Vue panoramique sur la ville millénaire de Zhenjiang

2016-11-23 07:08WANGWENJIEmembredeladaction
今日中国·法文版 2016年11期

WANG WENJIE, membre de la rédaction

Vue panoramique sur la ville millénaire de Zhenjiang

WANG WENJIE, membre de la rédaction

Le matin à Xijindu.

On revient rarement à une destination touristique lorsqu’il reste toujours des sites qui nous sont inconnus. Comptant parmi les quelques endroits qui attirent les visiteurs à multiples reprises, Zhenjiang bénéficie d’un charme particulier. J’y suis revenue plusieurs années après ma première visite pour passer des vacances courtes mais paisibles. Tout y est resté comme dans mes souvenirs : les divers édifices construits en rangs serrés à Xijindu, le temple Jinshan, les nouilles locales…

Histoire

Zhenjiang, situé dans le sud de la province du Jiangsu, est bordé à l’est par Shanghai, à l’ouest par Nanjing et au nord par Yangzhou. Les deux gares de TGV ont facilité les connections de Zhengjiang avec de nombreuses autres villes du pays. Par rapport aux autres villes du delta du Yangtsé qui sont animées et dynamiques, Zhenjiang est beaucoup plus calme. Le fort aspect culturel de cette vieille ville est dû à la rencontre du Yangtsé et du Grand Canal. Zhenjiang a une histoire remarquable grâce à ses nombreux sites historiques et ses légendes : la légende du Serpent blanc au temple Jinshan, ou encore l’histoire du mariage de Liu Bei ayant lieu au temple Ganlu. Bon nombre de lettrés tels que Li Bai, Meng Haoran, Wang Anshi, Su Shi,Mi Fu, Lu You, Marco Polo, y ont laissé des poèmes transmis de génération en génération.

L’histoire de Zhenjiang remonte à la dynastie des Zhou de l’Ouest (1046-771 av. J.-C.) il y a 3 000 ans. À l’Époque des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.), elle était la ville principale du royaume de Wu ; à l’époque des Trois royaumes (220-280), Sun Quan, souverain du royaume de Wu, fit bâtir une forteresse au mont Beigu, et la ville prit alors le nom de Jingkou ; sous les dynasties des Sui et des Tang (581-907), l’ouverture du Grand Canal de Beijing à Hangzhou transforma Zhenjiang en une ville fluviale et commerciale prospère ; vers la fin de la dynastie des Qing (1644-1911), avec l’émergence du chemin de fer, l’embarcadère de Zhenjiang fut désaffecté, mais les vieilles rues de Xijindu furent complètement conservées ; la seconde Guerre de l’Opium ouvrit la porte de la ville.

Zhenjiang a vu grandir de grands personnages : trois empereurs des Dynasties du Sud (420-589), Liu Yu, empereur Wudi des Song, Xiao Daocheng, empereur Gaodi des Qi et Xiao Yan, empereur Wudi des Liang, y sont nés. De plus, on compte aussi Liu Yiqing (auteur des Anecdotes contemporaines et nouveaux propos), Xu Ling (rédacteur de l’Anthologie de chefsd'œuvre chinois), Xiao Tong (rédacteur des Œuvres choisies par Zhaoming), Liu Xie (auteur de L'Esprit littéraire et La Gravure des dragons), Shen Kuo (auteur des Propos notés au Pavillon du ruisseau des rêves), Mi Fu (peintre de la dynastie des Song du Nord), Liu E (auteur des Voyages de Lao Can) et Mao Yisheng (expert en construction de pont).

Pearl S. Buck, écrivaine américaine qui a gagné le Prix Pulitzer en 1932 et le Prix Nobel de littérature en 1938, a grandi à Zhenjiang. Elle a en effet vécu en Chine pendant presque 40 ans, dont dix-huit à Zhenjiang. Elle considérait le chinois comme sa première langue et Zhenjiang comme sa ville d’origine. Son ancienne résidence à deux étages d’une superficie de 400 m2, en bois et en brique, se situe au 6, rue Runzhoushan.

Xijindu (ancien embarcadère Xijin)

Xijindu est situé au pied du mont Yuntai à l’ouest de Zhenjiang. Il doit son envergure d’aujourd’hui à une accumulation de deux millénaires d’histoire, de la dynastie des Tang (618-907) à la dynastie des Qing. Les rues en pierre datant des dynasties des Tang et des Song (960-1279), les pagodes de la dynastie des Yuan (1271-1368), le kiosque Daidu de l’époque des Six Dynasties (222-589) et les deux pavillons construits à la fin de la dynastie des Qing, constituent un véritable musée en plein air. La scène de spectacle, très animée dans l’antiquité, n’existe plus. Il ne reste que des sites historiques qui racontent les vicissitudes de la ville et qui plongent les visiteurs dans mille et un rêves.

