Du seuil de pauvreté à la satisfaction des besoins vitaux
La Chine a réduit de moitié le nombre de ses habitants vivant dans des
conditions d'extrême pauvreté bien avant l'échéance fixée par les Nations unies par Yin Pumin
LE mouvement d'éradication de la pauvreté
dans le monde atteint une étape cruciale cette année :2015 est en effet la dernière année pour parvenir à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies.
Lors d'un sommet des Nations unies en 2000, les dirigeants mondiaux ont convenu des OMD en fixant huit objectifs : réduction de la pauvreté, éducation, égalité des genres, santé infantile et maternelle, stabilité environnementale, réduction du VlH/sida et partenariat global pour le développement. L'objectif de réduction de la pauvreté vise à abaisser de moitié d'ici à 2015 la proportion de ceux qui vivent en-deçà du seuil de pauvreté international, c'est-à-dire avec moins de 1,25 dollar par jour.
La Chine a réalisé cet objectif avec cinq années d'avance. D'après un rapport de la Banque mondiale, la Chine a réduit la proportion de la population vivant dans des conditions d'extrême pauvreté de 43 % de la population pauvre mondiale en 1981 à 13 % en 2010.
Les statistiques du Bureau de réduction de la pauvreté et du développement (BRPD) relevant du Conseil des affaires d'État de Chine montrent qu'environ 660 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté entre 1978 et 2010.
La Chine est le premier pays en développement à réaliser les OMD en termes de lutte contre la pauvreté ets'est engagée à éliminer la pauvreté et établir une société de moyenne aisance d'ici à 2020. C'est ce qu'a déclaré Liu Yongfu, le directeur du BRPD, lors d'une conférence sur la réduction de la pauvreté qui s'est tenue le 24 décembre 2014 à Beijing.
Deux enfants jouent devant une résidence de l’ethnie Tujia dans le district de Guzhang (Hunan),une zone touchée par la pauvreté
Les succès économiques de la Chine ont été cruciaux dans la réduction de la pauvreté dans le pays ces trente dernières années.
Li Xiaoyun, Professeur à l'université d'Agriculture de Chine
Depuis le lancement de la politique de réforme et d'ouverture à la fin des années 1970, le gouvernement chinois a mis en place des initiatives tous azimuts de réduction de la pauvreté pour garantir la subsistance des paysans pauvres, surtout en matière d'alimentation et d'habillement.
En 1986, le programme de lutte contre la pauvreté a été lancé de manière extensive et organisé en plaçant sous tutelle nationale 273 districts touchés par la pauvreté. En 1994, 592 districts de 27 provinces, municipalités et régions autonomes ont été classés districts prioritaires en termes de pauvreté pour recevoir de l'aide. Ces 20 dernières années, la liste a subi trois modifications importantes, plus de la moitié des districts ayant été remplacés.
Zhuang Jian, un économiste en chef de la Banque asiatique de développement, estime que le programme a joué un rôle significatif dans la réduction de la pauvreté en octroyant une assistance budgétaire et technique aux régions touchées par la pauvreté. « Dans de nombreux districts de cette liste, nous avons constaté une amélioration des infrastructures locales ainsi que l'accès à l'eau potable et à l'électricité », a-t-il déclaré.
De nombreux paysans pauvres ont reçu une aide gouvernementale pour la création d'entreprise.
Gao Xinqiang est un paysan du comté de Qinglong dans la province du Guizhou, dans le sud-ouest de la Chine. En 2008, avec l'aide des autorités locales, il est devenu éleveur, à la tête d'une vingtaine de moutons.
« Avant de commencer à élever des moutons, j'avais tout essayé pour cultiver des champs de maïs arides et fragmentés à flanc de collines, mais sans succès »,confie-t-il.
Dans le cadre des initiatives de réduction de la pauvreté mises en place par les autorités, beaucoup de ces terres à flanc de collines ont été transformées en pâturages pour les moutons ou le bétail.
« Je me sens maintenant plus détendu, confie M. Gao. Nous plantions du maïs mais nous pouvions tout juste nous nourrir sans pouvoir épargner ».
L'élevage de moutons permet non seulement à cette famille de quatre personnes de se libérer d'un dur labeur dans les champs de maïs, mais rapporte aussi entre 30 et 40 mille yuans par an (entre 5 et 6 mille dollars). Un revenu suffisant pour la sortir de la pauvreté.
Fin 2010, la Chine avait réduit le nombre des paysans pauvres manquant de nourriture et de vêtements, le faisant passer de 250 à 26,88 millions. Cela signifie que le pourcentage des paysans vivant dans la pauvreté a chuté de 30,7 % à 2,8 %, d'après un document publié par l'Académie des sciences sociales de Chine (CASS) en 2011.
