Récemment, la question des dialectes dans le système d’éducation de Shanghai a fait un buzz sur les réseaux sociaux. Dans un manuel chinois destiné aux élèves de deuxième année des écoles primaires de Shanghai,le mot désignant la grand-mère maternelle– « waipo » – a été remplacé par le synonyme « laolao ». Si la première expression est utilisée dans la plupart des régions du sud de la Chine, y compris Shanghai, la seconde est répandue au nord du pays.
Cependant, après le tollé et plusieurs réactions négatives, la Commission d’éducation de la municipalité de Shanghai a décidé de rétablir le mot « waipo », a fin de respecter les caractéristiques du dialecte local. Cela a encore une fois en flammé le débat sur la question de savoir si les élèves devraient apprendre et parler les dialectes locaux.
Le mandarin, basé sur les dialectes septentrionaux, est désigné dans la Constitution comme la langue véhiculaire et officielle de la Chine. L’enseignement scolaire chinois se fait donc généralement en mandarin.De fait, cette langue standardisée sert de langage de communication quotidien pour la plupart des élèves.
Certaines écoles de Shanghai et de Guangzhou sont allées jusqu’à décourager les élèves de parler leurs dialectes au quotidien. Inversement, certaines écoles aident les enfants à apprendre les langues locales. Des écoles primaires et secondaires de Suzhou, dans la province orientale du Jiangsu, ont mis en place des cours pour« inspirer les jeunes apprenants à aimer le dialecte et la culture de Suzhou ».
Donc, pour ou contre les dialectes à l’école ? Les partisans s’accordent pour dire que ceux-ci pourraient aider à préserver la culture traditionnelle régionale et à renforcer le sentiment defierté de la population locale. Pour les opposants, par contre, l’éducation en mandarin est la seule à pouvoir faciliter la communication avec une population estudiantine diversifiée.
Mère de famille vivant à Guilin, dans la région autonome zhuang du Guangxi
J’encourage fortement les enfants à apprendre les dialectes. Je viens de la province du Gansu, au nord-ouest de la Chine alors que mon mari vient de Guilin. J’espère que ma fille, qui a maintenant un an et demi, apprendra les dialectes de Guilin et du Gansu,a fin de connaître la culture de ses deux villes natales.
À mon avis, le dialecte véhicule notre affection envers notre ville natale.Cependant, un grand nombre de personnes venues de différents endroits se ruent vers les grandes villes comme Beijing, Shanghai et Guangzhou. Pour mieux s’intégrer à la vie urbaine, ils parlent le mandarin et oublient petit à petit leurs dialectes.C’est très triste.
C’est toujours agréable pour moi de rencontrer des personnes venant de ma ville natale qui parlent avec un accent familier. Le dialecte nous rappelle notre identité et notre origine.
Enseignant de l’École primaire de Ronghu, dans la ville de Guilin
En tant qu’enseignant au primaire, je pense que les élèves devraient être encouragés à apprendre les langues locales.À présent, de nombreux parents parlent mandarin avec leur enfant et demandent à leurs grands-parents de le parler aussi avec leurs petits-enfants. En général, les élèves apprennent le mandarin et l’anglais à l’école.
Bien qu’il soit pratique de communiquer en mandarin,rien ne peut remplacer l’ambiance et la beauté des dialectes. Les proverbes et l’argot sont souvent très riches et intéressants.
Maîtriser des dialectes aidera les élèves à mieux apprécier la culture et les traditions locales. C’est pourquoi nous devrions intégrer l’apprentissage des dialectes locaux dans l’éducation obligatoire, en particulier dans les manuels scolaires.
Professeur à l’institut de journalisme et de communication de l’Université de Zhengzhou
Je m’inquiète de l’avenir des dialectes, vecteurs de cultures régionales, qui reflètent les traditions profondément enracinées dans le cœur des Chinois. Il convient de mentionner que la décadence des dialectes est davantage visible ces dernières années.
La langue est un patrimoine culturel immatériel et porteur d’autres héritages culturels immatériels. Chaque dialecte représente un système de connaissance. Quand un dialecte meurt, nous perdons toute la culture qu’il contient.
J’espère que les écoles primaires et secondaires mettront en place des cours de dialectes et que davantage de mesures seront prises a fin de favoriser le développement de ces langues.
Résidente de Guilin, mère d’un garçon de deux ans
J’espère que les enfants n’apprendront pas les dialectes.Quand j’étais petite, j’ai appris le dialecte de Guilin, ce qui a eu plus tard un impact négatif sur mes études, car ma spécialité universitaire exigeait un niveau extrêmement élevé de mandarin. Donc j’ai dû passer beaucoup de temps pour corriger ma prononciation. Depuis,j’ai réalisé que mes enfants ne devraient apprendre que le mandarin. Beaucoup de parents autour de moi partagent la même idée. Entre nous, les parents, nous parlons souvent le dialecte de Guilin, mais avec nos enfants, nous n’utilisons que le mandarin.
Mon fils n’a jamais visité ma ville natale parce que toute la famille vit maintenant à Guilin.Le dialecte local ne lui sert à rien et parler mandarin est bien sûr plus facile.
Résidente de la ville de Huizhou, dans la province du Guangdong
Je travaille dans le domaine de l’éducation préscolaire depuis 25 ans. Selon mes recherches et mes expériences, la présence de différents dialectes au sein d’une même famille ralentira le développement de la capacité langagière des enfants.
Pour éviter ces embûches,lorsque nous enseignons à notre enfant le chinois, il est conseillé de commencer par le mandarin standard. Dans les dialectes, la structure des phrases n’est pas toujours complète, ce qui est susceptible de nuire à la capacité d’expression de notre enfant et au processus d’apprentissage des langues. Les élèves parlant des dialectes trouvent plus difficile de comprendre la linguistique du mandarin et ils ne peuvent probablement pas bien utiliser les proverbes.
Professeur de littérature chinoise de l’Université normale de Nanjing
D’après moi, il est inapproprié de promouvoir l’utilisation des dialectes à l’heure actuelle. La mort d’une langue ou d’un dialecte est un phénomène normal. Ce n’est pas la peine de pleurer la perte de certains dialectes. Par exemple, les gens modernes ne se sentent pas frustrés lorsqu’ils ne savent pas lire les inscriptions gravées sur les os d’animaux de la dynastie des Shang (1766-1122 av.J.-C.). Quant aux dialectes qui ne disparaîtront pas à court terme, nous pouvons les utiliser, mais nous ne devons pas faire d’efforts particuliers pour les promouvoir.
À mon avis, les gens qui prônent la promotion de dialectes vont dans une mauvaise direction. Ces langues régionales portent atteinte à l’intégrité de la culture chinoise et ne contribuent pas beaucoup à notre développement.
En réalité, dans tous les pays du monde, les gens qui vivent dans les grandes villes sont encouragés à parler une langue véhiculaire. En Chine,cette langue ne peut être que le mandarin.