Chine-Uruguay :le rapprochement—Interview du président de l'Uruguay, M. Tabaré Vázquez

2016-11-23 07:08MICHAELRATEmembredeladaction
今日中国·法文版 2016年11期

MICHAEL ZÁRATE, membre de la rédaction

Chine-Uruguay :le rapprochement—Interview du président de l'Uruguay, M. Tabaré Vázquez

MICHAEL ZÁRATE, membre de la rédaction

Le président Tabaré Vázquez a participé récemment au Sommet de l'entrepreneuriat Chine-Amérique latine & Caraïbes à Tangshan. À cette occasion, il a affirmé que l'Uruguay espère signer un accord de libre-échange avec la Chine et prendre part à l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie.

Le vice-président chinois Li Yuanchao (4eà dr.) et le président uruguayen Tabaré Vázquez (5eà dr.) devant une maquette du Parc industriel Chine-Amérique latine & Caraïbes, à l'occasion de la 10eédition du Sommet à Tangshan.

Le 12 octobre dernier, le président de l’Uruguay, M. Tabaré Vázquez, à la tête d’une délégation composée d’un certain nombre de ministres et d’une trentaine d’entrepreneurs, a entamé une visite en Chine.

Deux objectifs sous-tendaient ce voyage présidentiel : d’une part, la participation du chef d’État au Sommet de l’entrepreneuriat Chine-Amérique latine & Caraïbes se déroulant à Tangshan (province du Hebei) ; d’autre part, le soutien à la signature d’un accord de libre-échange entre la Chine et le Marché commun du Sud (Mercosur). Avant son départ, le président Vázquez a gracieusement accepté d’accorder une interview à notre journaliste de La Chine au présent.

Élargissement et approfondissement des relations bilatérales

La Chine au présent : Parmi les hommes politiques qui vous ont précédé à la fonction présidentielle depuis 1985, année du retour à un système démocratique en Uruguay, tous ont effectué une visite en Chine, généralement vers la fin de leur mandat. À l’inverse, vous avez choisi de venir en Chine deux ans seulement après votre prise de fonction. Quel regard portez-vous sur cette visite ?

Tabaré Vázquez : Ce n’est pas un hasard si mes prédécesseurs depuis 1985 ont tous entrepris une visite officielle en Chine. Cette tendance reflète une réalité globale nouvelle dans laquelle l’Uruguay établit, consolide et développe ses relations avec la Chine, avec confiance et détermination.

D’un point de vue géographique, l’Uruguay et la Chine sont deux pays très éloignés l’un de l’autre. Il faut donc une préparation minutieuse et, bien entendu, du temps pour que nos échanges se révèlent fructueux et profitables à chacun. Que cette visite ait été convenue par les deux parties à l’heure où j’accomplis la deuxième année de mon mandat marque clairement l’intention des deux pays de poursuivre l’élargissement et l’approfondissement de leurs relations bilatérales.

Notons également que la Chine est actuellement le principal partenaire commercial de l’Uruguay : première destination de nos exportations, la Chine constitue également l’une de nos princi-pales sources d’importations. J’ai foi en ce que le gouvernement uruguayen actuel continuera de respecter les accords et les stratégies sur lesquels un consensus a été trouvé avec la Chine, afin que les dispositions convenues mutuellement soient mises en œuvre autant que possible.

Signature d'une quarantaine d'accords

La Chine au présent : M. le Président, le ministre uruguayen des Affaires étrangères, M. Rodolfo Nin Novoa, a indiqué qu’au cours de cette visite, vous seriez amené à signer des accords couvrant divers domaines. Pourriez-vous préciser quels sont ces accords ?

Tabaré Vázquez : Les faits et chiffres, aussi surprenants puissent-ils paraître parfois, nous aident à faire le point sur le passé et nous projeter dans l’avenir. Ce que je tiens à dire, c’est que plus de 40 accords sont en cours de signature, puisque ce chiffre correspond au nombre d’engagements actuellement en discussion entre nos deux pays. J’espère signer les plus importants d’entre eux au cours de ma rencontre avec le président Xi Jinping.

