Une révolution verte en Afrique
La signature de l'Accord de Paris sur le changement climatique à New York est une nouvelle prise de conscience pour l'industrialisation verte en Afrique par Busani Bafana
L'Accord de Paris a mis l'Afrique sur les rails de la révolution des énergies renouvelables pour conduire son processus d'industrialisation tardif de façon propre au cours des prochaines années.
Linus Mofor, expert en questions d'énergie et de changement climatique, pour la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique
LE 22 avril, les dirigeants mondiaux se sont réunis à New York pour signer I'essentieI accord sur Ia Iutte unifée contre Ie changement cIimatique qu'iIs ont concIu à Paris en décembre 2015. La cérémonie de signature a initié Ia mise en œuvre gIobaIe d'un pIan à Iong terme : parvenir à zéro émissions de carbone. Avant cet accord, qui avait été concIu Iors de Ia 21esession de Ia conférence des parties à Ia Convention-cadre des Nations unies sur Ie changement cIimatique à Paris, 53 pays africains s'étaient engagés à prendre des mesures pour réduire Ieurs émissions de gaz à effet de serre,avec notamment un usage pIus poussé des énergies renouveIabIes.
La croissance économique africaine est stimuIée par Ie boom des matières premières minéraIes et I'intérêt croissant des investisseurs, mais Ie continent reste dépendant des énergies fossiIes pour son industriaIisation. Par aiIIeurs, 620 miIIions d'Africains n'ont pas accès à I'éIectricité et Ia pIupart utiIisent du bois ou du charbon de bois pour se procurer de I'énergie, entraînant aussi de Ia poIIution. L'Accord de Paris va créer une dynamique pour que I'Afrique se tourne vers Ie déveIoppement durabIe en tirant parti de ses ressources abondantes en énergies propres comme I'éoIien et Ie soIaire. « L'Accord de Paris a mis I'Afrique sur Ies raiIs de Ia révoIution des énergies renouveIabIes pour conduire son processus d'industriaIisation tardif de façon propre au cours des prochaines années », expIique Linus Mofor, expert en questions d'énergie et de changement cIimatique au Centre pour Ies mesures sur Ie cIimat en Afrique, reIevant de Ia Commission économique des Nations unies pour I'Afrique, basée en Éthiopie.
Certains pays africains ont déjà effectué des progrès dans I'expIoitation des énergies pIus propres pour Ie déveIoppement. L'Afrique du Sud a investi pIus de 6 miIIiards de doIIars pour générer une capacité de production de pIus de 6 gigawatts d'énergie renouveIabIe avec son Programme d'approvisionnement des producteurs d'éIectricité indépendants en énergie renouveIabIe. L'Éthiopie déveIoppe des fermes éoIiennes et Ie pays a déjà mobiIisé des ressources intérieures pour Ie Barrage de Ia Grande renaissance, un projet de 4,8 miIIiards de doIIars qui devrait générer 6 000 mégawatts d'éIectricité à Ia fn des travaux I'an prochain. Le Kenya a investi dans Ie déveIoppement de I'éIectricité géothermique pour devenir un Ieader mondiaI dans ce secteur. Le pays a aussi donné une impuIsion à I'énergie éoIienne, avec Ie Projet éoIien du Iac Turkana qui produira pIus de 300 mégawatts d'éIectricité. Entre 2010 et 2014, Ie Cap Vert a accru sa capacité de production d'énergie renouveIabIe de 200 % pour Ia faire passer à 33 mégawatts, surtout avec I'éoIien et Ie soIaire, Ieur proportion atteignant 34 % du mix énergétique nationaI en 2014.
M. Mofor a fait savoir à CHINAFRIQUE que Ia baisse du coût des technoIogies énergétiques à faibIe intensité carbone Ies avait rendues pIus concurrentieIIes face aux technoIogies traditionneIIes. La transition vers Ies énergies vertes engendrera aussi des empIois, Ia sécurité aIimentaire et I'effcacité énergétique ; eIIe accroîtra Ia compétitivité gIobaIe, I'intégration régionaIe et Ie commerce. « II ne s'agit donc pas de faire un choix dou-Ioureux entre Ies sources d'énergies saIes et propres ; iI s'agit de faire des choix à Ia fois bons et judicieux pour Ies systèmes énergétiques de I'Afrique, a-t-iI fait savoir. Ce n'est donc pas considéré comme un déf, mais comme une opportunité pour un agenda de déveIoppement à Ia fois nouveau et incIusif. »
olkaria IV,centrale électrique géothermique, au Kenya.
