SHI WEIJING*
L'univers de danse de Padma Tsering
SHI WEIJING*
Artiste passionné, Padma Tsering se décrit comme un « fou de danse » qui n'a jamais suivi les modes mais se consacre corps et âme, avec sincérité, à son art. Portrait.
Padma Tsering
Les 13 et 14 août 2016, Padma Tsering, danseur tibétain, a été invité par le Grand Théâtre national de Chine à plancher sur le sujet « Douze jours de danse - Plan de performance de jeunes danseurs ». Il y a donné son nouveau spectacle de danse intitulé Racine tibétaine. Les deux cents spectateurs présents ont été subjugués par la virtuosité des danseurs tibétains.
Il y a deux ans, la chaîne de télévision satellitaire du Zhejiang a lancé son programme The Dance of China, et c’est à travers cette plate-forme que le jeune Tibétain de Xigazê a acquis une célébrité nationale.
En fait, Padma Tsering a déjà une certaine expérience de participation à des compétitions de danse, où il parvient généralement à glaner les premières places. Il fut le premier danseur représentant le Tibet au Festival international d’art de Shanghai. Il fut ensuite le premier danseur à donner un spectacle personnel dans le Théâtre Poly de Beijing. Padma Tsering se concentre depuis toujours sur l’expression dansée, qui est devenue pour lui une méthode pour appréhender le monde, présenter ses émotions et rechercher une plénitude mentale.
Le 14 mai, lors du salon Akeding qui se tenait à Lhasa, un danseur a présenté un spectacle expérimental qu’aucun des spectateurs n’avait vu auparavant. Sa danse, non limitée par des codes préétablis, a produit sur le public une impression totalement neuve. Ce danseur diplômé de l’Université centrale des Ethnies, c’est Padma Tsering. En une seule journée il a mis au point sa chorégraphie et créé cette danse expérimentale intitulée Chercher.
La danse commence par quelques mots de Padma Tsering qui s’adresse au public : « Je m’appelle Padma Tsering, je suis fou, j’aime la danse à la folie. » Ensuite, il commence sa danse, tout son corps tremble, il pousse un cri qui représente la douleur des gens et tous les bruits du monde. Il se couvre ensuite de tsampa : son visage, son corps, jusqu’à presque s’étouffer dans cette poudre d’orge du Tibet. Il explique : « C’est pour entrer dans l’état d’esprit propre au baptême spirituel des Tibétains. »
Pendant sa danse, Padma Tsering enlève sa veste sans interrompre ses pas. Il explique que ce mouvement représente l’émotion que l’on éprouve à abandonner les bruits et les déchets de ce monde.
L’ensemble du spectacle a duré une demiheure, et les spectateurs qui suivaient les mouvements de Padma Tsering ont levé les mains et l’ont ovationné pour exprimer leur émotion. Padma Tsering est satisfait de ce spectacle, il adore cet état de détente. « Avec la danse Chercher, il s’agit de nous retrouver nous-même et nos racines dans ce monde complexe », explique-t-il.
Du début de son travail de création jusqu’au spectacle de danse finalisé, Padma Tsering suit toujours son cœur. Il ne fait pas de répétition. « Actuellement, de moins en moins d’œuvres présentent la pensée propre du danseur. Mais moi, je ne veux pas copier les autres. »
Ainsi qu’il l’a annoncé lors de sa brève présentation de Chercher, Padma Tsering se considère comme un danseur fou. Il aime la danse à la folie.
En 2002, 32 élèves tibétains ont été sélectionnés par le Conservatoire de musique de Shenyang (Liaoning) pour intégrer un cours d’enseignement de la danse. Après six ans d’études et une formation au ballet, Padma Tsering peut se targuer d’avoir acquis une base théorique solide, et c’est pendant cette période qu’il s’est découvert de plus en plus passionné par cet art.
Une fois diplômé du Conservatoire de musique de Shenyang en 2008, Padma Tsering fut sélectionné pour entrer dans l’Ensemble de Chants et de Danses de la région autonome du Tibet. Mais il n’a pas pour autant abandonné son envie d’étudier. Deux ans plus tard, il se retrouve premier au concours d’entrée à la faculté de la danse de l’Université centrale des Ethnies. C’est là qu’il rencontre Tsering Sangmo, enseignante, danseuse tibétaine réputée et figure de l’éducation de la danse ethnique de Chine.