Nous travaillons à étendre à tous les domaines nos relations avec la Chine, avec l’objectif de les faire évoluer en un « partenariat stratégique ». Dans cette optique, nous avons déjà préparé une convention relative à l’inspection sanitaire et à la quarantaine, de façon à ce que la Chine ouvre son marché aux produits agricoles uruguayens. D’autres accords visent à promouvoir l’industrie forestière et le secteur du développement social (dans lequel la Chine affiche une expérience réussie que nous souhaitons mieux comprendre) ; d’autres encore portent sur la défense, l’énergie, l’éducation et la culture.

Par ailleurs, nos relations bilatérales couvrent déjà un certain nombre de domaines, où l’enjeu réside à présent dans l’approfondissement continu de nos rapports. Cette situation se traduit notamment par la simplification des formalités d’entrée pour les immigrés chinois, la promotion des séjours touristiques en Chine et le renforcement des échanges sportifs, plus particulièrement la coopération en matière de football, car le ballon rond uruguayen fait preuve d’une riche expérience et jouit d’un incontestable rayonnement international.

Plus de capitaux chinois dans les investissements uruguayens

La Chine au présent : Vous figurez sur la liste des personnalités invitées au Sommet de Tangshan. Selon les médias uruguayens, en prenant part à cette rencontre, l’Uruguay aspire à attirer des investissements étrangers pour financer les infrastructures dans le pays. Plus spécifiquement, quels projets comptez-vous encourager ?

Le 13 octobre 2016, le président uruguayen Tabaré Vázquez a visité le Musée d'art Jintai de Beijing et offert des fleurs au héros national de l'Uruguay José Gervasio Articas.

Tabaré Vázquez : Effectivement, c’est bien dans l’idée que l’Uruguay attire davantage de capitaux chinois que je participe à ce sommet. À l’heure actuelle, les fonds chinois représentent moins de 1 % du total des investissements étrangerscaptés par l’Uruguay. Certains investisseurs chinois témoignent de l’intérêt pour les domaines prioritaires mentionnés dans notre plan d’investissement 2015-2019, notamment les énergies alternatives, les infrastructures, l’agriculture ou encore le secteur du commerce et des services. Ce plan, qui vise à assurer la croissance durable de l’économie uruguayenne et à maintenir un haut niveau de productivité, est financé par le budget public, mais aussi par le biais de participations publiques et privées, pour lesquelles il existe un cadre légal et réglementé adéquat.

Toutefois, là n’est pas le seul motif de ma présence à cette réunion. Je participe à ce sommet également parce qu’il s’agit d’un mécanisme particulièrement important qui fournit une belle occasion de favoriser le développement global de la collaboration entre la Chine et les pays de l’Amérique latine et des Caraïbes, par le biais de la promotion du commerce, de l’investissement et de la finance.

De plus, se rendre à Tangshan permet d’apprécier sur place la force économique de la ville -particulièrement remarquable si on tient compte du fait qu’elle a été entièrement dévastée dans un tremblement de terre il y a 40 ans-, mais aussi celle de la province du Hebei, et de découvrir personnellement sa riche culture et l’hospitalité de ses habitants.

Destination fiable pour les investissements

La Chine au présent : À Tangshan a été officiellement annoncée la ville hôte du prochain Sommet de l’entrepreneuriat Chine-Amérique latine & Caraïbes, à savoir Punta del Este, en Uruguay. À quoi peuvent s’attendre les entrepreneurs chinois avec ce sommet ?

