Connaître la Chine : mission impossible?

2017-09-16 06:28ZHENGRUOLIN
今日中国·法文版 2017年9期

ZHENG RUOLIN*

Connaître la Chine : mission impossible?

ZHENG RUOLIN*

The China Wave : Rise of A Civilizational State

De plus en plus d’Occidentaux ont vu que la Chine faisait avancer la mondialisation en lançant l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, que la Chine devenait le défenseur du libreéchange et enfin que la Chine était un pays très actif dans le leadership du changement climatique.

Journaliste ayant travaillé en France pendant une vingtaine d’années, j’observe toujours de près les reportages publiés dans la presse française qui portent sur la Chine. Depuis les années 1990 jusqu’à nos jours, en passant par la première décennie de ce siècle, la Chine, peu abordée autrefois, est devenue un sujet qui focalise désormais l’attention des médias français. Un pic avait été atteint en 2008 où, tous les jours ou presque, on pouvait lire quantités d’informations sur la Chine. À l’heure actuelle, malgré une actualité relativement « froide », les sujets liés à la Chine continuent de faire l’objet de reportages et commentaires dans la presse française.

Tous les jours nous pouvons voir, lire et entendre des informations sur la Chine dans les médias français. Prenons l’exemple du site Internet duFigaro, le journal qui a le plus grand tirage en France et que je trouve, personnellement, relativement objectif. Le mois dernier, le site a publié une quarantaine d’articles portant sur la Chine : douze articles étaient consacrés aux droits de l’homme, huit parlaient des relations internationales notamment entre la Chine et les États-Unis, neuf étaient relatifs à l’économie, quatre concernaient les pandas géants, sept étaient liés à la culture, quatre étaient consacrés aux exercices militaires et à la commémoration de la rétrocession de Hong Kong à la Chine, quatre autres relataient des sujets divers...

En plus de ceux qui traitent des droits de l’homme, les autres, quels que soient leurs sujets, expriment sans exception des points de vue ostensiblement négatifs à l’égard de la Chine.

Je connais bien les médias français et chinois, ainsi que les publics de ces deux pays dont la compréhension réciproque repose en grande partie sur les reportages diffusés. J’ai moi-même publié des articles dans les médias des deux pays et même un livre en France dans la langue de Molière,Les Chinois sont des hommes comme les autres,destiné à présenter notre pays au public français. Voilà cinq ans que j’ai publié le livre, mais lorsque je lis les informations à propos de la Chine dans la presse française, je vois avec regret que l’image globale de mon pays reste négative et souffre d’un manque d’objectivité. Ce phénomène s’explique-t-il par la différence entre les régimes chinois et français ? Mes confrères français rejettent une telle hypothèse. Mais quel motif pousse les journalistes français à avoir une vision si négative de la Chine ? Mes amis journalistes français m’ont expliqué qu’« il existede factoune actualité chinoise négative ». Toutefois, nous pourrions poser la question suivante : n’existe-t-il pas des phénomènes négatifs dans les autres pays ? Pourquoi les journalistes français ne rapportent-ils que le côté sombre de la Chine lorsqu’ils couvrent les événements qui s’y produisent ?

J’ai fait mes études pendant un an au Centre de formation des journalistes situé rue du Louvre. Je n’ai nul souvenir qu’un professeur ait dit que les reportages devaient porter uniquement sur des informations négatives. Bien sûr, si le lecteur vit dans le pays que les reportages couvrent, son expérience peut corriger automatiquement les erreurs des journalistes. Mais plus le pays couvert est lointain comme la Chine, plus le lecteur est dans l’incapacité de vérifier si les informations récoltées par les journalistes sont réelles et objectives. Près de 500 000 Français voyagent en Chine chaque année. Ces touristes peuvent constater de leurs yeux ce qui se passe en Chine et quelle est la vie quotidienne des Chinois, mais davantage de Français connaissent la Chine par le canal des médias. Donc pour un Français qui veut comprendre la Chine, le rôle des médias est crucial.

Imaginons une seconde qu’un lecteur français, qui n’a jamais visité la Chine, lise tous les jours des informations négatives sur les droits de l’homme et la pollution. Comment pourrait-il comprendre que la Chine a fait sortir de la pauvreté des centaines de millions de personnes et que le pays est devenu la deuxième puissance économique mondiale en seulement trois décennies?

Vers 2008, l’année où les Jeux Olympiques se tenaient à Beijing, cette situation préoccupante concernant la presse occidentale a poussé la Chine à réfléchir à son image médiatique. À l’époque, les Chinois n’en comprenaient pas la cause, pensant qu’ils n’avaient pas bien présenté aux Occidentaux ce qui se passait en Chine. Dès lors, nous nous sommes efforcés de raconter aux amis français et européens ce qui se passait dans notre pays depuis trois décennies : le développement pacifique préconisé par la Chine, l’intégration chinoise dans lamondialisation dominée par l’Occident, le soutien accordé à la COP21 pour faire face au changement climatique.

Néanmoins, aujourd’hui, la situation n’a pas connu un changement radical. L’image de la Chine reste encore très négative dans la presse française, voire occidentale. Je doute que les médias occidentaux envisagent de présenter une Chine réellement objective à leur audience. En conséquence, Je voudrais indiquer sans détour que la vérité est ailleurs.

