Patrimoine culturel :protéger pour mieux partager

2018-08-10 07:37parLiuTing
中国与非洲(法文版) 2018年8期

par Liu Ting

Alors que la Chine ajoute un énième site à la liste du patrimoine mondial, le pays trouve des manières innovantes de mieux protéger son héritage culturel

Travaux de rénovation sur le tronçon de Foeryu de la Grande Muraille dans le district de Lulong,province du Hebei,en octobre 2016.

Ces derniers jours, He Xiongzhou, un photographe de 49 ans du Guangdong (sud-est de la Chine), avait la tête ailleurs. Pour être précis, toute son attention était dirigée vers Manama, la capitale du Bahreïn, où s’est tenue la 42eréunion du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco du 24 juin au 4 juillet.

Après une longue attente, la nouvelle qu’il attendait avec tant d’impatience est tombée : le mont Fanjing, où He réside, figurait désormais sur la liste du patrimoine naturel mondial de l’Unesco.

C’est en 2006 que He Xiongzhou a visité pour la première fois le mont Fanjing, situé dans la province du Guizhou. Immédiatement fasciné par la beauté de son paysage,il décide de vendre sa maison et de s’établir sur cette montagne. Depuis, il a entrepris d’immortaliser ses beaux paysages avec sa caméra. Depuis 12 ans, il dit avoir pris plus de 100 mille photos de cette montagne sous tous ses angles.

Quand il compare les photos prises il y a 12 ans à celles d’aujourd’hui, il constate que rien ou presque n’a changé : cela signifie que le gouvernement local accorde beaucoup d’importance à la protection.

« Mais maintenant que le mont Fanjing a été inscrit sur la liste du patrimoine naturel mondial, on devra accorder une plus grande attention à sa protection », dit-il.

La protection du patrimoine culturel mondial et son exploitation ne sont pas contradictoires, il faut que les autorités locales adoptent des méthodes efficaces pour obtenir un résultat gagnantgagnant.

ZHAO YUN,vice-directrice du Centre du patrimoine culturel mondial de Chine

La technologie moderne en aide

Le 22 novembre 1985, la Chine adhère à la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’Unesco. Depuis, elle participe activement à la protection du patrimoine mondial. Incluant le mont Fanjing, le pays compte maintenant 53 sites du patrimoine mondial, ce qui le place au deuxième rang mondial.

Ces dernières années, la Chine a ajouté une autre corde à son arc en utilisant la technologie moderne pour mieux protéger ses sites patrimoniaux. Le 25 avril 2018, la multinationale américaine de technologies Intel et la Fondation chinoise pour la conservation du patrimoine culturel ont signé un accord de partenariat pour protéger et restaurer la Grande Muraille de Chine à l’aide de drones et de l’intelligence artificielle.

« En tant que l’une des sept merveilles du monde, la Grande Muraille a été exposée à l’érosion météorologique pendant des milliers d’années, explique Li Xiaojie,président de la Fondation chinoise pour la conservation du patrimoine culturel. Certaines parties sont situées sur des pentes raides, ce qui pose un grand défipour l’entretien quotidien. Notre partenariat avec Intel nous ouvre de nouvelles avenues de la préservation. »

Le tronçon Jiankou de la Grande Muraille est parmi les plus célèbres et les plus escarpés. Située dans une épaisse forêt, la section du mur, qui date du IIIesiècle av. J.-C.,a été mise à rude épreuve par le temps. Les drones Falcon 8+ d’Intel serviront à cartographier la zone par photographie aérienne,générant des images 3D en haute définition permettant aux équipes d’évaluer l’état actuel des dommages. Les données seront ensuite soumises à l’intelligence artificielle qui créera une représentation visuelle de la Grande Muraille permettant d’identifier efficacement et en toute sécurité les zones devant être réparées. Tout cela aurait été impossible sans ce soutien technologique.

Outre la Grande Muraille, beaucoup de sites patrimoniaux semblables profitent de la technologie moderne. Les grottes de Mogao, situées dans le désert de la province du Gansu (nord-ouest), ont été inscrites au patrimoine culturel mondial dès 1987.Face à la menace de l’érosion naturelle et des dommages provoqués par l’homme,les travaux de numérisation des grottes ont débuté dès les années 1990. Après plus de 20 ans de travail, une centaine de grottes ont fait l’objet de numérisation et de modélisation 3D. Depuis le 29 avril 2016, les grottes de Mogao peuvent être visitées de manière numérique, en haute définition et même en réalité virtuelle sur internet.

« Par ces outils, nous souhaitons exposer ces trésors de l’humanité à un plus grand nombre de visiteurs et aider les études et la recherche sur les grottes de Dunhuang,en Chine et au-delà », dit Wang Xudong,président de l’Académie de Dunhuang, seul organisme responsable de la protection et de l’étude des grottes.

Meilleure gestion touristique

La vieille ville de Pingyao, dans la province du Shanxi (nord), a été inscrite sur la liste du patrimoine culturel mondial en 1997.Peu après, le nombre des visiteurs a explosé, passant de 50 000 en 1997 à plus de 1,5 million en 2016. Même chose pour les grottes de Longmen, inscrites en 2000 :la vente de billet est passée de 10 millions de yuans en 2000 à 27 millions de yuans en 2001.

« J’avais contribué à la protection des vieilles villes de Pingyao et Lijiang, mais une fois qu’elles sont devenues des sites touristiques populaires, les choses ont pris une tournure plutôt tragique », dit Ruan Yisan, professeur à l’Université Tongji de Shanghai.

La situation est telle que les remparts de la vieille ville de Pingyao se sont écroulés à trois reprises en deux ans, à cause des touristes trop nombreux. À Dunhuang, les grottes sont aussi victimes de leur popularité,qui a accéléré l’oxydation des fresques. « La fonction principale du patrimoine culturel mondial est sa fonction culturelle et non sa fonction économique. Dans certains endroits,on considère ces sites d’abord comme des attractions touristiques qui sont ensuite surexploitées, ce qui ne devrait pas être le cas », dit Xie Ninggao, professeur au Centre de recherche du patrimoine mondial de l’Université de Pékin.

En fait, dès 2002, le ministère de la Culture, l’Administration nationale du patrimoine culturel et d’autres organes gouvernementaux ont publié conjointement un règlement qui stipule que la protection du patrimoine culturel mondial est un préalable à son exploitation. De fait, le gouvernement chinois a renforcé sa surveillance des programmes d’exploitation des sites du patrimoine culturel mondial et a rejeté ceux considérés comme déraisonnables.

« La protection du patrimoine culturel mondial et son exploitation ne sont pas contradictoires, il faut que les autorités locales adoptent des méthodes efficaces pour obtenir un résultat gagnant-gagnant », dit Zhao Yun, vice-directrice du Centre du patrimoine culturel mondial de Chine.