LU RUCAI, membre de la rédaction
L’émergence des écoles hors les murs
LU RUCAI, membre de la rédaction
Après le film français Entre les murs, découvrez l’initiative prise à Dongcheng de proposer un enseignement « hors les murs »avec une large gamme de cours plus pratiques, plus spécialisés et plus tournés vers la société.
Des élèves en cours d’archéologie découvrent des fossiles.
Han Juan est professeure à la Faculté de chimie de l’Université normale de Beijing. Enseigner devant des classes d’étudiants et mener des recherches sont ses missions au quotidien. Mais en parallèle,elle assume à mi-temps un autre poste à responsabilités : elle donne des cours de travaux pratiques en chimie auprès de collégiens. Une opportunité d’emploi qu’elle a pu saisir suite à une coopération entre l’Université normale de Beijing et l’arrondissement Dongcheng, qui vise à proposer des cursus élaborés par un réseau d’instituts. Le Centre d’enseignement de chimie appliquée, qui relève de l’Université normale de Beijing, est l’un des 21 premiers lieux à Beijing à avoir ouvert ce type de cours pratiques à destination des écoliers,des collégiens et des lycéens.
Dix ans plus tôt, déjà l’idée d’établir des« écoles hors les murs » avait été avancée à Dongcheng. Il était prévu qu’à partir de 2012, en plus des programmes classiques, les écoles dans l’arrondissement proposeraient des cursus mis en place par un réseau d’instituts, afin de maximiser les ressources pédagogiques, d’appeler les ressources de la société à contribuer à l’éducation, de rééquilibrer les moyens dont disposent les divers établissements et de connecter plus étroitement l’enseignement et la société d’aujourd’hui.
De nos jours, le réseau d’instituts suit une configuration illustrée par la formule« 1+N+8+X » : 1 fait référence à l’Institut des jeunes de Dongcheng, qui se charge de l’élaboration et de la coordination des cours généraux ; N désigne les instituts qui ont été établis successivement, notamment l’Institut des sciences et des technologies,l’Institut culturel et artistique, l’Institut des échanges internationaux et l’Institut d’étude des pratiques sociales, lesquels s’occupent du développement, de la conception et de la mise en œuvre des cours de spécialité ;8 signifie les huit branches de l’Institut des jeunes de Dongcheng, qui outre le développement, la conception et la mise en œuvre des cursus intégrés, se concentre sur la création de cursus à visée professionnelle ; X renvoie à un ensemble de lieux d’enseignement dont les écoles primaires, établissements secondaires et forces sociales, pour que la société s’investisse toujours plus dans l’éducation.
Wang Yachao, élève de seconde au lycée Hongzhi à Dongcheng, a choisi la médecine traditionnelle chinoise parmi les cours proposés par le réseau d’instituts.Elle souhaite apprendre à « mieux prendre soin de sa propre santé et de la santé de sa famille » et envisage même de faire carrière dans cette voie.
Ce cours de médecine traditionnelle chinoise est enseigné depuis plusieurs années au lycée Hongzhi. Ce lycée est doté d’un laboratoire spécialement dédié à la médecine traditionnelle chinoise, plutôt petit mais bien équipé, avec par exemple des appareils pour établir un diagnostic de santé globale par analyse de la langue,prendre le pouls ou encore préparer des médicaments. Yu Zhuonan, aspirant-chercheur en dernière année à l’Université de médecine et de pharmacologie traditionnelles chinoises de Beijing, est celle qui dispense ce cours. En tant que membre de l’équipe entrepreneuriale au sein de son université, elle a accepté cette mission et fait à présent la classe pour une vingtaine d’élèves issus de différentes formations.Outre ce cursus, l’Université de médecine et de pharmacologie traditionnelles chinoises de Beijing a ouvert des classes de médecine traditionnelle chinoise au service des relations internationales du lycée annexe de l’Université normale de Beijing et au 2elycée annexe de cette même université.
« J’imaginais qu’il serait difficile de développer l’esprit de recherche chez les collégiens, mais au fil des cours, j’ai découvert que certains étaient très doués pour la recherche et apportaient même de nouvelles idées », déclare Yu Zhuonan.Elle avoue que, chaque fois qu’elle repère des élèves talentueux, elle espère au fond d’elle « qu’ils poursuivront leurs études dans la médecine traditionnelle chinoise.D’une part, ils pourront contribuer au développement de cette discipline ; d’autre part, ils ne gaspilleront pas leur don et en exploitant pleinement leur potentiel,apprendront à mieux se connaître euxmêmes ». Elle souhaite amener ces collégiens et ces lycéens à acquérir le plus tôt possible un esprit de recherche pour qu’ils parviennent à comprendre à quel point la précision des données et la rigueur des rapports sont des points cruciaux dans la recherche.
