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Les entreprises d’État chinoises en Afrique de l’Est proftent aux populations et contribuent au développement national par Chen Ran
EN conduisant un wagon de marchandises, Li Xiaohua et Peng Zhanbin prof i tent de la faune sauvage. Ces vétérans chinois travaillent sur le site de construction de la ligne ferroviaire à écart standard Mombasa-Nairobi (SGR) au Kenya depuis mai 2016.
Lancé le 12 décembre 2014, ce projet-phare de 472 kilomètres de la China Road and Bridge Corp. (CRBC) est le plus important depuis l’indépendance du Kenya, illustrant le plan de développement Kenya Vision 2030, dont l’objectif est de faire du Kenya un pays moyennement industrialisé. La voie métrique actuelle avait été utilisée entre le port de Mombasa et la capitale Nairobi pendant plus d’un siècle, mais elle ne prend actuellement en charge que moins de 10 % du transport de marchandises de Mombasa en raison du manque de maintenance et de remise à niveau.
« Attention ! Il y a deux babouins sur la voie. Conduis lentement », lance M. Peng, qui surveille les alentours. M. Li ralentit. « J’avais été excité à la vue d’une girafe sauvage. C’était la première fois que j’en voyais une au travail », dit M. Peng. « Mais maintenant nous avons l’habitude de voir des animaux le long de la voie car nous passons par plusieurs réserves d’animaux sauvages. »
Le pont Marimbeti, long de 672 mètres, est construit dans la Réserve nationale de Nairobi pour éviter de perturber la faune avec ses 21 corridors, et la ligne est aussi clôturée. Près de 2 500 employés, dont 98 % de locaux, ont été recrutés, un chiffre record pour les projets de la CRBC à l’étranger, d’après Sun Liqiang, directeur général du projet. « Je pense que cela montre la voie car la sécurité a toujours été notre priorité absolue avec la qualité. » Aucun accident n’a été enregistré.
Plus de 38 000 Kényans ont jusqu’ici été employés. Le projet a aussi stimulé le développement industriel local en achetant le ciment et l’acier localement et en coopérant avec plus de 200 sous-traitants, d’après le rapport 2015 sur la responsabilité sociale de la CRBC pour ce projet, publié début 2016. « Ce qui est bien dans ce projet, c’est que les jeunes ingénieurs comme moi peuvent voir les similarités et les différences entre les normes chinoises et britanniques dans la construction ferroviaire. Nous pouvons ainsi trouver une solution appropriée pour le développement de notre pays », explique le Kényan de 29 ans Stephen Mutiso Makovo, ingénieur adjoint de structures.
En Tanzanie voisine, la China Railway Jianchang Engineering Co. (CRJE) (Afrique de l’Est), partage la même philosophie. L’un des premiers constructeurs de la ligne Tanzanie-Zambie, le plus grand projet d’assistance à l’étranger qui remonte aux années 1970, la CRJE (Afrique de l’Est) a relevé ses compétences de base par l’innovation. Le pont Nyerere, un ouvrage de 135 millions de dollars cof i nancé par le gouvernement de Tanzanie et le Fonds national de sécurité sociale de Tanzanie, est l’un des projet-phare de la compagnie.
Débuté en février 2012 et mis en service en avril 2016, ce pont de 680 mètres de long et 32 mètres de large, du nom du premier Président tanzanien, comporte six voies et deux voies pour piétons. Il relie le district des affaires de la seconde ville de Tanzanie Dar es Salaam au district de Kigamboni au-dessus du bras de mer de Kurasini, dans l’océan Indien. C’est le plus grand pont à haubans maritime d’Afrique subsaharienne. Zhou Zejun, 47 ans, directeur de projet à la CRJE (Afrique de l’Est), connaît bien le pont Nyerere. Établi en Tanzanie depuis juin 2003, il a dirigé l’équipe du projet, surmontant de nombreux déf i s, notamment les dédommagements longtemps attendus pour les relocalisations ainsi que les délais. Sur plus de 5 000 employés, 90 % sont des locaux. « Je suis très f i er de mon équipe pour avoir terminé dans les délais. Elle a aussi rendu le peuple de Tanzanie f i er. C’est vraiment leur pont », dit-il.
