HUANG CHENGWEI
La pauvreté est un phénomène qui s’inscrit dans la durée. C’est pourquoi il est crucial de mettre en place un mécanisme de lutte sur le long terme si l’on veut remporter la bataille décisive contre la pauvreté. Il s’agit également d’un moyen efficace d’encourager le développement socioéconomique durable dans les régions pauvres, de réduire la pauvreté relative et de préparer le terrain pour la réalisation du deuxième« objectif centenaire » (c’est-à-dire, faire de la Chine un État socialiste moderne, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé à l’occasion du centenaire de la fondation de la République populaire de Chine).
Le terme « élimination définitive de la pauvreté » fait référence au projet visant à réduire la vulnérabilité des personnes démunies, à renforcer leurs capacités de développement et à élever sans cesse leur niveau de vie, afin de les faire sortir une fois pour toutes du cercle vicieux de la pauvreté, et ce à travers la formulation de concepts innovants, la stimulation des forces sociales, la recherche de sources de revenus stables, l’amélioration des infrastructures et l’optimisation des services publics. La mise en place d’un mécanisme d’élimination de la pauvreté stable et à long terme devrait permettre d’éliminer la pauvreté extrême et de promouvoir le développement socioéconomique durable dans les régions défavorisées, mais aussi d’éviter que les générations futures « héritent » de la pauvreté laissée par leurs aînés.
Si la pauvreté est définitivement supprimée, les personnes qui étaient considérées comme pauvres seront assurées d’avoir assez d’argent pour se nourrir et se vêtir, tout en ayant accès à l’enseignement obligatoire,au système d’assurance maladie de base et au logement.En outre, ils bénéficieront de sources de revenus stables et ils feront preuve d’une capacité à s’autodévelopper en restant courageux face à l’adversité. À cette fin, il faut d’abord garantir la diversité des revenus perçus par les populations pauvres, rendre leurs revenus plus stables et encourager la diversification des modes de production en tenant compte de la situation concrète de chacun ; ensuite, il faut réveiller les forces motrices du développement qui sommeillent chez les personnes démunies et accroître leur capacité à s’autodévelopper. Il faut amener les personnes pauvres se contentant de vivre dans l’assistanat à changer leur mentalité, tout en investissant davantage dans la formation des ressources humaines, afin d’empêcher la transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Enfin, il faut atténuer l’impact des divers risques par le biais de l’entraide sociale et accroître les moyens de réponse aux risques.
Le 5 juillet 2018, à Qingdao dans la province du Shandong,le conseiller technique Zou Ning aide les ménages pauvres dans la culture des fleurs.
HUANG CHENGWEI
chercheur et directeur du Centre national d’éducation et de communication pour la réduction de la pauvreté,relevant du Bureau du groupe dirigeant de la lutte contre la pauvreté et du développement du Conseil des affaires d’État
Actuellement, dans certaines régions, diverses tentatives ont été menées en matière d’éducation et de formation, de création d’emplois par le développement industriel et l’accroissement des forces endogènes dans les villages, dans l’optique de créer un mécanisme d’élimination de la pauvreté stable et à long terme. Ces tentatives exploratoires constituent aujourd’hui autant de pratiques et d’expériences pouvant servir de références.
Par exemple, à Qingdao (province du Shandong), le gouvernement local maintient son aide aux personnes tout juste sorties de la misère pour s’assurer que leur niveau de vie et leurs conditions de logement continuent de s’améliorer. Il encourage aussi bien les villages que les foyers pauvres à investir, dans des entreprises, les fonds qu’on leur accorde ou les actifs en ressources naturelles dont ils bénéficient (comme leurs terres, forêts,maisons vides). De cette façon, ces villages ou foyers pauvres pourraient percevoir des revenus stables. Dans le même temps, le gouvernement tend la main aux plus démunis ; c’est la politique fondamentale de la lutte contre la pauvreté. Il est urgent de combiner le système des minima sociaux en milieu rural avec la politique de lutte contre la pauvreté, d’orchestrer les politiques d’assistance sociale, d’appliquer le système de prise en charge des soins pour les maladies graves, d’explorer le système d’assurance spéciale pour l’élimination de la pauvreté,de réduire le poids des dépenses qui pèse sur les personnes pauvres, et enfin, de renforcer le mécanisme d’élimination définitive de la pauvreté.
D’autre part, il faut développer la production pour lutter contre la pauvreté et renforcer les forces endogènes. Il convient d’allier assistance ciblée aux démunis et diversification des activités agricoles. De même, il y a lieu d’établir un mécanisme liant étroitement les intérêts respectifs des principaux acteurs du marché et des foyers pauvres, pour que les bénéfices générés aux différents maillons de la chaîne industrielle puissent profiter aux personnes défavorisées par effet de ruissellement.
Par ailleurs, les entreprises, quel que soit le secteur,doivent continuer de contribuer à l’assistance aux démunis de diverses manières : les firmes peuvent créer plus d’emplois ; les agriculteurs pauvres peuvent devenir actionnaires grâce au transfert du droit d’exploitation des terres cultivables ; les villageois peuvent bénéficier collectivement de la distribution des dividendes ; des personnes démunies peuvent être affectées à des emplois bénévoles.
Établir puis peaufiner le mécanisme d’élimination définitive de la pauvreté à long terme et remporter la bataille décisive contre la pauvreté sont des objectifs qui nécessitent l’implication de l’État, des gouvernements locaux,des villages pauvres et des forces sociales. Les gouvernements locaux aux différents échelons et toute la société doivent investir davantage d’efforts en ce sens, en opérant des ajustements tous azimuts (idéologie, conception des politiques, attribution des fonds, méthodes de travail et priorités fixées).
