MA LI*
L’île de Gulangyu : des architectures anciennes qui abritent de vieilles histoires
MA LI*
Inscrite au patrimoine mondial, l’île de Gulangyu est un joyau à la valeur architecturale et historique unique au monde.
Vue aérienne sur l’île de Gulangyu
Lors de la 41esession du Comité du patrimoine mondial, la candidature de l’île de Gulangyu a été approuvée par l’examen final du comité et inscrite sur laListe du patrimoine culturel mondialde l’UNESCO. La Chine compte déjà 52 sites sur cette liste.
Dans sa demande d’inscription sur laListe du patrimoine culturel mondial, le dossier de candidature de Gulangyu a référencé 51 groupes de bâtiments historiques représentatifs, quatre groupes de rues historiques, sept paysages naturels représentatifs, ainsi que deux sites culturels représentatifs. Avec 900 architectures historiques, ces sites constituent des paysages urbains historiques homogènes et aux caractéristiques riches. Derrière ces bâtiments historiques, il y a des histoires particulières qui valent la peine d’être découvertes.
Gulangyu est une île située à l’embouchure de la rivière des Neuf-Dragon. Occupant une superficie de 1,88 km², l’île de Gulangyu est séparée des quartiers urbains de Xiamen par le détroit de Lujiang.
Après la guerre de l’Opium, Xiamen a été ouverte comme port commercial en 1843.
Selon des statistiques récentes, Gulangyu abrite 1 200 anciennes villas, grandes ou petites, parmi lesquelles le jardin des Huang, le bâtiment Bagua, la villa Haitiantang, la villa Huang Rongyuan, la villa Ronggu, le bâtiment Fanpo, la résidence Huifeng sont les plus connus.
Selon les documents de l’évaluation publiés par l’organisme consultatif du Comité du patrimoine mondial, les caractéristiques et le style architecturaux de Gulangyu sont un témoignage de la combinaison entre les architectures de la Chine, de l’Asie du Sud-Est et de l’Europe, formant un ensemble unique de valeurs culturelles où le cosmopolitisme côtoie naturellement la tradition. Cette combinaison est due à la culture plurielle des habitants étrangers et chinois d’outremer.
« Une culture plurielle mondiale installée à Gulangyu compose le style décoratif de Xiamen en matière de décoration des architectures. Il s’agit d’un style unique dans le monde », constate Wu Yongqi, chercheur en histoire du Bureau de demande d’inscription de Gulangyu sur laListe du patrimoine culturel mondial.
« La villa Haitiantang possède une architecture particulièrement connue à Gulangyu, un modèle de l’alliance des cultures orientale et occidentale », affirme Wu Yongqi.
Située dans la rue Fujian, cette villa est l’élément clé de la demande d’inscription de Gulangyu sur laListe du patrimoineculturel mondial. Selon Wu Yongqi, autrefois, sur l’emplacement de cette villa se trouvait le site du « Club des nations » que les Occidentaux fréquentaient. Les travaux de construction du club avaient été démarrés en 1873 et achevés en 1876.
« Dans les années 1920, Huang Xiulang, un ressortissant chinois de retour des Philippines, a acheté le Club des nations, et il en a fait construire un nouveau à droite du bâtiment selon le plan original fourni par un Anglais. Le nouveau bâtiment a été bâti selon le principe symétrique des architectures chinoises », explique Wu Yongqi. Par la suite, Huang Xiulang a fait construire trois villas au milieu et les deux extrêmités de l’axe entre les deux premiers bâtiments. Ces constructions constituent le seul groupe de villas aménagées symétriquement le long de l’axe aujourd’hui à Gulangyu. « Parmi les cinq bâtiments, le bâtiment Zhonglou est le plus remarquable, ses colonnes en forme carrée et en briques rouges s’intègrent dans l’environnement grâce à sa teinte ; la véranda est décorée de voûte et s’avère imposante », décrit Wu Yongqi.
En 1859, Huang Xiulang est né à Jinjiang dans le Fujian. Issu d’une famille pauvre, il fut obligé d’aller gagner sa vie aux Philippines. Après une vingtaine d’années d’efforts, Huang Xiulang devint un homme d’affaires riche. En 1899, il retourna en Chine et s’installa à Gulangyu. Wu Yongqi raconte : « Il a ouvert une maison de commerce avec 50 000 pièces d’argent. Ses affaires marchaient bien grâce à son honnêteté et ses bons services ; le champ d’activité ne cessait de s’étendre. » Après son retour en Chine, Huang Xiulang a atteint le succès dans des affaires devenues florissantes : « Il a ouvert une banque et il s’est encore lancé dans le transport de marchandises. Le transport lui a rapporté une énorme fortune. »
Le bâtiment Zhonglou ressemble à la fois à une architecture chinoise et occidentale. Au cours de la demande d’inscription de Gulangyu sur laListe du patrimoine culturel mondial, Wu Yongqi se rappelle d’une anecdote : « Les architectes chargés de la demande d’inscription ont visité ce bâtiment, mais ils n’ont pas pu trancher sur son classement. Le classer dans la catégorie des bâtiments chinois n’était pas approprié car il ressemble plutôt à une constructionoccidentale ; mais le considérer comme faisant partie du groupe des architectures occidentales ne convenait pas davantage en raison de ses caractéristiques chinoises très visibles. Finalement, les experts ont classé ce genre de bâtiment dans le groupe des bâtiments de style décoratif de Xiamen. » Le style décoratif de Xiamen est devenu ensuite un élément très important dans le processus de la demande d’inscription au patrimoine mondial.
