LI YUAN, membre de la rédaction
Le 17 juin 2020, la zone de réinstallation située dans le bourg de Chido, le long de la rivière Gaqu, dans le district de Dêngqên (Tibet)
Sonam Yeshe, 55 ans, sait bien ce que c'est que de déménager. Il a grandi à Montser,un village pastoral typique situé dans le district de Gar (région autonome du Tibet).Il a passé sa vie à suivre la transhumance de ses troupeaux de yaks et de moutons, de telle sorte qu'il changeait de domicile trois fois par an. Mais depuis la fin de 2017, année où Sonam Yeshe et sa famille ont emménagé dans la zone de réinstallation de Kangle Xinju (littéralement, nouveau lotissement de santé et bonheur), également dans le district de Gar. Dès lors, ils ont pu tirer un trait sur leur vie de nomade.
Le déplacement des habitants des régions défavorisées vers des endroits plus favorables est un des principaux moyens auxquels recourt la Chine pour lutter contre la pauvreté. Au Tibet, cette mesure revêt des caractéristiques propres aux hauts plateaux :les personnes qui résident dans des régions juchées à 4 000 ou 5 000 m au-dessus du niveau de la mer,où les conditions de vie sont médiocres et les perspectives de développement quasi-inexistantes, sont relocalisés à plus basse altitude, a fin qu'ils puissent béné ficier de meilleurs revenus, soins de santé et services publics. Dans le même temps, la faune sauvage reprend ses droits dans les hauteurs en raison de l'activité humaine réduite, ce qui contribue à la préservation des écosystèmes.
Après environ six mois de préparatifs, Sonam Yeshe, pressé d'emménager dans son nouveau chez-soi avant 2018, a vendu la trentaine de yaks et les 60 moutons que possédait sa famille. Sa nouvelle demeure est une petite construction à étage d'une super ficie de 150 m², en accord avec le style tibétain. Au rez-de-chaussée, on compte cinq pièces(aménagées en cuisine, salon, salle de bain, etc.) ;et à l'étage, cinq chambres disposées le long d'un couloir.
« Depuis que nous vivons dans une zone à basse altitude, nous respirons mieux et menons une vie plus commode », a déclaré Sonam Yeshe. Le secteur où se trouve sa nouvelle maison est relié aux routes et aux réseaux d'eau et d'électricité. Auparavant,tout était plus compliqué : il devait sortir de chez lui pour aller aux toilettes ; il faisait fondre des glaçons pour obtenir de l'eau potable ; il utilisait des bouses de vache comme combustibles pour se chauffer ; et l'énergie solaire qu'il exploitait ne suffisait même pas pour recharger son téléphone portable.
Tsechamo, qui vit dans la zone de réinstallation écologique de Sinpori, au bourg de Gangdoi du district de Konggar (ville de Lhoka), partage le même sentiment. Native du canton de Tsodril Changma,au district de Tsonyi (ville de Nagqu), Tsechamo a emménagé à Sinpori fin 2019. Elle, chacun de ses sept enfants, tous déjà mariés, ainsi que ses parents se sont vu attribuer leur propre maison à étage, spacieuse et nette. Les habitations sont reliées entre elles. « Dans la zone de réinstallation, il est plus facile pour les personnes âgées de consulter un médecin et pour les enfants d'aller à l'école. Ce qui compte le plus, c'est de rester entouré de ses chers voisins.Malgré ce cadre nouveau, à aucun moment je ne me suis sentie seule ou étrangère ici », a affirmé Tsechamo.
Sonam Yeshe et Tsechamo ont tous deux déménagé, mais chacun pour des motifs bien différents.
Dans les années 1970, a fin d'atténuer le déséquilibre entre l'herbe disponible et le bétail, une population d'éleveurs sont partis du district de Shantsa(ville de Nagqu) avec leurs bœufs et moutons pour s'installer à plus de 300 km au nord dans un endroit désert, à plus de 5 000 m de hauteur en moyenne.C'est ainsi que s'est formé le district le plus haut de Chine, à savoir Tsonyi.
Les régions de très haute altitude, véritable« terrain d'essai » testant les limites physiologiques humaines, ont manifestement des répercussions négatives sur la vie et la santé des gens. De cet environnement naturel difficile sont nées des affections locales propres aux hauts plateaux (rhumatismes et troubles cardiaques notamment). Et pour de nombreuses personnes, la maladie est devenue source de pauvreté. Ajoutons à cela le fait que les terres sont peu peuplées, que les ressources se font rares,et que les infrastructures et les services publics sont très peu développés. Résultats : c'est à présent dans ces zones que la tâche de protection environnementale est la plus grande, que le degré de pauvreté est le plus profond et que le développement est le plus difficile.
