par Lisa Carducci
Manger est commun à toute l’humanité
par Lisa Carducci
POUR quelque peuple que ce soit, l’alimentation représente une valeur culturelle importante. On est ce qu’on mange, selon un dicton populaire, et j’ajouterais qu’on mange selon sa culture. Depuis 1985 que je fréquente la Chine et depuis 1991 que j’y vis ; j’ai donc assisté à une incroyable évolution liée à l’ouverture de la Chine au monde extérieur et à son enrichissement.
Jusqu’en 1993 ou 1994, les habitants des villes disposaient de coupons de rationnement pour se procurer des céréales, de la viande, de l’huile, selon le nombre de membres de leur famille. Parfois, ils échangeaient des coupons inutilisés contre des œufs fournis par les fermiers, par exemple. Le lait était une denrée insuff i sante, et donc réservée aux jeunes enfants, aux vieillards, aux malades, et… aux étrangers. Un repas se composait principalement d’un gros bol de riz – la base – qu’on accompagnait de quelques plats de légumes. La viande était rarement un mets en soi ; taillée en petits morceaux, elle servait à « assaisonner » les légumes sautés.
Les réformes sociales, agraires et économiques entrainèrent de profonds changements, et tout se mit à changer au point que le mot « embonpoint » entra dans la langue courante, et qu’on ouvrit des centres d’exercice physique où l’on allait bruler le surplus de calories absorbé. Parler de cuisine chinoise, c’est parler de huit types principaux de cuisine selon les lieux : Sichuan, Shandong, Guangdong, Jiangsu, Beijing, Hunan, Fujian, Anhui, et encore faudrait-il subdiviser, et mentionner la cuisine des ethnies principales comme celle des Tibétains, des Ouïghours, des Hui, etc. Parler cuisine, c’est aussi parler de fête. Les fêtes, nationales ou liées à certaines ethnies (56 en Chine) ou certains lieux, sont souvent célébrées par la préparation d’un mets particulier, comme nous aurons l’occasion de le voir au cours de cette rubrique de 2017.
Tout d’abord, visitons une cuisine chinoise. La cuisine n’est pas le lieu où l’on prend le repas, mais où l’on prépare les mets. Elle est exigüe, et ne compte pas comme une pièce de la maison, mais comme un « service », tout comme la salle de toilette. Le frigo est très souvent placé dans le salon, faute d’espace. Un poêle à gaz, à un ou deux bruleurs, est essentiel, autant que la hotte, vue la friture constante. Mais les Chinois ne préparent pas de plats au four. Essentiel aussi est le guo, une grande poêle en fer arrondie au fond, qui sert à sauter les légumes. Maintenant, on trouve sur le marché des guo à fond plat, faits de matière anti-adhérente, et même électriques. La cuisine est parfois si petite qu’on doit préparer les légumes dehors ou dans une autre pièce. Mais il y aura toujours de la place pour la planche à découper et le grand hachoir/couperet. Dans toute cuisine chinoise on trouvera les condiments suivants : ail, gingembre, sucre, sel, soja, vinaigre, suivis de coriandre, anis étoilé (dàliào), poivre du Sichuan (huājiāo), piment (làjiāo). D’autres assaisonnements seront la pâte de soja fermentée, la pâte de haricot, le vin de riz, l’huile de sésame. La fécule de maïs n’a pas de gout en soi ; elle sert à épaissir les sauces. Le wèijīng (MGS) n’est pas une épice, mais un stimulateur des papilles gustatives ; il est de moins en moins utilisé à mesure qu’on découvre ses méfaits. L’huile est essentielle, tous les plats commencent par de l’huile (d’arachides, de soja, de sésame, de tournesol, de yóuci). L’huile d’olive n’est apparue sur le marché qu’au tournant du millénaire, mais ce produit importé est encore peu adopté vu son prix, la Chine ne produisant pas d’olives. CA