Empereur Shi Huangdi des Qin (247-210 av. J.-C.)

2017-03-16 09:05FranceCHRISTOPHETRONTIN
今日中国·法文版 2017年3期

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Empereur Shi Huangdi des Qin (247-210 av. J.-C.)

(France) CHRISTOPHE TRONTIN

Portait de Shi Huangdi

Cela peut paraître incroyable, et pourtant : le système féodal a pris fin en Chine alors qu’il n’existait pas encore en Europe. Telle est l’héritage extraordinaire du roi des Qin qui unifia les pays chinois pour fonder, en 221 av. J.-C., la première dynastie impériale. Il s’appela luimême le « Premier Empereur » chinois et, pendant tout son règne, s’attacha à rassembler dans sa capitale toute la noblesse et les chefs des anciens royaumes qui composaient la Chine pour former un État centralisé. L’histoire du pays devait connaître encore bien des vicissitudes, mais c’est bien à lui que l’on doit la Chine pour la première fois unifiée. Le nom français du pays est d’ailleurs dérivé du nom de la dynastie qu’il fonda : Qin.

Une dynastie éphémère, puisqu’elle fut renversée une quinzaine d’années à peine après sa fondation, à la suite de troubles qui éclatèrent durant le règne du Second Empereur (Qin Ershi, 210-207 av. J.-C.). Pour expliquer cette fin rapide, les lettrés de la dynastie suivante, celle des Han (206 av. J.-C.-220), soulignèrent la dureté excessive du Premier Empereur, surtout envers leur corporation, une politique résumée par la formule « 焚书坑儒 » (brûler les livres, exécuter les lettrés). Une version des faits aujourd’hui relativisée par certains historiens : s’agissait-il réellement de persécuter les lettrés (en particulier confucéens), ou plutôt de combattre les magiciens et les superstitions ? Des documents récemment découverts suggèrent un système juridique assez développé et des sanctions plus modérées que les spectaculaires exécutions de masse qui ont fait la légende du monarque.

Empereur des grands travaux

Quoi qu’il en soit, l’autoritaire, impitoyable, redouté Shi Huangdi laisse derrière lui une liste de réalisations à peine croyable. L’unification de l’empire s’accompagne d’une harmonisation des poids et mesures, des monnaies, d’une unification linguistique. Un réseau routier à trois voies (la voie centrale réservée à l’empereur) est édifié pour relier la capitale Xi’an (à l’époque Xianyang) aux différentes extrémités du pays. Des canaux sont creusés, le projet de la Grande Muraille, qui doit relier des tronçons déjà existants, est lancé. Autre chef-d’œuvre de l’époque, un chantier qui occupera pratiquement toute la durée du règne de Shi Huangdi, c’est son tombeau exécuté sous la forme d’une cité souterraine flanquée de garnisons de milliers de soldats de terre cuite. Une réalisation si incroyable qu’on la considérait comme une légende jusqu’en 1974, date à laquelle le premier soldat de terre cuite fut exhumé.

Méritocratie dans l’armée puis dans l’État

Il monta sur le trône du royaume de Qin alors qu’il n’avait que treize ans et c’est sa mère avec son compagnon, un certain Lü Buwei, qui assurèrent la régence jusqu’en 238 av. J.-C.. Ce n’est qu’à l’âge de 23 ans qu’il parvient à écarter du trône ses encombrants tuteurs et à partir de cette date, son ambition le lance à l’attaque des royaumes combattants. Suivant le conseil de son premier ministre Li Si, il commence par attaquer le royaume de Han, le plus faible et le plus proche. Par la ruse, par la force et par la corruption des personnages influents, il multiplie par trois la superficie du royaume.

L’un des secrets des immenses conquêtes du roi des Qin résidait dans la méritocratie militaire qu’il y avait établit : au lieu de généraux issus de la noblesse, il avait su s’entourer d’officiers promus sur la foi de leur comportement sur le champ de bataille. Ce système offrait bien des avantages conformes aux intérêts du roi : limitant le pouvoir de l’aristocratie, il permettait d’employer au mieux les meilleurs éléments, un facteur de motivation des troupes. L’armée, pour les paysans, devenait un moyen d’ascension sociale.

Cette philosophie, très novatrice pour l’époque, le premier ministre impérial Li Si l’appliqua à l’édification de l’empire. Il attira l’attention de l’empereur sur les malheurs dus aux grands seigneurs d’autrefois. L’empereur, convaincu, réforma les institutions traditionnelles suivant ce principe centralisateur. Le territoire du pays fut divisé en trente-six commanderies oujundirigées par un « gouverneur »shou, un « chef militaire »weiet un « inspecteur impérial »jian yushi, nommés au mérite.

Un système dans lequel il n’est pas interdit de reconnaître, deux mille ans avant, une esquisse du fonctionnement des 34 provinces de la Chine actuelle.