Xijindu fut appelé Suanshandu à l’époque des Trois royaumes prenant l’ancien nom du mont Yuntai, Suanshan ; il fut rebaptisé Jinlingdu sous la dynastie des Tang, puis Xijindu depuis la dynastie des Song. À l’est de cet ancien embarcadère, il y a 53 marches, au milieu desquelles se trouve une pente en pierre, qui facilite le drainage de l’eau les jours de pluie et le transport de marchandises. Depuis des millénaires, d’innombrables brouettes y ont laissé des traces profondes. Les cinq caractères signifiant « une vue panoramique sur une ville millénaire » gravés sur les briques d’un mur passent souvent inaperçus s’il n’y a pas de touristes en train de les photographier. Sous ces inscriptions, une vitrine abrite des vestiges datant de la dynastie des Tang à celle des Qing.

La pagode en pierre Zhaoguan se dresse au bout des marches. C’est l’ancienne pagode en pierre la mieux conservée de Chine. Construite vers la fin de la dynastie des Yuan et au début de celle des Ming (1368-1644), la pagode, d’une hauteur de 4,69 m, est composée de cinq parties : le socle, le corps, le cou, les 13 couches du ciel et l’épi, chaque partie est construite avec des pierres. Selon le bouddhisme, la pagode symbolise le Bouddha. Chaque passage devant la pagode est une vénération du Bouddha qui accorde sa bénédiction. Au nord de cette pagode se situe l’ancien emplacement de l’Association de secours de Zhenjiang, agence charitable fondée pour le secours de personnes tombées à l’eau dans le Yangtsé. Le renforcement de la gestion sécuritaire était particulièrement important à Zhenjiang en raison de sa position majeure dans le transport et les affaires militaires. Sous la dynastie des Song, les gouverneurs considérèrent la ville comme le noyau du transport fluvial. Cai Guang, gouverneur de la préfecture de Zhenjiang à cette époque, fonda l’Association de secours à Xijindu.

Le temple Jinshan.

Un peu plus loin, c’est l’ancien emplacement du consulat du Royaume-Uni, couvrant une superficie de plus de 11 000 m², qui fait désormais partie du musée de Zhenjiang. Selon le Traité de Tianjin signé en 1858 entre la Chine et le Royaume-Uni, Zhenjiang fut désigné comme port de commerce entre lesdeux pays. Quelques années plus tard, le Royaume-Uni commença à construire son consulat au mont Yuntai, le quartier de Xijindu fut réduit à sa concession. Début 1888, un agent de police étranger de Zhenjiang battit un Chinois à mort, suite à quoi les habitants locaux brûlèrent le consulat et le commissariat de police. L’année suivante, le gouvernement des Qing paya une indemnité et fit reconstruire le consulat.

Trois monts à Jingkou

Les principaux sites touristiques de la petite ville de Zhenjiang aux côtés de Xijindu sont les monts Jinshan, Jiaoshan et Beigu. Les trois monts sont des sites très connus depuis l’antiquité. Parmi les lettrés célèbres qui écrivirent des poèmes à ce sujet, on compte Xin Qiji (« Où peut-on admirer des paysages dans le Centre de la Chine ? Au pavillon Beigu, on découvre une scène captivante et pleine de charme »), Zhen Banqiao (« Les quinze familles du mont Jiaoshan plantent des bambous et entourent leurs maisons de grillage ») et Zhang Hu (« Une nuit passée au temple Jinshan pour s’éloigner de la vie laïque »).

Le mont Jinshan était originellement une île au milieu du Yangtsé. L’évolution du cours d’eau le relia avec la rive sud sous le règne de l’empereur Daoguang (1821-1850) des Qing. Avec une hauteur de 44 m et une circonférence de 520 m, il est généralement connu sous le nom de temple Jinshan, mais est aussi appelé temple Jiangtianchan. Construit sous le règne de l’empereur Mingdi (301-325) des Jin de l’Est, ce temple a une histoire vieille de 1 600 ans. Il fut construit sur la pente du mont, avec les différentes pièces, les pavillons et les kiosques reliés l’un à l’autre, formant ainsi un ensemble d’édifices harmonieux avec le mont. Le mont Jinshan est aussi connu pour son histoire légendaire : Lu Yu, grand expert en thé, goûta et évalua la qualité de l’eau de la fontaine Nanling à l’extérieur du temple Jinshan ; dans le roman Le Pèlerinage vers l'Ouest, une femme donna naissance à Xuanzang après l’assassinat de son mari, et mit le bébé dans le Yangtsé pour le protéger, il fut plus tard sauvé par un moine du temple Jinshan ; l’empereur Qianlong (1711-1799) des Qing venait au temple Jinshan à maintes reprises pour chercher son père de sang ; le poète Su Dongpo (1037-1101) laissa sa ceinture en jade offerte par l’empereur au temple Jinshan parce qu’il ne put répondre à la question posée par un moine ; dans la légende du Serpent blanc, la femme Serpent blanc provoque un raz de marée pour submerger le mont Jinshan lors d’une bataille de magie avec le moine Fahai.

