CUI MIN*
Un lophophore de Sclater
Les monts Gaoligong, situés à la frontière sud-ouest de la Chine, forment une chaîne de montagnes séparant la Chine et le Myanmar.L’écosystème est riche en ressources animales et végétales et est réputé pour être la « banque génétique de la faune ».On y trouve le lophophore de Sclater, un faisan, l’un des animaux protégés de classe 1 en Chine,qui figure parmi « l’un des trois trésors des monts Gaoligong ».
Le lophophore de Sclater a les caractéristiques des animaux sauvages de la zone alpine des monts Gaoligong.La Liste des principaux animaux sauvages protégés en Chine le répertorie comme un oiseau protégé au niveau national de classe 1.Il apparaît sur la liste des animaux en voie d’extinction dans le Livre rouge des animaux menacés (oiseaux)et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Wang Bin est chargé de la communication au service de protection de Lushui, dans la Réserve naturelle nationale des monts Gaoligong.Afin d’avoir des images claires du lophophore de Sclater, il est resté sur les sommets enneigés à 4 000 mètres d’altitude pendant plusieurs années et a finalement obtenu ce qu’il souhaitait.Les innombrables images du lophophore de Sclater qu’il a prises fournissent des informations précieuses de première main pour la recherche et la protection de cet oiseau.
Son habitat se situe dans les régions enneigées où les falaises sont abruptes : il est difficile pour l’homme de s’en approcher en raison de sa rareté et de sa vigilance.Au fil des ans, le rêve de Wang Bin a été de le prendre en photo sur le vif le plus près possible.
En juillet 2014, le Département des forêts et le Département des finances du Yunnan ont officiellement lancé le projet de sauvetage et de protection des espèces à petite population de la province.M.Wang a pris l’initiative d’entreprendre la rédaction de la déclaration du projet « Établissement du système de conservationin situdu lophophore de Sclater ».Avec des experts de l’Université des forêts de la Chine du Sud-Ouest, ils ont travaillé pour mener à bien cette tâche de sauvetage et de protection.
Grâce à des études préliminaires, M.Wang et les experts ont sélectionné le lac Tingming, le col Pianma et Jinman à Lushui, dans la préfecture de Nujiang, comme zones d’échantillonnage de surveillance par caméra infrarouge pour le lophophore de Sclater, et la zone d’échantillonnage de Jinman comme zone d’échantillonnage de recherche sur le terrain.
À partir du 10 avril 2015, ils ont dû marcher pendant deux jours à chaque fois pour atteindre la zone d’échantillonnage de Jinman.Début avril,l’habitat du lophophore de Sclater dans la réserve naturelle des monts Gaoligong était encore recouvert d’une épaisse couche de neige.« Nous avons campé dans une tente en plastique de 5 mètres carrés installée sur une falaise à 3 600 mètres d’altitude.Il fallait 30 minutes de marche pour s’approvisionner en eau, et 50 minutes de marche pour avoir un signal pour le téléphone portable et contacter le monde extérieur.À de nombreuses occasions, on ne pouvait manger qu’un seul repas chaud par jour », s’est remémoré M.Wang Bin pour décrire leurs conditions de travail.
Le lophophore de Sclater lance son appel tous les matins dès 6 heures depuis son perchoir.M.Wang se réveillait dès qu’il l’entendait, prenait de la nourriture sèche et son appareil photo en bandoulière, et entamait son travail de recherche et de prise de vue pour la journée.
Les pentes montagneuses sont raides, l’air est rare, et le bambou Fargesia recouvre les environs.Il y a de la pluie, de la neige ou de la grêle.Afin de photographier le plus près possible, ils avaient construit 11 abris en bambou où M.Wang insistait pour s’y accroupir tous les jours.Dans la matinée du 21 avril 2015, à moins de 5 mètres de distance, M.Wang Bin a finalement pris la première photo haute définition du lophophore de Sclater avec son appareil photo et filmé une précieuse vidéo avec son téléphone portable.Une fois l’excitation passée, M.Wang Bin a marché pendant deux heures, traversant six vallons avant de retourner au camp.