Il ne s’agit-là que d’un petit exemple de cursus proposé dans le cadre du réseau d’instituts de Dongcheng. Selon Guo Hong, directrice de l’Institut des jeunes de l’arrondissement Dongcheng, les jeunes inscrits dans les diverses écoles de l’arrondissement sont libres d’aller suivre les cours qui les intéressent, quel que soit l’établissement les organisant. Par exemple, les élèves de la 4eécole de Hepingli peuvent apprendre l’art numérique et la robotique intelligente au collège 171 ; les élèves de la 1reécole Huiwen peuvent participer à un programme de cours à visée professionnelle à l’Institut international de formation professionnelle de Beijing,notamment sur l’art de la composition florale et le design vestimentaire. Et même pendant les vacances d’été et d’hiver, les élèves ont l’opportunité de participer à des activités enrichissantes : séjour au district de Lufeng (province du Yunnan) pour découvrir les fossiles de dinosaures, visite de l’incubateur d’entreprises Chaihuo Makerspace à Shenzhen pour développer l’esprit entrepreneurial, et même voyages à l’étranger (à Singapour pour comprendre les mystères de l’ADN et en Australie pour explorer une autre culture).
Jusqu’à présent, l’arrondissement Dongcheng a mis en place plus de 300 programmes de cours basés sur le réseau d’instituts, lesquels couvrent une multitude de domaines : culture et société,sport et santé, sciences et technologies,arts et littérature, formation à l’international ou encore formation professionnelle.Plus de 400 enseignants, 84,2 % des écoles secondaires et 96,7 % des écoles primaires participent à ce projet. Attirés par l’éventail de cours intéressants, les élèves sont aussi de plus en plus nombreux à s’inscrire. Ils étaient 22 000 sur l’année scolaire 2014-2015, puis 64 000 l’année suivante.
Guo Hong, directrice de l’Institut des jeunes de l’arrondissement Dongcheng, observe le cours de culture alimentaire européenne et la cuisson des gâteaux.
Comme nous l’avons évoqué avec l’histoire de Han Juan, l’Université normale de Beijing a établi un centre d’enseignement de chimie appliquée dans le cadre du réseau d’instituts. En tenant compte des besoins en matière d’enseignement et du goût des élèves du secondaire, ce centre a planifié et réalisé une dizaine d’expériences chimiques étroitement liées à la vie de tous les jours : extraction de l’iode contenue dans les algues, préparation d’alcool solidifié, extraction de la théine renfermée dans les feuilles de thé, par exemple. Leur contenu concerne l’alimentation et l’agriculture, la santé et la médecine, l’énergie et les transports, et bien d’autres secteurs encore. Toutes ces expériences permettent aux élèves d’acquérir de nouvelles compétences pratiques.
« Les cours que nous dispensons aux élèves sont un concentré simplifié des cours de chimie appliquée habituellement destinés aux étudiants non normaliens,auxquels nous tentons d’ajouter une touche ludique », explique Han Juan. Et d’ajouter : « Personnellement, j’estime qu’il est important, et même nécessaire,que les universités contribuent à l’enseignement dans les collèges et lycées. Je voudrais montrer aux élèves, au plus tôt,à quel point la chimie peut être captivante pour éveiller leur intérêt envers cette matière et cultiver des futurs talents. » Toutefois, c’est un vrai défipour les professeurs à l’université que d’enseigner à des élèves du secondaire, parce qu’« il faut aborder les théories chimiques sans rendre les cours assommants ». Actuellement, ce programme de travaux pratiques en chimie ne s’adresse qu’aux collégiens, mais Han Juan espère que d’autres programmes de ce genre seront également ouverts pour les lycéens.
Les 21 lieux d’enseignement pratique à Beijing, qui accueillent les élèves de la primaire et du secondaire, comprennent des laboratoires répartis dans 16 universités et 4 laboratoires d’institutions sociales,notamment le Centre de formation en industries de base de l’université Tsinghua,le Centre pilote au niveau national d’enseignement de l’information électronique aérospatiale de l’Université de l’aéronautique et de l’aérospatiale de Beijing, le Centre pilote de physique de l’Université des sciences et technologies de Beijing,le laboratoire clé au niveau municipal des sciences et travaux liés à l’environnement de l’Université polytechnique de Beijing,le Parc industriel d’économie circulaire de l’arrondissement Chaoyang à Beijing et l’Institut de recherche en impression 3D de Beijing.
Ces institutions ne sont impliquées que dans la partie « X » du réseau d’instituts.Pour véritablement engager la société dans ce processus, la Commission d’édu-cation de Dongcheng cherche à élargir le cercle des institutions sociales prenant part au projet. Par exemple, Guhuajinyu,une SARL pékinoise, propose aux élèves d’écoles primaires et secondaires des cours pratiques sur l’impression et la fabrication du papier, cherchant à susciter chez ces jeunes un intérêt particulier pour ces domaines. « Auparavant, le tarif de chacun de ces programmes de cours organisés endehors de l’enceinte scolaire dépendait du contenu. Mais aujourd’hui, le prix est fixé en fonction de l’appréciation des élèves.Un cursus affichant une note élevée et un fort taux de participation pourra revoir son tarif à la hausse », confirme M. Zhang,professeur au sein de Guhuajinyu. D’après lui, ce principe encourage, dans une certaine mesure, les institutions éducatives à soigner la qualité de l’enseignement.
