L’art chinois de la bonne conduite incarné par le mahjong
En Chine, il est impossible de réussir par sa seule intelligence. Ce qui détermine le succès n’est pas le QI, mais l’IE (intelligence émotionnelle). Le mahjong incarne l’art chinois de la bonne conduite, ce jeu semble avoir été créé précisement pour les Chinois. Il est reconnu que le jeu de go requiert une certaine intelligence, mais même ceux qui sont doués au weiqi (go) trouvent le mahjong difficile. Certains affirment que le mahjong est un jeu de chance, et non d’acuité intellectuelle. Selon la logique chinoise, le jeu le plus compliqué n’est-il pas celui qui place les plus intelligents sur la sellette ? En utilisant la logique occidentale, il est impossible de comprendre le mahjong, ou l’art complexe qu’il incarne.
Bien que les deux requièrent quatre joueurs, la mahjong oriental et le bridge occidental ont de différentes règles. Ce dernier se joue avec deux équipes alliées, alors que dans le premier une personne joue seule, se défendant des trois autres. Pour finaliser une manche, le joueur doit deviner quelles pièces ont les autres joueurs et utiliser les pièces dont ils se débarrassent. Celui qui a la main évite à tout prix de se débarrasser des pièces dont ont besoin ses concurrents. Ainsi, celui-ci préférera souvent perdre la manche que céder la mauvaise pièce. Cette attitude incarne certaines règles de conduite. Au mahjong, le plus important n’est pas de calculer notre éventuelle progression dans le jeu, mais d’agir en s’adaptant aux circonstances.
Les points forts de notre personnalité peuvent être utiles pendant le jeu. Par exemple, en observant les réactions des autres joueurs, il est possible de deviner leurs pensées et de déduire quelles fiches ils ont. Une personne flexible peut changer de stratégie selon l’évolution du jeu : tenter de gagner la manche ou au moins d’obtenir les meilleurs résultats possibles. De la même manière, les points faibles peuvent entrainer des déceptions. Les personnes cupides perdent souvent à cause de leur soif de réussite, les personnes timides cèdent généralement malgré de considérables efforts, et les personnes indécises ratent fréquemment leur chance à cause d’une trop longue hésitation. Le mahjong révèle ainsi les personnalités des joueurs.
Il est facile à décrire mais difficile à jouer, étant à la fois un jeu de hasard et d’intelligence. Le hasard et l’intelligence sont deux facteurs clés de la communication sociale. Le hasard signifie la chance, alors que l’intelligence implique du talent et de la personnalité, ou l’habilité de percevoir et obtenir que les choses soient faites à notre manière. La victoire dépendant de ces deux facteurs, le mahjong ne déprime jamais les Chinois optimistes, puisqu’ils peuvent facilement attribuer leur victoire à leur talent inouï et leur défaite à un manque de chance. Avec cet état d’esprit, les perdants sont toujours heureux de parler de leurs victoires passées.
Le bridge occidental requiert le respect des règles et la coopération entre les deux alliés, alors que le mahjong chinois requiert davantage d’autodéfense. Mais quand un des joueurs est sur le point de l’emporter, les trois autres s’allient temporairement contre lui. Des exemples similaires peuvent être trouvés dans les relations sociales. Ces relations peuvent paraître chaotiques aux Occidentaux, mais les Chinois connaissent clairement le réseau. Les pièces dont nous avons tous besoin sont dans les mains des autres, et nous tenons tous des pièces dont les autres ont besoin. Cette complexité ravit le Chinois optimiste. Le mahjong est réellement un jeu créé pour les Chinois, pour s’occuper en utilisant leur intelligence.
Extrait de The Way We Think: Chinese View of Life Philosophy, publié chez Sinolingua Press