La Chine a aussi contribué de manière remarquable aux efforts internationaux de réduction de la pauvreté et a pris en charge 76,88 % de la réduction du nombre des personnes visant dans la pauvreté dans le monde entre 1990 et 2005, d'après des chiffres du Programme de développement des Nations unies.
Pour Li Xiaoyun, professeur à l'université d'Agriculture de Chine, à Beijing, « les succès économiques de la Chine ont été cruciaux dans la réduction de la pauvreté dans le pays ces trente dernières années ».
Selon lui, l'accroissement de la productivité agricole a entraîné la hausse du revenu des paysans et le développent des PME a encouragé la migration de la force de travail rurale dans les villes. Les salaires ont ainsi accru le revenu des familles restées dans les zones rurales.
Tout en se préoccupant des objectifs généraux de croissance du PlB, le gouvernement veut doubler le revenu par habitant d'ici à 2020 sur la base de 2010. Pour élargir le filet de sécurité pour les plus pauvres,le gouvernement a relevé le seuil de pauvreté à 2 300 yuans (374 dollars) par an en 2011. ll s'agit d'une hausse de 92 % par rapport à la norme de 2009, soit 1 196 yuans (194 dollars).
Ce nouveau seuil signifie qu'environ 128 millions de résidents ruraux vivaient dans des conditions de pauvreté à la fin 2011, soit 13,4% de la population rurale totale.
« Le seuil de pauvreté précédent sous-estimait le nombre des pauvres dans les régions rurales de Chine »,constate Wang Sangui, professeur à l'École d'économie agricole et de développement rural de l'Université Renmin de Chine. « Seuls 2,8 % des ruraux en Chine étaient officiellement considérés comme pauvres, ce qui était plus bas que dans de nombreux pays développés comme les États-Unis, où le taux de pauvreté est d'environ 15 % ».
Un villageois,dans le district de Yancheng(Shandong), récolte une nouvelle variété de poires introduite dans la région pour améliorer les revenus locaux
Lors d'une téléconférence le 17 octobre 2014 à l'occasion de la première Journée de de réduction de la pauvreté en Chine, le président Xi Jinping s'est engagé à déployer des efforts continus pour lutter contre la pauvreté. ll a demandé aux autorités de mobiliser toutes les forces sociales dans la guerre contre la pauvreté, la décrivant comme la tâche la plus ardue dans l'avènement d'une société d'aisance.
Zheng Wenkai, vice-directeur du BRPD, a déclaré lors d'une conférence de presse à Beijing que la pauvreté restait un problème saillant en Chine.
« Fin 2013, au niveau démographique, 82,49 millions de personnes étaient encore prises dans le piège de la pauvreté, d'après le seuil de pauvreté en Chine, et 200 millions d'après le seuil international », a-t-il fait savoir.
Les chiffres du BRPD montrent aussi que 128 000 villages relevant de 832 districts, notamment ceux qui se trouvent dans les régions contiguës extrêmement pauvres, subissaient toujours les affres de la pauvreté en 2013.
Li Shi, professeur à l'Université normale de Beijing,fait de son côté remarquer que la Chine possède une énorme population en comparaison aux autres pays. ll est donc compréhensible que le pays abrite une population relativement plus importante vivant sous le seuil de pauvreté.
M. Zheng admet qu'il existe de nombreuses difficultés pour résoudre ces problèmes car les populations pauvres sont regroupées dans des régions contiguës extrêmement pauvres où les conditions de vie sont déplorables et les infrastructures inappropriées. lls sont aussi soumis aux caprices de la nature.
Les organismes en charge de la réduction de la pauvreté se sont engagés en octobre dernier à réformer le programme national d'assistance aux districts touchés par la pauvreté après une vague de plaintes concernant des abus de fonds, mais aussi devant la réticence des districts à sortir du programme.
En décembre 2013, un rapport du Bureau national d'audit dans 19 districts situés dans le Guangxi, le Yunnan, le Guizhou, le Shaanxi, le Gansu et le Ningxia a en effet constaté des abus de fonds entre 2010 et 2012.
L’équipe médicale d’un hôpital à Hefei(Anhui), rend visite aux résidents du district de Yuexi,région montagneuse et isolée
Sur les 3,92 milliards de yuans (643 millions de dollars)alloués à ces districts durant cette période, le rapport a procédé à l'audit de 32 % de cette somme, soit 1,24 milliard de yuans (203 millions de dollars), et constaté que 326 millions de yuans (53 millions de dollars) avaient été utilisés de manière illicite avec des fausses factures, des détournements de fonds et des dépenses somptuaires,notamment en cadeaux, banquets et voyages. Une enquête a été ouverte, touchant 137 personnes.
