par Liu Ting
À la pointe de l’intelligence artificielle,la société chinoise iFlytek est devenue un chef defile dans le domaine de la synthèse et de la reconnaissance vocale
Un visiteur fait l’essai du système de reconnaissance vocale dans les bureaux d’iFlytek à Beijing.
Les problèmes de communications entre hauts dirigeants de pays pourraient bientôt être choses du passé, si l’on se fie à la récente visite du Premier ministre chinois Li Keqiang en Europe.
Le matin du 7 juillet, alors que M. Li visitait une exposition sur la coopération Chine-Europe centrale et orientale à So fia, en Bulgarie, il a pu s’adresser à son homologue bulgare dans sa langue maternelle sans la moindre barrière linguistique.
Comment ? Grâce à un petit appareil de traduction. « Bonjour, Premier ministre Borissov », a dit la machine en bulgare.« Bonjour, Premier ministre Li », a-telle répondu en chinois, traduisant la réponse du Premier ministre bulgare Boyko Borissov. Ce dernier a été tant impressionné par le petit traducteur que Li Keqiang a même décidé de lui en offrir un en cadeau.
Capable de traduire rapidement et précisément entre le chinois et 33 langues, cet appareil est un produit vedette d’iFlytek.Depuis son établissement à Hefei, dans l’Anhui (est), en 1999, iFlytek est devenu la plus grande entreprise d’intelligence artificielle(IA) en Asie-Pacifique et un leader mondial dans la synthèse vocale, la reconnaissance vocale et le traitement du langage naturel.
La société iFlytek était à l’origine un laboratoire de l’Université des sciences et technologies de Chine. Soutenu par le plan de développement de haute technologie de l’État, le laboratoire a commencé à générer des voix synthétiques claires et naturelles dès 1998, ouvrant la voie à la commercialisation de ses technologies.
« Je pensais que nous pouvions développer certains produits dès lors, car notre technologie était déjà applicable », se rappelle Jiang Tao, co-fondateur et vice-président d’iFlytek. Cependant, la commercialisation n’a pas été aussi facile que prévu. De fait, la société n’a réalisé aucun béné fice de 1999 à 2004. Elle a même été incapable de payer ses employés pendant un certain temps.
Le premier produit mis sur le marché par iFlytek – iFlyBook –, un logiciel de commandes vocales pour ordinateurs,s’est même soldé par un échec.
Or, ils ont vite constaté qu’il n’y avait pas de demande pour ce produit, car les gens étaient habitués à utiliser des claviers et des souris. De plus, la bande passante des ordinateurs personnels n’était pas encore assez importante, alors que l’informatique en nuage et le système de l’internet mobile n’étaient pas assez développés.
« Dans cette phase initiale, le plus grand problème auquel nous avons dû faire face consistait à trouver un marché pour nos technologies clés. La compagnie était sur le point de s’effondrer pendant cette période »,se rappelle M. Jiang. Ce n’est qu’en 2001 que la société a été en mesure d’identifier une voie claire de développement : elle s’est fixée comme objectif de développer des produits vocaux intelligents.
Lors d’une foire de haute technologie tenue en 2000 à Shenzhen, dans le Guangdong(sud), la technologie de parole intelligente d’iFlytek a attiré l’attention de Huawei, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions de technologies de l’information et des communications. Huawei a décidé d’acheter en bloc les technologies d’iFlytek et de les intégrer dans ses produits.
« C’est la première fois qu’on gagnait de l’argent. Par conséquent, nous avons développé un nouveau modèle de vente,appelé iFly Inside, qui consiste à vendre nos technologies vocales intégrées dans d’autres produits », dit M. Jiang.
Un exemple : iFlytek a mis au point un système permettant aux utilisateurs de trouver des chansons en prononçant simplement le nom de la pièce ou du chanteur, ou même une partie des paroles. Le système a été rapidement adopté par China Mobile, China Unicom et China Telecom, les trois principaux opérateurs de télécommunications en Chine. L’entreprise a vu ses béné fices nets augmenter de 130 % au cours des trois années consécutives. En 2007, ses revenus annuels ont dépassé les 200 millions de yuans (29,34 millions de dollars).
Après avoir passé le seuil de rentabilité et être entré en Bourse de Shenzhen (2008),iFlytek a commencé à développer ses propres produits et applications. Champion du 4eCHiME Challenge en 2016 –le concours de reconnaissance vocale le plus in fluent au monde –, iFlytek ne cesse d’améliorer la précision de ses produits, fracassant les records mondiaux en la matière.
Une employée d’iFlytek fait une démonstration de la technologie d’IA pour la conduite.
En 2013, iFlytek lance le plan « SuperBrain »,visant à faire progresser les capacités langagières des machines par la ré flexion et l’apprentissage. Selon ce plan, les machines peuvent apprendre en profondeur tout savoir logique, basé sur des règles et lié au travail intellectuel humain, et résoudre des problèmes pratiques.
« Elles peuvent aider les humains dans tous les aspects de leur travail », explique M. Jiang.
En novembre 2017, l’assistant médical intelligent d’iFlytek a pris part à l’examen national de qualification médicale, où il a obtenu une excellente note. En tant que premier système d’IA à réussir à cet examen, le système pourra aider les médecins à poser des diagnostics et sélectionner des traitements. C’est déjà le cas à l’Hôpital provincial intelligent de l’Anhui. Après avoir recueilli des informations sur l’état des patients à l’aide de plusieurs examens médicaux, l’assistant médical fait part de ses commentaires aux médecins. Ceux-ci posent le diagnostic final en s’appuyant sur les suggestions de l’assistant médical intelligent, réduisant de beaucoup les délais.
« L’assistant médical intelligent d’iFlytek est déjà en mesure d’aider les médecins à établir des diagnostics dans les hôpitaux communautaires. Cela permet de résoudre le problème de la répartition inégale des ressources médicales en Chine », dit M. Jiang.
Des systèmes semblables ont également été développés dans le domaine de l’éducation, avec des résultats tout aussi remarquables. Actuellement, les systèmes d’iFlytek sont utilisés pour la vérification des devoirs et des tests contenant des questions objectives, mais aussi des questions subjectives comme les essais.
« La correction assistée des devoirs permet aux enseignants non seulement de gagner du temps, mais également de collecter plus de données sur l’apprentissage des élèves et d’adapter en conséquence l’enseignement à leurs aptitudes individuelles, comme le recommandait Confucius il y a plus de 2 000 ans. Dans les écoles utilisant de tels systèmes, chaque élève se voit remettre des exercices et des devoirs personnalisés, ce qui améliore l’efficacité de l’apprentissage. Le temps moyen nécessaire pour faire les devoirs a diminué d’une heure et demie par jour », explique M. Jiang.
À l’heure actuelle, les produits éducatifs intelligents d’iFlytek sont utilisés dans 31 des 34 régions de niveau provincial de Chine,ainsi qu’à l’étranger, y compris Singapour.L’entreprise coopère avec plus de 13 000 écoles et dessert plus de 80 millions d’étudiants et d’enseignants.
« La troisième révolution industrielle de ces dernières décennies a en gros résolu le problème de la connexion. Cependant,le problème du traitement de l’information demeure toujours. Dans les décennies à venir, grâce à l’IA, les gens pourront réduire considérablement les coûts de traitement de l’information et améliorer la productivité du cerveau humain », dit M. Jiang.