Il faut prendre une navette pour aller au mont Jiaoshan, unique île touristique au milieu du Yangtsé. Avec une hauteur de 70 m et une circonférence de 2 000 m, ce mont est connu pour avoir hébergé un ermite appelé Jiao Guang. Vers la fin de la dynastie des Han de l’Est (25-220), Jiao Guang, âgé et vertueux, refusa trois fois la nomination par l’empereur et se retira dans cette montagne, sans vouloir faire cause commune avec les fonctionnaires corrompus. Le mont fut rebaptisé Jiao en sa mémoire. Ce mont est également connu pour la calligraphie, grâce à des inscriptions découvertes sur des falaises et des stèles. La forêt de stèles de ce mont est la plus grande du sud du Yangtsé, faisant écho à celle de Xi’an au Nord.

Le mont Beigu, situé entre le mont Jinshan et le mont Jiaoshan, a une altitude de 50 m. La plupart des sites touristiques sont liés avec des récits énoncés dans Les Trois Royaumes, dont celui mettant en scène le temple Ganlu où Liu Bei fit la connaissance de Sun Shangxiang est le plus connu. Le kiosque Beigu derrière le temple est le meilleur point de vue pour admirer le paysage : le mont Jinshan à l’ouest, le mont Jiaoshan à l’est et le Yangtsé devant nos yeux.

Trois plats atypiques

Chaque ville réputée a sa propre gastronomie. Zhenjiang n’échappe pas à la règle. Selon une chanson largement diffusée, « le vinaigre parfumé ne pourrit jamais, la viande nitrifiée n’est pas un plat, une couverture est cuite dans la marmite. » Cependant, il s’agit plutôt de trois spécialités locales qui ont chacune à leur effigie une légende.

Lors de ma première visite à Zhenjiang il y a 5 ans, j’ai pris des « nouilles cuites avec la couverture » à presque chaque repas ! Le goût est ancré dans ma mémoire. Ce nom n’est pas leur nom original. Dans l’antiquité, lors d’une inspection au sud du Yangtsé, l’empereur Qianlong prit un repas dans le restaurant de Madame Zhang à Zhenjiang. Celle-ci, trop nerveuse, mit une petite couverture dans un pot de soupe. Les nouilles ainsi cuites furent étonnamment délicieuses. L’empereur Qianlong, très satisfait, lui demanda le nom des nouilles. Madame Zhang, ayant peur de dire la vérité, les baptisa « nouille cuites avec la couverture ».

Le vinaigre parfumé est aussi l’une des spécialités de Zhenjiang. On dit qu’il fut inventé par Heita, fils de Du Kang. Après avoir initié la méthode de fabrication de l’alcool, Du Kang déménagea à Zhenjiang avec sa famille pour ouvrir un petit bistrot. Un jour, Heita versa quelques seaux d’eau dans la cuve remplie de levure destinée à l’élevage de chevaux. Puis, il commença à boire de l’alcool jusqu’à ce qu’il fut complètement ivre. Dans son rêve, un homme âgé lui dit que l’eau de la cuve se transformerait en nectar. À son réveil, Heita, moitié-convaincu, goûta l’eau de la cuve. L’eau, aigre et sucrée, le rafraîchit. Après en avoir pris connaissance, son père Du Kang fabriqua du vinaigre selon l’indication de l’homme âgé. Plus tard, les habitants de Zhenjiang découvrirent que le vinaigre ne pourrit pas au fil du temps, mais devenait de plus en plus parfumé. Par rapport au vinaigre du Shanxi, celui fabriqué à Zhenjiang est plus sucré.

Enfin, la viande nitrifiée est aussi appelée « jarret transparent ». Elle n’est pas grasse mais délicieuse, et donne un goût particulier avec du vinaigre au gingembre. Dans l’antiquité, dans un petit restaurant ouvert par un couple, le mari confondit le sel et le nitre pour les feux d’artifice que sa femme avait acheté lorsqu’il prépara des jarrets, mais il ne voulut pas les jeter après avoir découvert sa méprise. Le lendemain, le parfum des jarrets attira un immortel qui passa devant son restaurant. Le mari dit qu’il n’y avait pas de plat mais seulement du thé dans son restaurant. Mais l’immortel insista en demandant à boire du thé avec des jarrets sans les considérer comme un plat. Le mari, de peur que cet homme tombe malade après avoir pris des jarrets nitrifiés, servit du vinaigre au gingembre. Après avoir mangé des jarrets avec du vinaigre, l’immortel fut comblé. La viande nitrifiée fut ainsi inventée. Plus tard, les habitants locaux la rebaptisèrent « la viande délicieuse ».