Au cours des 35 jours suivants, il a non seulement entendu le magnifique chœur de ces volatiles, mais a également observé les femelles éclore et couver, les suivant à distance.« Ce sentiment est vraiment merveilleux.»
Le lophophore de Sclater, un faisan,l’un des animaux protégés de classe 1 en Chine, qui figure parmi « l’un des trois trésors des monts Gaoligong ».
Wang Bin, cadre du sous-bureau de gestion et protection du district de Lushui, au sein de la réserve naturelle nationale des monts Gaoligong, patiente dans le froid pour pouvoir photographier des lophophores de Sclater.
La saison des amours du lophophore de Sclater a lieu fin avril.Le mâle« occupe la montagne pour agir en seigneur » comme tous les représentants de son espèce, donnant de la voix pour protéger son territoire.Cela fournit des indices pour les trouver et observer leurs habitudes.
Les femelles ont de hautes exigences pour le choix du site de nidification.Le nid doit être exposé au soleil, mais dissimulé pour échapper aux éléments ou à des prédateurs comme les ocelots.M.Wang s’est rendu chaque année dans l’habitat du lophophore de Sclater pour rechercher ces sites de nidification et enregistrer la croissance des jeunes oiseaux.« La femelle lophophore de Sclater ne se reproduit pas facilement, à moins que le site de nidification ne soit bien choisi et qu’il soit sûr.Dans le cas contraire, elle ne se reproduira pas.»
Afin de découvrir en quoi le taux desurvie et la croissance sont différents des autres oiseaux, M.Wang a observé les sites tout au long de l’année.Il a ainsi découvert que le taux d’éclosion est de 100 %, mais les oisillons qui viennent d’éclore ont une faible résistance et sont vulnérables aux attaques nocturnes d’animaux.« Le taux de survie n’est pas élevé, et la croissance de la population est toujours lente.»
Clichés de lophophores de Sclater pris par Wang Bin sur les monts Gaoligong, à 4 000 m d’altitude
Selon M.Wang, ces dernières années, malgré la sensibilisation croissante à la protection de la faune, la population de lophophore de Sclater à Lushui plafonne à une vingtaine d’individus.« Il faut plusieurs générations pour effectuer la surveillance et la conservation, qu’il s’agisse du lophophore de Sclater ou du singe doré de Nujiang », a-t-il remarqué, espérant que de plus en plus d’institutions de recherche scientifique et d’experts puissent participer à cette tâche sur le long cours et effectuer davantage de recherches, « le but étant de mieux les protéger ».
Déjà plus de 20 ans que M.Wang se consacre à la protection de la nature.Il passe chaque année un tiers de son temps à faire de la randonnée au sommet de cette vaste mer de nuages et dans les neiges des monts Gaoligong.De 2014 à 2018, il a pris plus de 100 000 photos et vidéos du lophophore de Sclater se battant, volant, faisant la parade nuptiale, ainsi que tout le processus allant de l’éclosion des œufs à la sortie du nid.Il est ainsi la première personne au monde à avoir enregistré le processus d’incubation complet au moyen d’une vidéo, fournissant des données précises et scientifiques pour leur surveillance et leur protection,ainsi que pour accroître leur population.Ses travaux ont attiré l’attention de la communauté ornithologique mondiale et contribuent à mieux connaître l’habitat et le comportement du lophophore de Sclater dans ces zones difficile d’accès dont l’écosystème regorge toujours de secrets.
L’obturateur de ce protecteur de l’écosystème s’est déclenché près de 300 000 fois au fil des ans, et il a photographié d’autres animaux extrêmement rares et précieux comme le héron impérial, le rhinopithecus de Nujiang, le takin, mais aussi des végétaux comme l’if chinois, et le rhododendron géants.Des photos qui ont valu à cet homme à la fois déterminé,patient et courageux le surnom de« premier photographe de l’écologie de Nujiang ».