Tabaré Vázquez : L’Uruguay est un pays très stable, à la fois sur les plans politique, institutionnel et social. Nous jouons selon les règles et respectons les principes fondamentaux de l’activité économique. Entre 2005 et 2015, l’économie de l’Uruguay s’est maintenue à un taux de croissance annuel moyen de 5 %. Les circonstances sont moins favorables cette année, mais nous ne sommes pas entrés en récession et escomptons un taux de croissance de 1 %.

L’Uruguay est également une destination fiable pour les investissements étrangers qui, de 2005 à 2015, représentaient 5,3 % du PIB. En Amérique latine, l’Uruguay est la deuxième destination des investissements étrangers après le Chili.

La délégation uruguayenne à Beijing le 13 octobre 2016.

À propos de ces IDE (investissements directs à l’étranger) accueillis par l’Uruguay, il convient de souligner que la part des bénéfices réinvestis s’est toujours établie à un niveau élevé. Entre 2005 et 2015, ce pourcentage était de 60 %, preuve de la confiance renouvelée des investisseurs étrangers à l’égard de l’Uruguay.

Enfin, pour l’anecdote, la ville de Punta del Este où sera organisé le sommet est un des principaux sites touristiques en Amérique latine. Nous espérons que les entrepreneurs chinois seront séduits par son cadre agréable.

Ferme volonté de signer un accord de libre-échange

La Chine au présent : Les médias uruguayens révèlent que vous souhaitez presser la signature d’un accord de libreéchange avec la Chine. Est-ce que vous confirmez cette annonce, M. le Président ?

Tabaré Vázquez : Cela fait plusieurs années déjà que l’Uruguay a commencé à renforcer ses relations commerciales avec la Chine. Dernièrement, lorsque l’Uruguay assumait la présidence tournante du Mercosur, nous nous efforcions de favoriser le dialogue avec la Chine, estimant qu’il est primordial de mener des discussions approfondies avec cet important partenaire commercial en vue de resserrer les liens économiques et commerciales qui unissent les deux parties.

De même, il y a quelques années, la Chine a invité les membres du Mercosur à négocier l’éventuelle signature d’un accord de libre-échange, qui porterait sur un panel de sujets tels la coopération scientifique et technologique, la politique d’immigration, les échanges universitaires ou encore l’application de droits de douane préférentiels.

Dans ce contexte, une fois de plus, nous avons fait part de notre invariable détermination à signer un accord de libre-échange avec la Chine et nous nous apprêtons à continuer dans cette voie.

lntérêt pour l'initiative des Nouvelles Routes de la Soie

La Chine au présent : Le ministre uruguayen des Affaires étrangères, M. Rodolfo Nin Novoa, a confié l’intention de l’Uruguay de contribuer à la construction de la « Route de la Soie maritime du XXIesiècle ». Quel sens revêt l’implication de l’Uruguay dans ce projet chinois ?

Tabaré Vázquez : L’Uruguay se présente comme une nation tantôt « plaine, frontière ou port ». Ces trois caractéristiques qui lui sont propres ont forgé son identité nationale. Premièrement, l’Uruguay se présente aujourd’hui devant la Chine en qualité de « plaine », capable de donner des produits agricoles de haute qualité. Deuxièmement, l’Uruguay possède des frontières qui donnent sur des pays alliés, frontières qui peuvent donc déboucher aujourd’hui sur la prestation de services intégrés. Troisièmement, l’Uruguay est de nos jours un carrefour logistique moderne au service du commerce mondial. Grâce à ses ports et aéroports flambant neufs, ses zones franches, ses services de stockage gratuits ainsi que sa place spéciale au sein du Mercosur, l’Uruguay est en mesure de fournir des services efficaces à ses pays amis et de leur servir d’appui stable et sécurisé face aux actuels défis commerciaux internationaux.

Cette vision stratégique que cultive l’Uruguay de se positionner en centre logistique au service du globe s’accorde parfaitement avec l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie lancée par la Chine. Cette dernière prévoit notamment la construction d’une « Route maritime de la Soie du XXIesiècle » et nous sommes tentés d’y apporter notre contribution.