WEI BO*
Dans le désert, des oasis fleurissent
WEI BO*
L’extrême pauvreté est plus souvent présente dans des régions à l’environnement écologique difficile. Mais dans le désert de Kubuqi, le 7eplus important de Chine, des merveilles se produisent. Grâce à ce que l’on appelle ici la « gouvernance scientifique », un tiers du désert autrefois aride et désolé est recouvert d’oasis ; un réseau de routes qui s’entrecroisent permet de traverser les étendues de sable ; paysans et bergers ont déménagé vers de nouveaux villages oùils ouvrent des restaurants campagnards ; des enfants ont réalisé leur rêve d’aller à l’école et peuvent même étudier dans un pensionnat moderne.
La gouvernance du désert de Kubuqi crée plus d'emplois pour les paysans et bergers locaux. Mengke Dalai a ainsi déménagé dans un village moderne. Il a commencé à vendre des véhicules tout-terrain pour le désert, ce qui lui rapporte un revenu annuel de plusieurs centaines de milliers de yuans.
À Kubuqi, les sables et les oasis se mêlent au printemps. Au crépuscule, les reflets qui défilent sur les dunes ne sont pas les ombres de chameaux, mais celles de véhicules tout-terrain. Dans les nouveaux villages on entend la musique mongole.
« Auparavant, pour rejoindre le cheflieu du district, il fallait traverser le désert pauvre puis le fleuve Jaune ; cela prenait au moins la journée ; aujourd’hui, en voiture, une heure à peine suffit ! » Mengke Dalai, éleveur de 38 ans, pilote son 4x4 qui file à toute vitesse sur la route traversant les sables. Pour cet homme qui a grandi dans le désert, ce progrès a un goût particulier.
« Mon père a eu l’appendicite il y a 22 ans. Faute de routes dans le désert, c’est accompagné de mon frère qu’il a dû traverser le désert et le fleuve Jaune pour être opéré dans le chef-lieu, à Wuyuan, près de la ville de Bayan Nur. Il a passé une dizaine de jours à l’hôpital. J’avais alors un peu plus de 10 ans, et j’attendais avec inquiétude leur retour à la maison, chaque soir je montais au sommet des dunes de sable pour scruter l’horizon… Je me disais souvent qu’il devrait exister un tunnel pour rejoindre le monde extérieur ! » À chaque fois qu’il se rappelle cet épisode de sa vie, cet homme énergique de Mongolie intérieure ne peut empêcher les larmes de couler.
Construire des routes dans le désert est le rêve de Dalai, un rêve qui finit par se réaliser en 1997, lorsque l’entrepreneur Wang Wenbiao, qui s’était fixé pour objectif de civiliser les sables, avait proposé d’y construire des routes. Comme les autres éleveurs, il n’y crut pas au début, pensant que de telles choses n’arrivent que dans les romans. « J’avais 17 ans et j’étais élève. Je ne pensais pas qu’il était possible de construire des routes dans le désert. Chaque jour après l’école, j’allais sur le chantier pour voir l’avancement de la construction. Même quelques années plus tard, alors que des routes étaient déjà construites, je continuais à me sentir comme dans un rêve. » Son souvenir de la situation de l’époque reste vivace.
La construction de routes aide à lutter contre la pauvreté. Depuis 1996, avec le soutien du gouvernement local, le groupe Elion est parvenu à réunir 1,28 milliard de yuans par ses propres moyens pour construire cinq routes totalisant 343 km à travers le désert. Des infrastructures qui aident Kubuqi à établir sa base de gouvernance du désert suivant le principe de la division des districts par les routes. La devise d’Elion, « l’Esprit traversant le désert », qui se décline en principes tels que « travailler dur, agir en pionnier, persévérer, mettre en œuvre fidèlement les décisions prises », est source d’une richesse spirituelle immense.
En 2006, pour renouer avec une politique de l’environnement plus écologique, le gouvernement local a déplacé les éleveurs installés dans le désert vers les nouveaux villages Daotu dans lesquels plus de 10 millions de yuans ont été investis. C’est grâce à cette initiative que des personnes comme Mengke Dalai dirent adieu à leur vie nomade sans eau et sans électricité pour s’installer dans une résidence fixe. Il a ouvert un restaurant appelé La famille dans le désert et acheté 13 véhicules tout-terrain avec cinq autres familles afin de proposer aux touristes des excursions dans le désert. Un commerce qui marche bien, puisque son revenu annuel dépasse 300 000 yuans, à comparer aux 10 000 yuans annuels qu’il gagnait avant. « Les sables autrefois stériles sont désormais sources de prospérité. Les jeunes partis travailler dans d’autres provinces rentrent au bercail. Nous, les gens du désert, menons maintenant la belle vie ! », affirme avec aplomb Mengke Dalai.
Mme Hua, soit Aote Genhua, est le chef du village de Daotu Gacha. Faisant écho à son nom poétique, sa physionomie souriante séduit ses interlocuteurs. Autrefois, le village subissait régulièrement des tempêtes de poussière. Elle se souvient nettement de ces tempêtes, elle qui devait porter un chapeau et un masque anti-poussière pour se protéger, même lorsque le temps était agréable.
« Aucune femme n’aime dissimuler sa beauté, par conséquent, ce que je souhaitais de tout mon cœur, c’était que le désert devienne une oasis, pour que les gens ne souffrent plus de la tempête de sable et que les éleveurs de Gacha puissent mener une vie tranquille. Lorsque j’ai entendu dire que le gouvernement et des entreprises comptaient planter des arbres dans le désert, j’ai cru à une blague. Mais j’ai essayé de planter un arbre une fois, et puis par chance, il a poussé ! » Depuis, elle est pleine d’enthousiasme pour la reforestation : à chaque campagne de plantation, elle se précipite vers les profondeurs du désert dans son vieux 4x4.
