Le libre-échange, passionnément
La Chine recherche un traitement qui corresponde à son rôle de membre actif de l’OMC par Zhou Xiaoyan
Une employée examine les panneaux solaires dans une usine de Xingtai, dans la province du Hebei.
EN 2001, l’admission de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été un événement majeur. Le 11 décembre 2016 en a marqué le 15eanniversaire. Le pays s’est depuis mieux intégré à l’économie mondiale et s’est ancré solidement dans le commerce mondial. Seconde économie mondiale, la Chine est maintenant numéro un dans le commerce des marchandises, seconde destination mondiale des investissements et troisième investisseur mondial. Ses réserves en devises sont de loin les plus importantes au monde.
Les réformes en Chine ont toujours été orientées vers plus de marché, et l’adhésion à l’OMC a été un moteur puissant dans cette direction. Au cours des 15 dernières années, la Chine a strictement respecté les règles de l’OMC en réduisant progressivement les droits de douane et au 1erjanvier 2010, le pays avait honoré toutes ses promesses dans ce domaine, bien avant la date butoir. La Chine favorise depuis longtemps le libre-échange, comme le montrent les 14 accords de libre-échange avec 22 pays et régions.
Pour respecter les règles de l’OMC, la Chine a amendé plus de 2 300 lois et règlements au f i l des ans, et réécrit 90 000 codes locaux tout en participant activement pour f i xer les règles du commerce mondial et régler les différends commerciaux sur la base de ces règles.
D’après Shuaihua Wallace Cheng, directeur du Centre international pour le commerce et le développement durable pour la Chine (ICTSD-Chine) – une organisation indépendante à but non lucratif basée à Genève – la Chine a contribué grandement au système commercial multilatéral de l’OMC. La Chine tente de jeter un pont entre les pays en développement et les pays développés, coordonnant et soutenant les intérêts des pays en développement, explique M. Cheng à CHINAFRIQUE.
Le directeur général adjoint de l’OMC David Shark a déclaré que depuis son adhésion à l’OMC, la Chine avait considérablement accru le revenu national, effectué des progrès importants dans la lutte contre la pauvreté, mais aussi contribué à la croissance dans de nombreuses régions et plus crucialement, à la hausse des revenus et des conditions de vie dans le monde. La Chine joue non seulement un rôle majeur dans la chaîne de valeur mondiale, mais le pays est aussi un membre central, a déclaré M. Shark lors d’un séminaire au Centre de consultation des affaires de l’OMC de Shanghai le 9 novembre.
Tang Xiaoyi, haut conseiller pour le commerce auprès de la succursale européenne du cabinet juridique Dentons, estime que la Chine a rempli ses engagements pris lors de son accession à l’OMC. Ils ont été clairementstipulés dans le protocole d’admission de la Chine à l’OMC, qui régit l’adhésion du pays.
D’après le protocole d’admission de la Chine à l’OMC, l’utilisation de la méthode de « pays de substitution » dans les enquêtes antidumping contre la Chine prend fi n le 11 décembre. Les autorités déterminent s’il faut ou non imposer des droits sur la base des prix de référence dans un pays tiers plutôt que dans le pays d’exportation. De nombreux produits chinois fi nissent par faire l’objet d’une enquête, et dans la plupart des cas, des droits antidumping plus élevés que ceux appliqués dans les pays qui ne sont pas assujettis à la méthode du « pays de substitution » sont versés.
La Commission européenne a néanmoins soumis le 8 novembre au Conseil européen et au Parlement européen une proposition d’amendement sur la protection contre les importations bon marché. Dans cette proposition, l’UE a introduit le concept de « distorsion du marché », qui prend plusieurs critères en considération, à savoir les politiques étatiques et l’in fl uence, la part des entreprises étatiques dans le secteur, la discrimination en faveur des sociétés domestiques et le degré d’indépendance du secteur fi nancier. Ainsi, selon cette proposition, la méthode de « pays de substitution » restera en vigueur dans les cas où des pays sont impliqués dans les soi-disant distorsions du marché.
La Chine a fait part de son mécontentement. « Nous en avons pris note et nous sommes préoccupés », a déclaré Lu Kang, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Il a fait savoir que la Chine avait aussi pris note de la proposition de la Commission européenne de la retirer de la liste des pays non liés au marché, ce qui montre la volonté de l’UE de respecter l’article 15 du protocole d’accession de la Chine à l’OMC. La dernière proposition de l’UE vise principalement la Chine, même si les nouvelles règles peuvent être utilisées à l’encontre d’autres pays, selon M. Tang. Selon lui, l’UE était préoccupée par l’expiration de l’article 15. Si l’UE cessait d’utiliser la méthode du pays de substitution dans les enquêtes antidumping contre les produits importés de Chine, un certain nombre de secteurs, notamment de la sidérurgie, de la céramique et du photovoltaïque, auraient été directement affectés.
Mais M. Cheng estime que juridiquement, l’article 15 ne mentionne pas explicitement que les autres membres de l’OMC doivent accorder le statut d’économie de marché à la Chine, ni qu’il existe un date butoir.
D’après M. Cheng, l’OMC elle-même ne déf i nit pas en fait la nature d’une économie de marché. « Les réglementations commerciales nationales ont créé le concept de statut d’économie de marché et les critères pour l’accorder. »
Le protocole, cependant, ne précise pas que « dans tous les cas de f i gure », les membres de l’OMC peuvent ne pas utiliser la méthode du pays de substitution à l’encontre des exportations chinoises au-delà de la période de transition de 15 ans suivant l’adhésion de la Chine.
D’après l’ambassadeur d’Allemagne en Chine Michael Clauss, des progrès positifs seront effectués en ce qui concerne le statut d’économie de marché de la Chine. « Je pense que les choses évoluent dans la bonne direction », explique M. Clauss à CHINAFRIQUE. « En attendant, l’UE va renforcer les recours commerciaux. La surcapacité existe globalement, notamment en Chine, et l’UE doit donc prendre des mesures concrètes pour lutter contre le dumping dans certains secteurs. »
Mais M. Yao n’est pas du même avis, précisant que la surcapacité ne doit pas être une excuse pour ne pas obéir aux règles. « La surcapacité est une question qui prévaut dans le monde, du fait des mesures de stimulation suite à la crise f i nancière de 2008. Elle doit être résolue par la négociation. Il n’est nul besoin de lier cette question au statut d’économie de marché de la Chine ou de respecter ou non certaines dispositions du protocole d’accession à l’OMC », estime-t-il. Si l’UE peut respecter ses obligations telles que stipulées dans l’article 15 et maintenir son statut de défenseur et de leader du libre-échange au sein de l’OMC, c’est un choix gagnant-gagnant pour la Chine et l’UE, selon M. Yao. CA