Jusqu’à nos jours, les pays occidentaux développés qui fonctionnent sur le système de l’élection démocratique n’ont pas connu un effondrement similaire à l’ex-Union soviétique. Francis Fukuyama a affirmé que le régime démocratique incarnait la fin de l’histoire, à savoir une forme finale de la gouvernance de l’humanité. En effet, quand nous observons les pays occidentaux munis d’un système d’élection démocratique, nous découvrons une caractéristique du public occidental qui est convaincu que « la démocratie est le pire système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire ». Cet aphorisme de Winston Churchill signifiait que, en fin de compte, le régime démocratique était « le meilleur » possible.

Prenons la France comme exemple, toutes les enquêtes montrent que le peuple n’est satisfait ni du gouvernement ni du président qu’il a élu. La popularité de l’ex-président Hollande était tombée à 10 % à la fin de son mandat et trois mois après l’élection d’Emmanuel Macron, sa popularité ne cesse de chuter elle aussi. Pourtant, lorsqu’il s’agit du régime politique de leur pays, j’ai découvert avec surprise que les Français le soutiennent et pensent qu’il n’en existe pas de meilleur en France, mais aussi en Europe et dans tout l’Occident. Malgré les limites de plus en plus visibles du système d’élection démocratique occidental, l’opinion française continue de lui témoigner sa confiance même si ce fondement de la vie publique est incapable de résoudre les problèmes auxquels la société française fait face. C’est là une différence entre la Chine et la France, voire entre la Chine et l’Occident.

Malgré tout, le public occidental commence à prendre conscience du rôle positif et de plus en plus important de la Chine à l’échelle internationale. De plus en plus d’Occidentaux ont vu que la Chine faisait avancer la mondialisation en lançant l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie, que la Chine devenait le défenseur du libre-échange et enfin que la Chine était un pays très actif dans le leadership du changement climatique. Parallèlement, avec l’accroissement de la puissance de l’économie chinoise, les sciences et techniques, la culture et les touristes chinois entrent désormais sur le marché occidental et sensibilisent les Occidentaux aux grandes transformations de la société chinoise. Le secret du succès de la Chine a suscité un vif intérêt auprès du public occidental. Dans ce contexte, le « modèle chinois » lancé par le chercheur Zhang Weiwei, auteur d’une trilogie sur la Chine (dontThe China Wave : Rise of A Civilizational State), et la « voie du développement chinois » étudiée par l’Institut de Chine relevant de l’université Fudan ont commencé à exercer une influence sur les chercheurs occidentaux en théorie et sur le public occidental. En effet, ces études ont avancé un « modèle de développement chinois » différent de celui existant en Occident.

L’émission de la CCTV Tale of Dragon reprend des récits chinois.

Depuis la guerre de l’Opium qui força la Chine, 170 ans auparavant, à ouvrir ses portes, le pays a subi des échecs et traversé une période difficile de tâtonnements à la recherche d’un modèle de développement qu’elle a trouvé aujourd’hui.

Pour exprimer le fond de ma pensée, si les médias français, voire occidentaux, dépeignent avec insistance une image si négative de la Chine, c’est dans le seul but de défendre leur système électoral démocratique. Les Chinois ne s’opposent pas au régime démocratique occidental qui doit ses origines à la culture et à la tradition occidentales et se révèle bien adapté aux pays occidentaux développés. Compte tenu des conditions propres de la Chine, la voie chinoise et le modèle chinois conviennent plus à son histoire et à sa tradition culturelle. Pour reprendre une phrase du président Xi Jinping, « on sait par soimême si on a trouvé chaussure à son pied ». La Chine est une civilisation vieille de 5 000 ans. Depuis la guerre de l’Opium qui força la Chine, 170 ans auparavant, à ouvrir ses portes, le pays a subi des échecs et traversé une période difficile de tâtonnements à la recherche d’un modèle de développement qu’elle a trouvé aujourd’hui ; peut-être même que le modèle de développement chinois pourrait davantage convenir à d’autres pays qui n’ont pas connu la phase du colonialisme et de l’industrialisation.

En Chine, on dit : mettez-vous à la place d’autrui. C’est-à-dire mettez-vous à la place de votre interlocuteur, pour réfléchir dans les pas de sa logique. De cette façon, on peut comprendre les autres et les accepter plus facilement. Confucius l’a aussi exprimé comme suit : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. » Enfin, la section 12 du chapitre 7 de l’Évangile selon Saint Matthieu contenu dans leNouveau Testamentla formule de cette façon : « Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le aussi pour eux. » En définitive, quel que soit le modèle, celui qui convient le plus à votre pays est le meilleur. Si les journalistes français ou occidentaux réussissent à observer la Chine de cette façon, leurs reportages n’en seront que plus objectifs et leurs points de vue plus conformes à la réalité de la Chine vécue par une partie de leur public sur place.

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidienWen Hui Baode Shanghai et l’auteur du livreLes Chinois sont des hommes comme les autresaux Éditions Denoël.