Néanmoins, Tsonyi, bien que surnommé « district fantôme », est un paradis pour les animaux sauvages.La Réserve naturelle nationale de Changtang qui y est située est un site important pour la migration de certaines espèces, comme les antilopes tibétaines,les ânes sauvages tibétains et les yaks sauvages.
« Au fil de l'accroissement de la population, la demande matérielle des masses ne cesse d'augmenter.La rivalité entre animaux domestiques et animaux sauvages, qui cherchent à brouter l'herbe verte des pâturages, s'est ampli fiée, ce qui a soulevé de grands dé fis menaçant l'environnement des réserves naturelles », a analysé Tashi Dorje, responsable du Service de gestion des réserves naturelles relevant du Bureau des forêts et des prairies de la région autonome du Tibet. Les zones de très haute altitude,y compris Tsonyi, renferment neuf réserves naturelles, mais les pâturages se détériorent, perdant entre 3 et 5 % de super ficie chaque année.
深入开展农产品品牌创建。积极开展“三品一标”认证,完成全县农产品区域品牌规划、创建、包装、推介,打造一批知名农产品品牌和企业品牌。再创建一批果品、蔬菜标准示范园,创建省级现代农业园区,完成县级农业园区的规划、创建、评审、挂牌。
Des enfants dans la zone de réinstallation de Kangle Xinju, dans le district de Gar (Tibet)
Fin 2019, a fin de trouver une solution à la difficile cohabitation entre l'homme et la nature, 2 900 habitants de Tsonyi ont cédé leur place aux animaux sauvages : ils ont parcouru près d'un millier de kilomètres en direction du sud avant de s'établir sur la rive nord du fleuve Yarlung Zangbo, à 3 600 m au-dessus du niveau de la mer. Là, ils ont commencé une nouvelle vie dans un milieu plus propice à l'existence humaine.
A fin de régler la question des bœufs et moutons restants après le départ de la population, les autorités de la région autonome du Tibet ont décrété une période de transition sur plusieurs années,qui passe notamment par l'établissement de coopératives en fonction des villages dans la zone de réinstallation. De plus, elles invitent les personnes qui ont déménagé à devenir actionnaires avec leur prairie, leur élevage de bœufs ou moutons, tout en appelant une partie des jeunes adultes à rester sur place pour continuer de faire paître les troupeaux. Il s'agit d'une solution temporaire assurant la prise en charge du bétail et la génération de recettes. À l'issue de cette période de transition, les jeunes adultes restés au village natal rejoindront leur famille à Sinpori. Ainsi, les hauts plateaux, jadis no man's land,redeviendront un no man's land, soit le paradis sur Terre pour les animaux sauvages.
Le Plan de réinstallation écologique pour les zones de très haute altitude (2018-2025), élaboré par la région autonome du Tibet, concerne 450 villages dans 97 cantons et bourgs de 20 districts, relevant de la préfecture de Ngari et de deux villes au statut administratif de préfecture (Nagqu et Xigazê), situés à plus de 4 800 m d'altitude. Au total, plus de 130 000 résidents en béné ficieront. Parmi eux, plus de 100 000 seront déplacées aux abords du fleuve Yarlung Zangbo pour former des bourgs modernes d'une certaine échelle et offrant toutes les commodités. À l'achèvement de ce projet, la population tibétaine désertera près de 350 000 km² de terres,dont les 280 000 km² qu'occupent les aires protégées. Cela contribuera à améliorer l'environnement dans les zones désertées. L'on prévoit que la super ficie des prairies augmente de 10 à 20 % en moyenne et que les steppes gagnent du terrain à raison de 5 à 10 % en moyenne.
Une réinstallation réussie est une réinstallation qui s'inscrit sur le long terme. Il est important, tout autant que le déménagement, de prendre des mesures a fin de faciliter la vie des masses.
Sonam Yeshe dans sa maison ensoleillée
Au village de Caiqutang dans le bourg de Yangbajain à Lhasa, les maisons flambant neuves qui ont été bâties dans le style tibétain sont bien agencées.Le Comité des villageois et le centre d'activités sont dotés d'un ensemble complet d'installations, et les hôpitaux, écoles et marchés aux alentours sont facilement accessibles. Et en plus de proposer ces infrastructures standard dans la zone de réinstallation, le village offre un cadre unique grâce à ses sources chaudes.