Pour Lu Youqing, ambassadeur de Chine en Tanzanie, l’un des avantages d’encourager les entreprises d’État chinoises à faire des affaires en Tanzanie, c’est qu’elles peuvent montrer l’exemple aux PME et éviter le désordre. « La notion du ’Made in China’, faux et de mauvaise qualité, était une perception du passé. Aujourd’hui, il est orienté vers le marché et la concurrence qui privilégie les bénéf i ces mutuels. »
Le professeur Faustin Kamuzora, secrétaire permanent au ministère des Communications, des Sciences et desTechnologies de Tanzanie, est revenu de la Conférence mondiale d’Internet qui s’est tenue à Wuzhen, une ville le long du Grand Canal dans l’est de la Chine, en novembre 2016. Il a été impressionné par les technologies haut de gamme qu’il a vues, notamment les paiements mobiles. Il estime que ses 50 millions de compatriotes vont bientôt béné fi cier d’un monde mieux connecté avec des services plus accessibles basés sur les TIC (technologies de l’information et de la communication), grâce au partenariat avec China Comservice.
L’établissement du projet en cinq phases de réseau de base national TIC à bande large de Tanzanie (NICTBB), débuté en 2009 avec un prêt préférentiel de l’Eximbank de Chine, a déjà vu l’achèvement de deux phases en 2015 avec un réseau de câbles en fi bre optique de 7 560 kilomètres. « Le projet, avec les câbles sous-marins, a réduit le coût de la bande passante de liaison terrestre de 99 % par rapport à 2009 », remarque M. Kamuzora.
Les statistiques de l’Autorité de régulation des communications de Tanzanie montrent que le nombre d’abonnements à la téléphonie mobile a atteint 39,66 millions en 2015, avec une croissance annuelle de 20 %. Par ailleurs, la Tanzanie permet à son voisin enclavé de béné fi cier des câbles sousmarins de haute capacité grâce au NICTBB. « Nous réalisons nos aspirations de devenir la plaque tournante régionale des TIC », ajoute M. Kamuzora.
Ernest Jacob Masasi, 60 ans, est un bénéf i ciaire de la coopération éducative Tanzanie-Chine. Il a même un nom chinois, Lao Ma, et parle parfaitement chinois avec un accent de Beijing. Il a étudié le génie civil à l’Université Jiaotong de Beijing dans les années 1970 et a travaillé sur la ligne Tanzanie-Zambie avec quelque 50 000 travailleurs, la plupart des Chinois. « Ce que j’ai appris de plus impressionnant et utile des Chinois, c’est l’effort. » Lydia Wangui Muriuki, 27 ans, ancienne analyste de données, en bénéf i cie aussi. Elle a étudié les TIC à l’Institut de formation des chemins de fer du Kenya à Nairobi. « Je suis reconnaissante pour le savoir et les compétences, dit-elle. Mes enseignants chinois sont travailleurs et patients. On nous encourage à poser des questions et trouver des solutions ensemble. J’espère pouvoir faire un stage dans le projet ferroviaire Mombasa-Nairobi l’an prochain, et ensuite aller en Chine trouver un emploi. »
La CRBC et l’Université Jiaotong du Sud-Ouest à Chengdu, dans le Sichuan, proposent cette formation professionnelle. L’an prochain, 40 enseignants chinois y travailleront et plus de 700 stagiaires en sortiront. « Nous avons adapté l’enseignement aux étudiants kényans qui ont une réf l exion critique plus poussée », explique Dai Ruoyu, responsable du programme.
D’après M. Sun, la première phase du projet va débuter durant l’été 2017. Le trajet passera de 10 heures à 4 heures pour les passagers, et à moins de 8 heures pour les marchandises. La seconde phase verra l’extension de la ligne vers l’Ouganda, le Rwanda et le Soudan du Sud. « Notre objectif, c’est la qualité et la durabilité de ce projet », explique M. Sun. CA
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Vue du pont Nyerere, en Tanzanie.