Le Musée du Palais impérial et la Bibliothèque nationale de Chine ont également pris part à ce projet d’enseignement primaire et secondaire « hors les murs ».Selon Mme Fan, qui travaille au service d’éducation et de communication du musée, pour le moment, celui-ci a noué des coopérations avec le 65ecollège et le collège 166 de Dongcheng, le 31ecollège de Xicheng et l’école Shuangyushu de Haidian, avec l’ouverture de cours spécifiques traitant des expositions et des collections du Musée du Palais impérial et abordant les thèmes culturels et historiques connexes. Pour agrémenter les cours,le musée a également développé une série de produits didactiques, par exemple, une pochette avec tout le nécessaire pour créer soi-même une parure de courtisane, un set pour la gravure de sceau, une boîte à outils pour estamper des inscriptions lapidaires ou encore un jeu d’origamipour façonner une robe impériale en papier.
Les élèves apprennent à piler des médicaments pendant un cours de médecine traditionnelle chinoise.
« L’objectif principal du réseau d’instituts est de promouvoir l’épanouissement général et individuel des élèves, tout en explorant un nouveau modèle de développement des talents en phase avec notre époque.Nous devons parvenir à un enseignement centré sur les élèves, qui passe de la configuration ‘école + manuel + enseignant’ à un modèle intégré, innovant, ouvert et dynamique », annonce Guo Hong.
Depuis longtemps, l’enseignement à la chinoise a la réputation d’inculquer aux élèves une masse de connaissances suivant les principes de la répétition et du par cœur. Pourtant, ces dernières années, cette méthode axée sur les examens a progressivement été réformée. Dans toutes les provinces, les autorités concernées se sont mises à rechercher de nouveaux moyens de garantir l’épanouissement des élèves sur tous les plans. Dans les grandes villes telles que Beijing et Shanghai, la réforme de l’éducation progresse plus rapidement.« Prenons l’arrondissement Dongcheng comme exemple. Nous sommes d’avis que l’enseignement fondamental doit reposer sur les écoles, mais que l’épanouissement des élèves doit s’opérer via le réseau d’instituts », ajoute Guo Hong.
Pour assurer la rigueur et la précision des programmes mis en place par le réseau d’instituts ainsi que pour rendre la mise en œuvre et l’évaluation des cours plus scientifiques, commodes et pragmatiques,l’Institut des jeunes de Dongcheng a encore établi une coopération avec l’Académie des sciences sociales de Chine et l’Institut de la science de l’éducation de Beijing. L’interaction entre les établissements contribuera à l’extension et à l’optimisation du système de cours.
Tian Dewen, directeur de l’Institut d’étude sur l’Europe de l’Académie des sciences sociales de Chine, a commencé en 2016 à participer à la réforme de l’éducation menée à Dongcheng, en tant qu’expert. Ses missions consistent à effectuer des recherches sur ce modèle d’instituts,en s’inspirant notamment des réformes engagées par certains pays européens,puis à livrer ses conseils. Aujourd’hui, il considère que la réforme de l’éducation en vigueur à Dongcheng est « à la hauteur de la précédente réforme effectuée par des pays européens ». « La méthode d’enseignement innovante formulée par l’université d’Helsinki sous la houlette du ministère finnois de l’Éducation, les cours orientés vers des projets mis en place par la Slovénie, ou encore les formations d’apprentissage professionnel qui se multiplient en Allemagne, ont tous pour but de renforcer la spécialisation au cœur de l’enseignement général et d’accorder plus d’importance à l’épanouissement des élèves par le biais d’un enseignement mettant à l’honneur la recherche et l’autonomie. Ces pays mettent pleinement en jeu les ressources de la société pour élaborer les cours et transmettre les connaissances, avec un contenu et des procédés novateurs. » Il fait remarquer que, dans le cadre de sa réforme de l’éducation,Beijing a entamé des coopérations avec d’autres pays, pour permettre l’accumulation de nouvelles expériences à travers les échanges. Tian Dewen, quant à lui, propose d’introduire une méthode ouverte de coordination (MOC) à l’instar de l’Union européenne, pour fonder un mécanisme institutionnel selon lequel l’enseignement des connaissances de base est ouvert, normalisé et évaluable.
D’après Guo Hong, l’objectif est d’établir un système d’enseignement où universités, collèges, lycées et écoles primaires sont reliés telle une chaîne. Il convient de dresser une « cartographie de cours pratiques » complète à travers la mise en place conjointe d’instituts, d’écoles et de forces sociales, pour permettre aux élèves de mieux grandir et s’épanouir.