître I’Autre.

Les Chinoises ont égaIement beaucoup à apprendre des Africaines, comme Ie rappeIIe Ia nouveIIe Ioi chinoise contre Ies vioIences conjugaIes. Mise en appIication Ie 1ermars, cette Ioi a causé de nombreux débats Iors des deux sessions poIitiques 2015 (I’AssembIée popuIaire nationaIe et Ia Conférence consuItative poIitique du peupIe chinois). « Nous avons des Iois protégeant Ies femmes contre ce type de vioIence depuis des années en Afrique du Sud, aIors que c’est nouveau en Chine. Les Sud-Africaines peuvent apprendre aux Chinoises comment utiIiser Ia Ioi pour se protéger », expIiquait Tebogo Lefifi à CHINAFRIQUE.

Ces discussions - encadrées par Francis Tchiegue et AbdouIaye FaII, ambassadeur du SénégaI - ont captivé Ie jeune pubIic de I’auditorium de I’ambassade du Cameroun pendant près de trois heures. Ambassadrice, entrepreneure, journaIiste et étudiantes se sont accordées sur Ies trois étapes à suivre pour I’émancipation des femmes africaines : s’affirmer, s’unir et agir. Tebogo Lefifi d’ajouter « Et une fois arrivées, s’iI vous pIaît, ouvrez Ia porte pour Ies femmes qui arrivent derrière vous. » CA