Comme l'a expliqué Dekyi Pedron, le premier secrétaire du Comité du Parti chargé de la lutte contre la pauvreté dans le village, Caiqutang, perché à 4 300 m d'altitude, recèle des ressources géothermiques. C'est aussi la raison pour laquelle ce village a été choisi pour devenir une zone de réinstallation spécialement dédiée aux personnes victimes de rhumatismes dans le cadre de l'assistance ciblée aux démunis. Pendant l'hiver 2017, plusieurs centaines d'éleveurs provenant des régions montagneuses de Nagqu, Ngari et Chamdo et souffrant de maladies rhumatismales graves ont emménagé en ce lieu.Grâce à un traitement combinant médecine tibétaine et eau des sources thermales, leurs maux disparaissent peu à peu. Le village de Caiqutang s'est ainsi engagé dans une voie innovante en matière de lutte contre la pauvreté, qui allie transfert de populations et médecine tibétaine.
Photo de famille avec Tsechamo (1re à g.) dans sa nouvelle maison de Sinpori
« Je souffre de rhumatismes depuis plus de cinq ans. Mais j'ai la chance, depuis mon emménagement ici, de pouvoir pro fiter de cette eau chaude qui coule directement du robinet chez moi », s'est réjoui Tenzin Dargye.
Tenzin Dargye est originaire du district de Nyima(ville de Nagqu), qui trône à plus de 5 000 m de haut en moyenne. En raison de l'altitude, du climat rigoureux et du manque de moyens médicaux, il était en proie à des rhumatismes, comme bon nombre d'autres villageois implantés sur ces terres depuis des générations. Et la maladie de ce père de famille n'a fait qu'empirer les conditions déjà miséreuses de son foyer.
En 2017, Tenzin Dargye a emménagé à Caiqutang aux côtés de plus de 600 habitants de son village natal. « Mon état de santé s'est nettement amélioré depuis que je peux me délasser chaque jour dans les sources chaudes, et ce directement à domicile »,a-t-il con fié.
Tseten Palkyi, chef du groupe de travail de l'Hôpital populaire de Lhasa à Caiqutang, a fait savoir :« Sur 625 personnes, 361 sont inaptes au travail physique, et 171 sont atteintes de rhumatismes et de polyarthrite rhumatoïde. Le nombre de ménages aux prises avec la misère du fait de la maladie est particulièrement élevé. »
Face à cette situation, le groupe de travail résidant dans le village s'emploie à réunir des spécialistes de l'Hôpital populaire de Lhasa et de l'Hôpital de médecine tibétaine de la région autonome du Tibet pour qu'ils compilent des dossiers sur la convalescence des patients souffrant de rhumatismes, a fin d'assurer un suivi post-traitement.
De nos jours, Tenzin Dargye se baigne dans les sources chaudes avec d'autres habitants du village et fait travailler ses muscles avec des exercices de rééducation. À mesure qu'il recouvre la santé, sa qualité de vie progresse considérablement. En conclusion, depuis son déménagement, il mène une vie plus digne.
Pour veiller à ce que chacune des personnes relocalisées maîtrise au moins une aptitude professionnelle et soit en mesure de s'enrichir, le village de Caiqutang a dispensé à plusieurs reprises des formations couvrant un large panel de compétences. À l'heure actuelle, tous les travailleurs migrants qui résident là-bas touchent un salaire mensuel supérieur à 3 000 yuans.
Zhaqu et sa famille ont été relogés dans une maison individuelle à étage, de plus de 120 m² de super ficie. Ils ont aménagé le premier étage en maison de thé et gagnent pas moins de 200 yuans chaque jour depuis. « Ma fille et moi avons ouvert un salon de thé. Cette activité nous laisse du temps pour nous occuper des enfants et nous assure un revenu bien plus élevé qu'autrefois, au temps où tout notre foyer enchaînait les petits boulots ou faisait paître les troupeaux. De plus, le gouvernement local organise des formations professionnelles. Bientôt, les autres membres de ma famille en âge de travailler chercheront un emploi », a indiqué Zhaqu. Par ailleurs,le Comité du Parti pour le village et le Comité des villageois encouragent les habitants à fonder leur propre entreprise.
Dans la coopérative professionnelle d'engraissement ovin du village, tout équipée avec notamment un silo d'herbes, un hangar à foin et une station de pompage, les moutons sont au nombre de 2 250(soit 15 par foyer en moyenne). Quand ces bêtes seront assez grandes pour être envoyées à l'abattoir,le revenu moyen des ménages relocalisés devrait augmenter de plus de 3 700 yuans. D'après Dekyi Pedron, les deux comités s'efforcent de faire aboutir davantage de projets industriels et de développer vigoureusement l'économie collective du village pour qu'à l'avenir, tous les habitants puissent trouver un emploi « au pas de leur porte ».