par Éric Vincent Fomo
Pépinière des grands pongistes et indétrônable championne du monde de tennis de table depuis des décennies, la Chine veut maintenant développer ce sport en terre africaine
L’ancien ambassadeur chinois au Cameroun Wei Wenhua et l’ancien ministre des Sports et de l’Éducation physique du Cameroun Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt en train de disputer une partie amicale dans le centre de formation de tennis de table.
Au Cameroun, l’un des récents fruits de la coopération sino- camerounaise est un bâtiment spécifiquement destiné à la pratique du tennis de table. À l’intérieur, des pongistes de tous âges confondus se relaient de jour comme de nuit sur huit tables de jeu ultramodernes. Les uns disputent des matchs enlevés, les autres s’initient en exécutant des mouvements sur les ordres des entraîneurs.
Couvrant 110 m², le bâtiment, outre la salle des jeux, comporte deux vestiaires, deux douches et deux bureaux entièrement meublés. Le magasin est équipé de matériaux de pointe, indispensables à la pratique du tennis de table (raquettes, balles, filets, etc.). Ce don de la Chine est bâti à proximité du Palais polyvalent des sports de Yaoundé, une autre réalisation chinoise.
« Ce bâtiment destiné au ping-pong est l’issue d’une promesse faite par les diplomates chinois lors de la dixième édition du Tournoi de ping-pong de l’ambassadeur de Chine au Cameroun, en juillet 2017 », a précisé Alfred Bagueka Assobo, le président de la Fédération camerounaise de tennis de table (FECATT). À cette occasion, l’ambassadeur d’alors Wei Wenhua avait promis la construction d’un centre de formation du tennis de table. C’est ainsi que le 27 décembre 2017, les deux parties ont procédé à la signature d’une convention relative à la mise sur pied des travaux. Quatre mois plus tard, l’ouvrage était réalisé et inauguré conjointement par le ministre camerounais des Sports et de l’Éducation physique d’alors Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt et l’ambassadeur de Chine au Cameroun.
Selon Wei Wenhua, cette contribution chinoise visait à « favoriser davantage le développement du tennis de table au Cameroun et faire monter le Cameroun dans le classement mondial de cette discipline sportive ». Cela s’ajoute aux multiples actions posées par la Chine pour le développement du ping-pong au Cameroun, à savoir le Tournoi de ping-pong de l’ambassadeur de Chine au Cameroun, parrainé et primé depuis dix éditions par la Chine. En plus, la Chine offre régulièrement au Cameroun des dons d’équipements sportifs et envoie des entraîneurs chinois sur place pour former les pongistes camerounais. Les meilleurs pratiquants de ce sport au Cameroun bénéficient régulièrement de stages et bourses pour aller se professionnaliser en Chine.
En la matière, le Cameroun ne fait pas figure d’exception en Afrique. En prélude aux récents Jeux africains 2019, les deux tiers des nations participantes se sont mis à l’école chinoise pour préparer la discipline du tennis de table. Les équipes de Djibouti, de Madagascar, et bien d’autres encore ont effectué des stages en terre chinoise. D’autres ont sollicité des encadreurs techniques chinois parmi les plus réputés et des anciens vainqueurs pour bâtir des équipes africaines dotées des stratégies solides.
Au Sénégal, le Tournoi de tennis de table de l’ambassadeur de Chine à Dakar est devenu la principale attraction nationale en ping-pong. 129 athlètes de dix nationalités (101 hommes et 28 femmes) et cinq ambassadeurs ont participé en novembre 2018 à la 11eédition de ce tournoi. Une édition remportée chez les hommes par Dame Ndiaye et chez les filles par Adama Dramé, qui se sont par la suite bien illustrés lors des Jeux africains 2019. « La République populaire de Chine accompagne la fédération sénégalaise pour l’organisation de ce tournoi et au-delà, contribue à la formation des cadres sénégalais par l’octroi chaque année de bourses et de stages de trois mois en Chine, à des joueurs et des encadreurs sénégalais », a précisé le président de la Fédération du tennis de table du Sénégal, Papa Anthoumane Diagne.
Selon l’ancienne ambassadrice de Chine à Djibouti, Wang Xiaodu, en une dizaine d’années (2008-2018), plus de 200 athlètes djiboutiens ont bénéficié de formations et stages de pratique de tennis de table en Chine. Parmi eux, le joueur-entraîneur Mohamed Houmed Saïdo reconnaît qu’il doit ses compétences actuelles à l’expertise chinoise. « À chaque stage, à chaque contact avec un entraîneur chinois de tennis de table, on gagne quelque chose », a affirmé M. Saïdo.
Des pongistes s’entraînent dans le centre de formation du tennis de table du Cameroun.
Ces exemples sont dupliqués dans la majorité des pays africains, où les efforts chinois portent progressivement leurs fruits dans le développement du tennis de table.
L’Égypte et le Nigeria, qui se disputent le leadership africain dans cette discipline, ont une vieille expérience dans la pratique de ce sport. Chacun de ces pays dispose d’au moins 500 000 licenciés dans cette discipline. Ces pays comptent d’ailleurs de multiples infrastructures qui facilitent la pratique quotidienne des pongistes. Au Nigeria, par exemple, la forte densité de la population a été un avantage pour la pratique de ce sport, devenu une discipline nationale quasiment aussi populaire que le football.
« Les Nigérians ont toujours aimé le tennis de table, car c’est le seul sport, avec le football, qu’on peut pratiquer dans les rues », a raconté Olufunke Oshonaike, ancien pongiste ayant participé aux Jeux olympiques de Rio. « J’ai commencé à jouer sur la table dans mon salon, et à partir de là, on commence à jouer dehors et on peut alors être repéré. Si on voit que vous êtes très bon, on vous invite à rejoindre une équipe et on vous entraînera pour devenir un champion. »
Dans ce pays, les dons chinois en tables de ping-pong, raquettes et balles ont favorisé l’extension de ce jeu dans la rue. Plusieurs carrefours disposent d’au moins une table de jeu de ping-pong où se relaient au quotidien de nombreux joueurs. Le ping-pong devient à la base un jeu de socialisation et un espace de professionnalisation. Tous les plus grands pongistes nigérians ont été découverts dans la rue. Ils participent ensuite à une douzaine de tournois internationaux de tennis de table organisés par le Nigeria chaque année. Des entraîneurs chinois sont sollicités à ces occasions grâce à un accord de longue date entre les deux pays, centré sur le développement de ce sport au Nigeria.
Des pongistes à l’instar d’Olajide Adeyemi Omotayo, médaillé d’or en simple messieurs des derniers Jeux africains, ainsi que la paire Offiong Edem et Cécilia Akpan, médaillées d’or du même tournoi en double dames, ont bénéficié de cette coopération chinoise pour se professionnaliser. La star demeure toutefois Quadri Aruna. Cet ancien quart de finaliste olympique défait par le numéro un mondial, Ma Long, rêve de faire de son pays le prochain eldorado du ping-pong, le grand concurrent de la Chine.