Comme la demande en arbrisseaux à planter est très importante au printemps, et que la force de travail ne suffit pas à la tâche, elle doit recruter une dizaine de travailleurs saisonniers qu’elle fait venir d’autres régions, par exemple du Gansu. Dans le désert de Kubuqi, on rencontre de nombreux « cols d’or » comme elle, qui se déplacent en véhicule tout-terrain pour planter des arbres. D’autre part, il existe environ 200 équipes de travailleurs locales. En 2009, elle a conduit son équipe dans l’effort de reboisement financé par le groupe Elion, ce qui leur a permis d’augmenter leur revenu annuel qui est passé dequelques milliers à plus de 100 000 yuans.
« Mes collègues et moi ressentons un grand attachement pour cette terre et c’est pourquoi resentons cette œuvre de reboisement. Depuis quelques années, au-delà de l’effort que nous avons fourni à planter des herbes et des arbres, nous avons aussi senti que nous déposions notre patriotisme et notre espoir aux pieds de notre pays natal. Mon plus grand rêve est de transformer le désert en oasis, d’enrichir les paysans et d’embellir notre pays natal », explique-t-elle.
Chen Ningbu, âgé de près de soixantedix ans, ressortissant de l’ethnie mongole, a été secrétaire de la cellule du PCC du village de Daotu Gacha. Montrant les maisons en terre, vieilles et délabrées, il me dit : « Ce sont là les témoins de l’évolution du désert de Kubuqi. Il faut les conserver. » À son époque, le village était cerné de tous côtés par le désert. Comme le sable approchait très près des maisons et menaçait de les engloutir, une dizaine de familles du village ont décidé de déménager, les unes après les autres. Chen Ningbu lui aussi sentait grandir en lui l’envie de changer d’air.
Alors qu’il était sur le point de s’exiler, les entreprises de gestion des sables sont entrées dans le désert pour entreprendre le reboisement. La plantation des arbres a fait reculer le désert et année après année, on a vu s’affaisser et se réduire les dunes qui entouraient les maisons. Au début, les bergers ne comprenaient pas cette pratique et s’inquiétaient de l’occupation de leurs terres par ces entreprises venues de la ville, redoutant des conséquences fâcheuses. Pionnier du reboisement, il savait que c’était à lui de faire changer les mentalités et leur faire valoir les gains en termes de lutte contre la pauvreté.
Contre le conservatisme des bergers, un travail idéologique est nécessaire, qu’il s’agisse de planter un arbre ou d’ériger un poteau électrique devant la porte de leur maison. « Le désert ne valait pas un sou entre nos mains, mais grâce à la gestion scientifique par ces entreprises, il est devenu utile. Des arbres sont plantés devant les maisons, des routes y aboutissent, et finalement, tout le monde en bénéficie. » Grâce à son travail de persuasion en faveur de la lutte contre la pauvreté par la gestion des sables du gouvernement et des entreprises, l’idée a fait son chemin et les attitudes ont changé : d’une opposition de principe à la confiance, puis de la confiance à la dépendance. « Aujourd’hui, tous les éleveurs trouvent que grâce aux entreprises comme le groupe Elion qui entreprennent le reboisement, leur vie est plus prospère et leurs enfants peuvent enfin être scolarisés. Ils espèrent que ces entreprises qui leur apportent ces bienfaits continueront de se développer dans le désert », dit-il.
Mme Hua, chef du village de Daotu Gacha.
En 2003, il avait loué à des entreprises les terrains sablonneux abandonnés appartenant à sa famille pour un loyer de 95 000 yuans par personne. Au total, cette famille de 7 personnes avait gagné plus de 600 000 yuans dans cette opération. Ils déménagèrent dans une grande maison lumineuse où s’ouvrit une nouvelle page de leur vie.
Il faut préparer les esprits lents pour réduire la pauvreté et développer l’éducation est un autre prérequis pour lutter contre la pauvreté. Les enfants du désert sont l’avenir du désert. Le président Xi Jinping l’a déjà souligné plusieurs fois : « Il faut attacher de l’importance à l’éducation avant de réduire la pauvreté, pour éviter une transmission de la pauvreté de génération en génération. »
Auparavant, les enfants de Kubuqi, même âgés de plus de 10 ans, n’avaient pas de possibilité d’aller à l’école. Aujourd’hui, les entreprises locales ont investi 110 millions de yuans pour construire un groupe scolaire moderne qui comprend l’école maternelle, l’école primaire, le collège et le lycée professionnel. L’école orientale Elion rassemble plus de 1 300 professeurs et élèves scolarisés. Depuis le début, ce sont plus de 3 000 enfants de Kubuqi qui y ont suivi un cursus scolaire, plus de 100 d’entre eux étant désormais admis aux universités. Ces enfants sont les constructeurs et l’avenir de leur pays natal.
Le développement des enfants de Kubuqi ne fait que renforcer leur sentiment de responsabilité et leur affection envers le désert. Ils ont une compréhension très profonde de leur rôle. « Lorsque le printemps arrive, je suis heureuse de voir se développer des vies toutes neuves. Entourée par la verdure, je me sens au chaud, comme dans les bras de ma mère. J’espère que ma mère deviendra une fleur ou un arbre, et que je pourrai sentir sa douce étreinte partout dans le désert. » Gao Yang est née à la lisière du désert de Kubuqi et sa mère est morte alors qu’elle était encore enfant. Malgré cet accident, elle fait face à la vie avec un esprit optimiste. Elle est heureuse et fière de faire ses études dans cette école au milieu du désert.
*WEI BO est journaliste pour China.org.cn.