Premièrement, il faut avoir conscience que la pauvreté est un phénomène qui a tendance à perdurer, pour enfin trouver le bon équilibre entre élimination de la pauvreté absolue et atténuation de la pauvreté relative. L’objectif de la bataille décisive contre la pauvreté consiste à éliminer le phénomène de pauvreté absolue. Il reste encore un long chemin à parcourir pour consolider les résultats obtenus dans la lutte décisive contre la pauvreté et pour atténuer la pauvreté relative.
Il faut amener les régions pauvres à diversifier et optimiser la structure industrielle et faire progresser la compétitivité.
Deuxièmement, il faut renforcer la stabilité du travail de lutte contre la pauvreté et en faveur du développement, et construire un environnement institutionnel propice à l’élimination de la pauvreté. Il convient de mettre en œuvre les décisions du gouvernement central, qui appelle à poursuivre l’octroi d’aides aux districts, villages et foyers tout juste sortis de la pauvreté. Il faut appliquer efficacement et sans relâche les diverses politiques d’assistance ciblée aux démunis et d’éradication précise de la pauvreté, afin d’assurer la stabilité et la continuité à la fois des politiques et des modèles dans ce domaine.
Troisièmement, il faut relever le niveau des services publics dans les campagnes et perfectionner le système de protection sociale en milieu rural. Il y a lieu d’augmenter les investissements dans les infrastructures, l’éducation,la santé, le sport, les missions culturelles publiques et la protection sociale dans les régions rurales, tout en plaidant en faveur de l’égalité villes-campagnes devant les services publics. Il est nécessaire de rehausser le niveau de vie des personnes pauvres, pour qu’elles puissent couvrir leurs besoins alimentaires et vestimentaires ainsi que bénéficier de l’éducation obligatoire, d’un système d’assurance maladie de base et de l’accès au logement.Il convient d’établir un réseau de sécurité sociale fondamental pour les démunis, afin d’accroître la prévention des risques au profit des diverses catégories de personnes vulnérables.
Quatrièmement, il faut mettre davantage l’accent sur l’éducation et la formation dans les régions rurales, en vue d’élever le niveau d’instruction des personnes pauvres. Il est recommandé de développer et de perfectionner l’enseignement préscolaire et l’enseignement obligatoire en milieu rural. Parallèlement, il est requis de mettre en œuvre toutes les politiques de réduction et d’exemption des frais de scolarité, de subvention et d’assistance qui ont été adoptées. Il convient d’organiser des formations pratiques et ciblées au profit de la main-d’œuvre rurale,en particulier des cours pour qu’elle maîtrise l’e-commerce et l’outil informatique, dans le but d’encourager les ruraux à créer leur entreprise ou à trouver un emploi et de les guider dans leurs démarches.
Cinquièmement, il faut amener les régions pauvres à diversifier et optimiser la structure industrielle et faire progresser la compétitivité. Il y a lieu de sélectionner les filières offrant des perspectives prometteuses dans la lutte contre la pauvreté, tout en guidant et normalisant la croissance d’entreprises pilotes et de coopératives. Un mécanisme faisant correspondre les intérêts respectifs du développement industriel et des personnes pauvres devra être mis en place,pour que les personnes démunies puissent bénéficier des fruits engrangés par le développement industriel. Un système d’investissement en faveur des paysans et un système de prévention des risques seraient également les bienvenus pour répondre aux besoins des régions pauvres en matière d’essor industriel d’une part, et en matière de protection face aux risques naturels et aux risques liés au marché auxquels est confronté le secteur agricole d’autre part. Ce serait un moyen de limiter les pertes découlant d’un développement industriel en stagnation.
Sixièmement, il faut accroître les capacités de gestion au sein des villages et y développer l’économie collective. La méthode selon laquelle des cadres sont envoyés sur le terrain pour aider les villages à sortir de la pauvreté doit être optimisée. Il est important de stimuler les forces endogènes de développement des villages. Il convient pour cela de faire jouer aux membres du Parti communiste chinois un rôle modèle. Il est nécessaire d’accroître l’aptitude des villages à entreprendre des projets d’aide aux démunis et à utiliser raisonnablement les ressources à cette fin. Le rôle des capitaux privés ne doit pas être négligé non plus.Il est nécessaire de libérer tout le potentiel de l’économie collective des villages, afin de conforter l’assistance aux démunis, le développement des causes d’intérêt public et l’offre de services publics.
Septièmement, il faut mobiliser les forces sociales dans la lutte décisive contre la pauvreté et mettre en avant le rôle que les organisations sociales ont à jouer. Il convient d’encourager les forces sociales à contribuer à l’élimination de la pauvreté en milieu rural et à les guider dans cette initiative. Les formes de participation doivent encore être diversifiées, ce qui permettrait de dédier plus de ressources en faveur de l’éradication de la pauvreté.Quant aux méthodes d’élimination de la pauvreté, elles pourraient être plus souples et efficaces. Il y a lieu notamment d’exploiter les avantages professionnels des organisations sociales, aptes à aider les personnes démunies à adhérer à une idéologie conforme au développement moderne, à stimuler les forces endogènes de développement, et à donner aux pauvres la confiance et l’ambition de sortir de leur état de misère en s’appuyant sur leurs propres compétences.