Pendant ses quatre années d’étudesuniversitaires, Padma Tsering a beaucoup apprécié l’enseignement de son professeur, tout en considérant que l’entraînement personnel est plus important. À l’université, Padma Tsering étudie jour et nuit pour acquérir de nouvelles connaissances. Son attitude studieuse attire l’attention de plusieurs enseignants, sans parler de ses excellentes performances aux examens : Padma Tsering devient l’une des figures les plus en vue de l’université.
En 2012, il obtient la bourse américaine de l’université de Columbia pour y étudier pendant huit mois. C’est vraiment une expérience précieuse pour lui qu’il décrit comme suit : « J’y ai appris non seulement l’art occidental, mais aussi leur façon de penser et de vivre. »
En 2014, il reçoit son diplôme de l’Université centrale des Ethnies. Il a désormais renoncé à la possibilité de devenir enseignant à l’université et aussi à devenir danseur au sein d’une troupe professionnelle : il a choisi de monter à Beijing pour y tenter sa chance comme danseur.
En tant que centre culturel de la Chine, Beijing est une métropole pleine d’opportunités où Padma veut lancer sa carrière. Il se souvient de sa participation au programme télévisé The Dance of China, de la petite réputation qu’il s’est déjà forgée. Jin Xing, une des juges de ce programme, lui avait confié combien elle croyait en son talent.
Padma Tsering a rapidement percé dans la vie du spectacle de Beijing. Mais après deux ans d’efforts, il s’aperçoit que ses parents lui manquent trop et il décide de rentrer dans son village natal pour s’essayer au commerce. « Pendant tout ce temps, à chaque fois que ma mère m’appelait au téléphone, elle pleurait pour me demander de rentrer. » En fils obéissant, Padma Tsering est rentré à Lhasa pour habiter avec sa famille.
Une scène du spectacle Chercher.
Il ne regrette pas cette décision : « Beijing propose bien des opportunités, mais pour moi, le Tibet reste mon lieu d’appartenance. D’autre part, les transports se sont beaucoup développés et je peux facilement donner quelques spectacles par an à Beijing. » Désormais, il pense à l’avenir.
Rentré au Tibet, il a de nouveau essayé de faire son trou. Il a été nommé réalisateur général de la cérémonie du Festival culturel Yarlung de la préfecture Shannan en 2015, puis responsable de la danse du Gala de Nouvel An du calendrier tibétain en 2016. Une expérience précieuse grâce à laquelle il a pu établir sa propre entreprise qui organise des festivals, des galas, s’occupe de toutes sortes d’affaires liées à la musique, la danse et la publicité.
Infatigable, il a aussi lancé un restaurant tibétain non loin de l’avenue Barkhor. Mais son rêve reste de créer un salon d’art à Lhasa. Alors il se dit que ce restaurant, subtilement décoré, pourrait être le lieu où créer son salon.
Pour Padma Tsering, ce salon doit être la voix des jeunes tibétains. Réaliste, il n’espère pas que les gens conservent pour toujours les expressions traditionnelles et les traditions ethniques qui soustendent la danse tibétaine. « La tradition peut fusionner avec le modernisme. » Il l’a dit et répété, il n’est pas un représentant de la culture traditionnelle, mais plutôt un explorateur culturel. Il cherche sans cesse à la croisée des cultures des moyens d’enrichir la culture tibétaine.
Pour lui, la danse est sa raison de vivre, et il veut lui consacrer sa vie. « En Chine, passé 35 ans, un danseur commence à penser à changer de travail. Mais pour l’instant je suis en pleine forme et je sens que je pourrai danser jusqu’à 70 ans. D’ailleurs à cet âge, ma danse présentera plus d’émotions qu’aujourd’hui, sera plus séduisante encore. » Dans le monde de la danse de Padma Tsering, le concept de retraite n’a pas cours.
*SHI WEIJING est journaliste de China Tibet News.