par Li Jing
Venu en Chine pour apprendre à bâtir des ponts, un jeune ingénieur en herbe du Sénégal tombe amoureux de la culture traditionnelle
Seydou et les membres du club de taoxun de l’Université Chang’an.
Depuis un an et demi, Thierno Seydou Ka, 19 ans, est étudiant à l’Université Chang’an de la province du Shaanxi (nord-ouest). Lui et ses 14 camarades sénégalais sont ici dans le cadre d’un programme de formation conjointe de l’Université Chang’an et de l’entreprise chinoise China Road and Bridge Corporation(CRBC). Pour les cinq prochaines années,ils pourront se consacrer entièrement à l’ingénierie des routes et des ponts, car leurs études sont entièrement financées par la CRBC.
« J’ai participé à ce programme d’une part pour connaître la Chine, d’autre part pour étudier une spécialité dont le Sénégal a fortement besoin, à savoir l’ingénierie des ponts et routes », dit Seydou.
Depuis 2011, ce sont plus de 100 étudiants congolais (Brazzaville), gabonais et sénégalais qui ont participé à ce programme de formation conjointe. Parmi les étudiants diplômés, plusieurs ingénieurs sont retournés chez eux pour contribuer au développement de leur pays d’origine. D’autres ont plutôt choisi de continuer leurs études avec les bourses d’études du gouvernement chinois.
Selon Li Quanhuai, directeur général adjoint de CRBC, ce projet est une mesure importante pour la réalisation de la« connectivité humaine » entre les Chinois et les Africains avec la mise en pratique de la « connectivité matérielle » dans le domaine des infrastructures.
La CRBC, filiale de China Communications Construction Company, est l’une des quatre plus grandes entreprises chinoises sur le marché international des contrats d’ingénierie, avec une longue expérience dans les projets de génie civil et de construction de routes, de voies ferrées, de ponts, de ports et de tunnels. Pour Seydou, la société lui est familière, car elle est responsable du projet de l’autoroute à péage Ila-Touba au Sénégal. Avec ce programme, la CRBC contribue aussi à la mise en œuvre d’une des mesures concrètes promises par le Président Xi Jinping lors du Forum sur la Coopération sino-africaine à Johannesburg.
Originaire de Dakar, capitale du Sénégal,l’intérêt de Seydou pour la culture chinoise remonte à son enfance. Après avoir réussi le baccalauréat, il a été mis au courant de l’offre de bourse de la CRBC. Il a sauté sur l’occasion : c’était pour lui la chance de pouvoir voir la Chine de ses propres yeux.
« J’ai vu un communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, concernant une offre de bourse de la CRBC. J’ai déposé mes dossiers et par la grâce de Dieu j’ai été sélectionné,moi et 14 autres élèves bacheliers », dit-il à CHINAFRIQUE.
C’est ainsi que Seydou s’est dirigé vers l’est, posant ses bagages dans sa nouvelle alma mater, l’Université Chang’an, qui est réputée en Chine pour la qualité de sa formation en ingénierie. Seydou, pour sa part,opte pour la spécialité des ponts et des chaussées.
Dès son arrivée en Chine, il doit faire face à de nombreux défis. « La première difficulté, c’est la langue, car sans la langue,on ne peut pas faire beaucoup de choses en Chine », dit-il. A fin de s’adapter le plus rapidement possible à sa nouvelle vie, sa priorité est d’apprendre le chinois, ce qui représente un grand défipour ce jeune homme sans aucune base dans cette langue.
« Au début, comme un bon élève scientifique, je tentais de trouver une logique entre les caractères chinois et leur prononciation pour établir une règle générale,mais en vain, raconte-t-il. Il n’y a que de petites règles logiques permettant de deviner la prononciation, mais à chaque fois il faut toujours consulter le dictionnaire pour vérifier. »
Seydou note aussi que son expérience avec l’arabe, langue qu’il a étudiée précédemment, lui a bien fait comprendre l’importance de la tonalité, car un mot mal prononcé peut changer complètement le sens d’une phrase. Ainsi, il écoute à multiples reprises chaque jour les enregistrements des leçons. Il parvient à surmonter ces difficultés avec l’aide de son « excellente »professeure de chinois. « Je la remercie du fond du cœur », dit-il.
« De plus, après avoir étudié un mot ou une phrase, il faut chercher un moyen pour l’utiliser pour rendre vivant ce qu’on a appris », précise-t-il. Ses efforts portent fruit :six mois à peine après son arrivée en Chine,il remporte la première place au sein du groupe débutant au concours CRBC de discours en chinois de l’Université Chang’an.
« C’était la première fois que je participais à un concours de discours chinois et la première fois que je parlais devant un si grand public. Cela montre que rien n’est impossible, il faut seulement de la volonté », dit-il.
Si la Chine était d’abord une puissance économique à ses yeux, ce sont l’enthousiasme et la gentillesse des Chinois, ainsi que la culture traditionnelle chinoise, qui l’ont impressionné le plus après son arrivée.
« Il y a un proverbe sénégalais qui dit que quand tu arrives dans un nouvel environnement, si les gens marchent sur un seul pied,alors fait comme eux. Donc, arrivé ici, j’ai essayé de vivre comme un Chinois », dit-il.
Un jour qu’il se promenait dans la ville de Xi’an avec ses camarades, il a été attiré par une musique particulièrement belle.« J’ai vu un musicien jouer avec une sorte de calebasse. Plus tard, j’ai su que c’était un taoxun », se souvient-il, faisant référence à l’un des plus anciens instruments à vent de Chine. Selon les archéologues, le taoxun aurait été inventé il y a près de 7 000 ans.
Cet artiste était en fait le propriétaire d’un magasin de taoxun. Comme Seydou s’intéressait beaucoup à cet instrument, ce joueur a décidé de lui en offrir un en cadeau et de lui montrer comment jouer. Grâce à ses efforts assidus, il arrive à jouer quelques chansons simples en seulement une semaine. « Mon professeur non seulement m’a enseigné à jouer du taoxun, mais aussi m’a appris l’histoire chinoise et même le dialecte du Shaanxi », a-t-il déclaré.
Seydou a remporté le premier prix lors d’un concours de chinois oral organisé à l’Université Chang’an en mai 2017.
Depuis, le taoxun est devenu une partie importante de la vie quotidienne de Seydou.Il s’est joint au club de taoxun de l’Université Chang’an. « Grâce à cet instrument, je comprends mieux la culture chinoise et j’ai rencontré beaucoup d’amis chinois. On pratique souvent ensemble au bord du lac de notre université », ajoute-t-il.
En ce qui concerne l’avenir, le jeune homme est déterminé à utiliser ses connaissances en ingénierie des ponts et des chaussées au profit de son pays. « J’aimerais beaucoup m’imprégner de l’expertise chinoise et internationale avant de rentrer au pays »,ajoute-t-il.
Pour le moment, alors même qu’il s’adapte progressivement aux études et à la vie en Chine, Seydou espère également que les Chinois en sauront plus sur son pays. « Maintenant, je me vois comme l’image du Sénégal au monde extérieur. Je dois donc avoir le sens de la responsabilité pour honorer mon pays et développer les bonnes relations entre le Sénégal et la Chine », dit-il.