HU YUE, membre de la rédaction
En décembre 2019, l’épidémie du nouveau coronavirus est apparue à Wuhan, capitale de la province du Hubei, ville de l’une des principales régions centrales de Chine. En suivant sa propagation, depuis la fin janvier, toutes les régions de niveau provincial de la partie continentale de la Chine ont activé des mesures d’urgence de haut niveau contre le nouveau coronavirus. Dès lors, cette épidémie mobilise l’attention du monde entier.
Philippe Klein, un médecin français qui dirige une clinique internationale au sein de l’hôpital de l’Union de Wuhan, a décidé de rester dans cette ville malgré l’épidémie, pour continuer son travail. Curieux quant à ses motivations, nous l’avons contacté pour écouter son histoire.
Depuis la crise, M. Klein a été extrêmement occupé, comme il le rapporte lui-même : « Ce sont les quatre semaines que j’ai vécues les plus intenses de ma vie professionnelle. Mais je reste, puisqu’il y a encore des Français, des Européens qui sont ici à Wuhan. » Maintenant, son quotidien est de les écouter par téléphone ou WeChat, de les rassurer,de les visiter à domicile si nécessaire, pour poser un diagnostic, un traitement et éventuellement les accompagner vers le système de santé chinois pour poser un diagnostic précis.
C’est vrai qu’en prenant la décision de rester sur place, il faut prendre le risque d’être contaminé. De ce point de vue, le choix de M. Klein témoigne vraiment de son dévouement et de son professionnalisme. « Moi et mes confrères chinois connaissons bien ce risque, c’est notre quotidien. C’est-à-dire qu’un médecin vit au quotidien avec les microbes.Donc c’est un risque qui est calculé de façon scientifique. » Selon M. Klein, au début d’une épidémie,le corps médical a naturellement moins de connaissances au sujet de « l’ennemi invisible » auquel il va être confronté. Cette période est vraiment difficile et dangereuse. Mais au fil du temps, ayant plus de connaissances sur cet ennemi, les médecins peuvent mieux s’en protéger. Il a aussi donné ses conseils sur les mesures de précaution : porter des masques ;se laver les mains ; porter une tenue de protection NBC lorsqu’on va rencontrer des patients suspects ;porter des lunettes.
Le 5 février 2020, Philippe Klein prépare sa trousse médicale chez lui.
Selon M. Klein, la sécurité sanitaire et l’assurance médicale ne sont pas les plus grandes difficultés pour les étrangers à Wuhan. Mais la situation de ces derniers toujours présents à Wuhan est devenue compliquée depuis le 17 février, date à laquelle où Wuhan renforce encore une fois ses mesures de quarantaine contre l’épidémie.
Philippe Klein lors d’une interview avec un journaliste chinois
Depuis l’explosion de l’épidémie du nouveau coronavirus, pour mieux répondre aux besoins quotidiens des habitants enfermés chez eux, les centres de service de quartier à Wuhan ont proposé un service de livraison à domicile grâce auquel les habitants peuvent acheter des légumes, des fruits et de la viande sans sortir du quartier. « Ils sont obligés de rester dans leurs résidences. Donc leur première préoccupation est celle avant tout de se nourrir. Il y a une organisation qui se fait par la municipalité mais aussi la possibilité de commander auprès des supermarchés avec des livraisons. » En plus, la ville de Wuhan a publié une directive pour assurer la livraison des légumes pendant l’épidémie.
La ville de Wuhan est déserte depuis la mise en quarantaine, mais en sa qualité de médecin,M. Klein a une liberté de circulation. Il peut donc sortir et chercher les médicaments, les amener aux patients. « J’ai eu la chance de pouvoir aller dans un supermarché, j’étais la seule personne à pouvoir y aller pour pouvoir m’approvisionner et approvisionner les Français qui vivent autour de moi. »
« Une autre préoccupation pour les Français est la reprise des activités des entreprises à Wuhan.On sait que cette reprise d’activités a eu plusieurs échéances, qui sont repoussées à chaque fois en fonction de l’épidémie. » Selon lui, une grande préoccupation pour certains d’entre eux qui sont restés pour surveiller leurs entreprises et assurer la pérennité de leurs activités consiste à savoir quand ils pourront reprendre leurs activités professionnelles.M. Klein aide aussi certains chefs d’entreprises pour acheter plus de masques à leurs ouvriers afin qu’ils puissent reprendre le travail dès que possible.
Le 15 février, dans une conférence internationale à Munich, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a présenté au public la situation et des mesures contre le COVID-19. Il a cité l’exemple de Philippe Klein pour remercier le soutien des amis étrangers. Pour M. Klein, c’est une grande surprise car il n’imaginait pas que le ministre chinois des Affaires étrangères soit aussi informé sur ce qu’il avait fait spontanément. « Alors tout d’abord j’ai été extrêmement surpris, et puis j’ai été extrêmement fier bien sûr. Mais je pense que ma présence ici, c’est avant tout le symbole de l’amitié entre les Français et les Chinois, entre les Français et les habitants de Wuhan. À ce titre, ma présence doit certainement donner du courage aux Wuhanais et rappeler aux Wuhanais que lorsque cette crise sera passée, et bien les Français et les Européens reviendront. »
Alors que M. Klein travaille principalement avec des patients français, ce lien spécial qui l’unit à la Chine est simple à expliquer : il mène une vie heureuse à Wuhan avec son épouse Karine et son quatrième enfant Nathan depuis six ans. « Quand on rentre en France de vacances, on est toujours heureux de revenir dans cette ville. Je pense que ce bonheur que nous vivons ici a été à l’origine de mon dévouement pour cette ville et l’envie absolue de rester pour montrer aux Wuhanais tout ce que je voulais leur rendre par rapport à ce qu’ils m’ont donné. »
Dès le début de la crise, notamment après la mise en quarantaine de la ville, en tant que seul médecin français vivant à Wuhan, M. Klein a été beaucoup sollicité par les médias de France. Il s’est toujours appliqué à positiver et à donner une image objective de ce qui se passait à Wuhan et des mesures efficaces qui ont été prises sur place. « Je me suis toujours battu contre le sentiment antichinois qu’on a pu ressentir, notamment en France à un moment,qui était inadmissible. »
Au début de l’épidémie, M. Klein a envoyé sa famille en France car il était en contact permanent avec des malades et qu’il fallait assurer la sécurité de ses proches, même si sa femme avait refusé de partir au début. Aujourd’hui, Philippe Klein vit seul mais avec le sentiment du devoir accompli. Il a acheté une bouteille de champagne qu’il a posée dans sa cuisine. « Pour soutenir mon moral, j’ai sorti cette bouteille de champagne. Maintenant je n’attends plus que le retour de mon épouse pour pouvoir ouvrir cette bouteille. Et j’espère qu’elle reviendra le plus vite possible. »