Wu Yongqi présente la vieille architecture de l’île.
En face des bâtiments Haitiantang, se trouve la villa Huang Rongyuan, l’une des dix plus importantes villas sur l’île.
« Les documents actuels précisent que cette villa a été construite en 1920. Ce n’est pas correct, car sur une photo prise en 1915 par un étranger on peut la voir. Selon les estimations des historiens, ce bâtiment a dû être construit en 1910 », explique Wu Yongqi.
Lorsque nous entrons dans la villa, nous pouvons la contempler et se laisser imprégner par son histoire. Il y a beaucoup de colonnes qui la supportent. Chaque colonne est faite de granit ; la villa a un style espagnol typique et est somptueuse. Le jardin est verdoyant et calme.
« Construite il y a plus de 100 ans, la villa est toujours belle et continue de nous émerveiller. C’est le charme du temps donné à l’architecture », remarque Wu Yongqi. La villa appartenait à Shi Guangming, un ressortissant chinois originaire de Jinjiang et, lui aussi, de retour des Philippines. Shi Guangming jouissait à l’époque d’une grande réputation à Gulangyu et aux Philippines.
Par la suite, toute la famille des Shi avait immigré vers les Philippines et cédé la villa à Huang Zhongxun, ressortissant chinois qui vécut d’abord au Vietnam puis en France. Ce dernier tenait une société immobilière au Vietnam appelée Huang Rongyuan. Pendant un temps, cette société fut implantée à Gulangyu, donnant ainsi le nom de Huang Rongyuan à la villa.
« Après que Huang Zhongxun eu acheté la villa, comme il n’aimait pas la structure du bâtiment, trop basse et trop grosse, il l’a réaménagée. Il a fait construire les trois étages au-dessus du bâtiment ; le réaménagement a modifié l’ancienne forme en éventail de la villa. Le toit en dent de scie renforçait l’effet en trois dimensions de la villa. Ces dents de scie étaient le symbole du style architectural français. » Selon Wu Yongqi, après le réaménagement, Huang Zhongxun n’était pas encore satisfait, pensant que le bâtiment n’est pas assez élevé. Il a donc fait creuser une dépression dans le sol devant la villa. Ainsi, les personnes passent par l’entrée et arrivent d’abord dans le creux, créant l’impression d’une villa encore plus grandiose et élevée.
La villa Huang Rongyuan construite il y a plus d’un siècle a conservé son charme.
« Ce n’est pas une simple dépression creusée dans le sol. Les balustrades sont d’un style occidental mélangé d’éléments chinois. Si nous regardons le creux depuis le haut, il prend la forme d’un lingot. Le creux était appelé le « pot d’accumulation des trésors ». Comme Huang Zhongxun était un homme d’affaires, il pensait qu’un pot d’accumulation des richesses ne suff isait pas. Il a donc fait creuser un trou au milieu du « pot ». Cela signifie que lorsque les portes sont ouvertes, les richesses s’accumulent automatiquement dans sa maison, puis elles entrent dans le trou des richesses », explique Wu Yongqi. D’après lui, dans le trou carré du « pot », il y avait parfois de l’eau. On y élevait des poissons rouges dont la signification était d’embellir davantage ce qui était déjà très beau.
« Au deuxième étage du bâtiment, à droite, il y a un petit pavillon ; il s’agit d’une architecture vietnamienne typique. On peut résumer les caractéristiques de l’architecture par cette image : un Espagnol qui porte un chapeau français comportant des éléments vietnamiens. »
Wu Yongqi espère que lorsque les gens visiteront cette villa romantique, ils pourront connaître les histoires réelles de son architecture et de ses propriétaires. « Nous sommes en train de découvrir et mettre en valeur les histoires des bâtiments qui ne sont pas encore ouverts au public, car c’est l’histoire de la prospérité d’autrefois de Gulangyu, c’est la signification de la perpétuation, de la mise en valeur et de la protection du patrimoine de cette île jusqu’à nos jours. »
*MA LI est journaliste deBeijing Review.