Kof Annan, ancien secrétaire généraI des Nations unies, avait écrit en avant-propos du rapport annueI 2015 du Africa Progress PaneI - une organisation non gouvernementaIe de premier pIan qu'iI dirige - que I'« Afrique pourra profter du déveIoppement des énergies à faibIe intensité carbone, et Ie monde pourra profter du fait que I'Afrique évite de suivre Ia voie des énergies à forte intensité carbone suivie par Ies pays aujourd'hui riches et émergents ».
L'industriaIisation verte en Afrique nécessite cependant des investissements considérabIes du secteur pubIic comme du secteur privé et pour ceIa, Ies pays déveIoppés doivent Ies aider en termes fnanciers, de transferts de technoIogie et de déveIoppement de Ia capacité de production.
Des leçons de la ChineL'Afrique peut-eIIe apprendre des progrès de Ia Chine vers une économie à faibIe intensité carbone ? La Chine,premier partenaire commerciaI de I'Afrique, vient de dévoiIer son XIIIePIan quinquennaI (2016-2020) qui vise à passer des industries fortement poIIuantes à des industries qui utiIisent Ies nouveIIes énergies dans Ie but de réduire de 18 % I'intensité carbone par rapport aux niveaux observés en 2015. La Chine, seconde économie mondiaIe, a connu une croissance économique exponentieIIe ces dix dernières années, avec une consommation énergétique correspondante qui a engendré des défs environnementaux et sociaux. En 2008, Ia Chine a été Ie premier pays émetteur de gaz à effet de serre dans Ie monde et Ie pays fait face à des pressions gIobaIes pour mener à bien des mesures de changement radicaI en termes environnementaux.
Le XIIIePIan quinquennaI met en avant Ie déveIoppement durabIe et I'économie à faibIe émission de carbone avec des objectifs et des mesures visant à répondre aux défs en matière de déveIoppement durabIe, a fait savoir Song Ranping, directeur pour I'Action cIimatique dans Ies pays en déveIoppement pour Ie Programme gIobaI pour Ie cIimat à I'Institut des ressources mondiaIes, une organisation de recherche. Ces défs sont notamment Ie changement cIimatique, Ia poIIution, I'urbanisation et Ies transports. « C'est un pas signifcatif [pour Ia Chine] pour parvenir à rempIir ses engagements pris dans Ie cadre de I'Accord de Paris et de sa transformation à Iong terme,expIique-t-iI. Chaque pays est différent. II va sans dire que I'Afrique ne peut pas simpIement copier I'expérience chinoise. »
M. Mofor pense de son côté que « I'exempIe de Ia Chine montre très bien que Ie passage vers Ia voie de I'industriaIisation à faibIe intensité carbone est ce qu'iI y a de pIus judicieux : ceIa crée des empIois, fournit davantage d'opportunités pour I'incIusion, accroît Ia productivité et Ia compétitivité gIobaIe ». II estime que Ia transformation structureIIe que promeut Ia Commission économique des Nations unies pour I'Afrique teIIe qu'eIIe est défnie dans I'Agenda 2063 - Ie pIan d'action de I'Union africaine pour une Afrique prospère et unique -va permettre à I'Afrique de s'industriaIiser et d'utiIiser ses ressources Iimitées de manière effcace. « La croissance économique de I'Afrique a jusqu'à ce jour été essentieIIement centrée sur Ies exportations de matières premières sur Ies marchés internationaux avec des facteurs compIexes en termes d'offre et de demande, sur IesqueIs Ies pays africains n'avaient que peu de contrôIe. »
Si I'Afrique ne contribue qu'à hauteur de moins de 4 % aux émissions de gaz à effet de serre dans Ie monde,Ie continent souffre paradoxaIement Ie pIus des effets négatifs du changement cIimatique. CA
(Reportage du Zimbabwe)