Un futur interconnecté
Défs et opportunités pour la coopération sino-africaine en 2017 par He Wenping
L’ANNÉE 2016 marque la première année de la mise en œuvre des accords conclus lors du Sommet de Johannesburg du Forum sur la Coopération sinoafricaine (FCSA), tenu en décembre 2015. C’est aussi une année de progrès importants pour le gouvernement chinois dans la promotion de l’initiative « une Ceinture et une Route ». Les relations sinoafricaines se caractérisent par la multiplication des échanges de haut niveau, l’approfondissement de la conf i ance politique mutuelle, et une coopération économique fructueuse, grâce à la collaboration en matière de capacités de production et l’interconnexion. En 2017, ces relations bilatérales se trouveront face à des opportunités, mais également des déf i s.
La Chine et l’Afrique travaillent ensemble pour le développement des infrastructures sur le continent africain.
La coopération sino-africaine sur les capacités de production s’inscrit dans les besoins réels de développement tant de la Chine que de l’Afrique, et se fonde sur une base solide. Après trente ans de réforme et d’ouverture, la Chine parvient à l’étape intermédiaire et postérieure d’industrialisation, qui entraîne quantité de capacités de production excédentaires, tandis que la plupart des pays africains se trouvent au début de l’industrialisation et ont un besoin important d’acier et de ciment. Plutôt que d’importer la quasi-totalité de ces produits, l’acquisition de capacités de production et leur exploitation locale permettront d’accélérer leur industrialisation. Toutes les conditions nécessaires sont réunies pour réaliser un relais historique de la Chine vers l’Afrique par la coopération sur les capacités de production.
En réalité, lors du Sommet de Johannesburg, la Chine a présenté une édition revue et augmentée du Plan de coopération sino-africaine sur dix projets, d’un montant de 60 milliards de dollars. Ce plan vise à connecter la restructuration industrielle chinoise et l’industrialisation africaine, mais aussi l’initiative « une Ceinture et une Route » et la stratégie de renaissance africaine. Pour s’assurer qu’il sera mené à bien, la Fondation de coopération en matière de capacités de production a été établie, avec un capital de 10 milliards de dollars. Selon la réunion des coordinateurs de la mise en œuvre des accords de Johannesburg, la concrétisation des réalisations du sommet ainsi que les investissements directs et les prêts commerciaux des entreprises chinoises pour l’Afrique sont sur la bonne voie.
Outre le Mémorandum d’entente sur la coopération relative à la construction d’infrastructures signé entre la Chine et l’UA en janvier 2015, dans le cadre de l’Agenda 2063, la Chine a signé des accords-cadres sur la coopération bilatérale en matière de capacités de production avec des pays pilotes comme la Tanzanie et l’Éthiopie. En Tanzanie par exemple, les projets majeurs comme la réhabilitation et l’extension du chemin de fer Tanzanie-Zambie (Tazara) enregistrent des progrès importants. Dans un parc industriel éthiopien (Eastern Industry Zone, en anglais), doté d’un investissement de 220 millions de dollars, 64 entreprises chinoises sont déjà implantées et 8 000 emplois locaux ont été créés.
Le 24 octobre 2016, une enquête réalisée auprès de 54 000 citoyens de 36 pays africains par Afrobaromètre, réseau indépendant de recherche panafricain, révélait que pour une majorité d’Africains les activités économiques et politiques de la Chine en Afrique contribuent au développement de leur propre pays. Les investissements de la Chine dans les infrastructures et le développement commercial, ainsi que ses produits sont parmi les raisons derrière cette perception positive du pays. Presque deux tiers des personnes interrogées aff i rment que l’inf l uence de la Chine dans leur pays est positive.
Les opinions favorables sont les plus communes au Mali, Niger, Libéria et Cameroun, avec plus de 80 %. Au Mali, les avis favorables atteignent même 91 %. Pour 56 % des sondés, l’aide au développement de la Chine est « bonne » ou « très eff i cace » pour satisfaire les besoins de leurs pays.
Par ailleurs, les répondants classent les États-Unis et la Chine en première et deuxième positions, respectivement, comme modèles de développement de leurs propres pays. Ces dernières années, on a assisté à une tendance positive sur les échanges d’expérience en matière de gouvernance entre la Chine et les pays africains. Par exemple, le parti au pouvoir en Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC), a développé ses liens avec le Parti communiste chinois (PCC) en envoyant ses responsables en Chine pour étudier à l’École du Parti du Comité central du PCC. Fin juillet 2016, plus de 200 Africains, y compris 70 responsables ministériels et 37 envoyés et diplomates, ont visité le Parc industriel de Suzhou dans la province du Jiangsu pour tirer des enseignements de l’expérience chinoise en matière de développement. Aujourd’hui, l’expérience chinoise s’avère visible dans les concepts, politiques et mesures nécessaires à la croissance durable des pays africains. Sur le continent, nombre de parcs industriels ont été établis ou modernisés et une série de centres de formation ont été ouverts pour former des centaines de milliers de professionnels.
La coopération entre la Chine et l’Afrique doit encore faire face à certains déf i s. En premier lieu, chaque pays africain a ses spécif i cités nationales. Les disparités régionales en termes de géographie, de ressources naturelles et de niveau de développement industriel ont un impact sur le rythme et l’ampleur de la coopération bilatérale en matière de capacités de production. Les entreprises chinoises doivent donc conduire les recherches de terrain adéquates pour pouvoir investir en Afrique.
En second lieu, si dans l’ensemble du continent africain la situation politique reste stable, certaines régions subissent encore la menace terroriste et l’instabilité politique. Des organisations terroristes comme al-Qaïda au Maghreb islamique constituent une menace pour la paix et la sécurité de l’Afrique. En plus des activités terroristes, certains pays font face à des problèmes internes et guerres civiles, on peut citer la crise au Mali et les affrontements entre l’armée libyenne et des tribus dans le sud-est du pays. Même l’Éthiopie, pourtant stable, a dû instaurer un état d’urgence de six mois en octobre 2016 après des émeutes et des manifestations violentes.
En dernier lieu, le ralentissement économique et f i nancier mondial, ainsi que la montée du protectionnisme suite à l’élection de Donald Trump aux États-Unis, assombrissent la reprise de l’économie africaine. Depuis 2016, les principaux producteurs de pétrole africains, comme le Nigéria et l’Angola, et les exportateurs de produits miniers, comme l’Afrique du Sud et la Zambie, font face à un risque de croissance économique à la baisse à cause de la chute relative des cours du pétrole et d’autres produits de base. Qu’il s’agisse de la mise en œuvre de l’initiative « une Ceinture et une Route » ou de la promotion de la coopération sino-africaine sur les capacités de production, il existe un grand besoin en matière de libéralisation du commerce mondial. CA
(L’auteure est chercheuse à l’Institut Charhar et à l’Institut d’études ouest-asiatiques et africaines de l’Académie chinoise des sciences sociales.)