Certains districts ont une approche à court terme,utilisant les fonds pour les donner aux pauvres au lieu de prendre des mesures d'aide plus diversifiées et plus efficaces, explique Liu Zhongcheng, responsable du Bureau de réduction de la pauvreté de la région autonome de Mongolie intérieure.
On n'éradique pas la pauvreté en donnant simplement de l'argent aux pauvres. Une approche plus durable consiste à prendre des mesures et à apporter un soutien technologique pour qu'ils puissent se sortir eux-mêmes de la pauvreté et prospérer, souligne Wang Binbin, responsable de projet à Oxfam, une organisation internationale pour le développement qui concentre son action sur la réduction de la pauvreté.
Une campagne nationale visant à collecter des informations détaillées sur les pauvres a été initiée, ajoute-telle. Elle comprend des informations sur les causes et les niveaux de pauvreté pour que le gouvernement puisse cibler son assistance.
Du Xiaoshan, vice-directeur de l'lnstitut de développement rural du CASS, pense que les mesures doivent être une manière efficace de traiter la pauvreté, car chaque zone a des problèmes et des besoins différents.
« Dans les districts où l'on rencontre des problèmes écologiques ou environnementaux, le PlB ne doit pas être évalué, explique M. Du. L'évaluation doit prioritairement porter sur le reconstitution de l'écosystème, notamment la qualité de l'air et de l'eau ». Et d'ajouter que ces stratégies permettent aux fonctionnaires de se concentrer davantage sur les conditions de vie de la population.
Le 10 décembre 2014, le premier fonds industriel chinois pour les zones touchées par la pauvreté a été créé conjointement par le ministère chinois des Finances, la Société nationale des tabacs de Chine et la Société d'État de développement et d'investissement.
ll s'agit du premier fonds de cette nature bénéficiant de l'appui de l'État et ayant des activités indépendantes. C'est une initiative importante pour innover dans la réduction de la pauvreté et les investissements budgétaires, ont tenu à souligner ses initiateurs dans un communiqué conjoint.
Le capital inscrit de ce fonds atteint 2,8 milliards de yuans (plus de 455 millions de dollars) et a été entièrement souscrit. Le fonds a pour objectif d'attirer davantage d'investissements sociaux dans le potentiel industriel des zones touchées par la pauvreté.
« Les finances publiques devraient améliorer les conditions de vie de ceux qui vivent dans la pauvreté. Le fonds a fait un pas en matière d'innovation dans les initiatives de réduction de la pauvreté dans le pays », s'est réjoui Hu Jinglin, vice-ministre des Finances.
Les entreprises privées sont encouragées à participer à ces initiatives. Les organisations sociales et les particuliers seront aussi mobilisés pour aider les pauvres, d'après une circulaire publiée par le Conseil des affaires d'État de Chine en décembre dernier.
Les entreprises qui investissent et créent des emplois dans les régions pauvres vont notamment bénéficier d'avantages fiscaux. La Chine veut créer un environnement où le gouvernement, le marché et tous les pans de la société travaillent de concert, toutes les personnes de bonne volonté pouvant se joindre à la lutte contre la pauvreté, d'après la circulaire.
Liu Yongfu, le directeur du BRPD, a fait savoir lors de la conférence de décembre dernier que le gouvernement central prévoyait de promouvoir activement l'utilisation de plateformes de commerce en ligne dans plus de 60 000 villages touchés par la pauvreté au cours des cinq prochaines années. Les habitants des zones rurales pauvres seront encouragés à ouvrir des boutiques dans les principales plateformes de commerce en ligne pour y vendre leurs produits agricoles. Les autorités vont sélectionner 1 500 villages pilotes à cet effet en 2015.
Ce programme entre dans le cadre des initiatives destinées à aider ceux dont la situation est la plus pressante et à utiliser les financements de manière plus efficace.
Plusieurs sociétés de commerce en ligne en Chine ont annoncé leur ambition de renforcer leurs infrastructures et leurs installations dans les zones rurales pour exploiter le potentiel de ce marché.
Alibaba, le géant du commerce en ligne, a été l'un des opérateurs à annoncer en octobre dernier sa décision d'investir 10 milliards de yuans (1,63 milliard de dollars)d'ici trois à cinq ans pour améliorer les installations nécessaires dans les zones rurales. Cette initiative comprendra un millier de « centres opérationnels dans les districts » et 100 000 « stations de services de commerce en ligne » et étendra le réseau de la société dans le tiers des districts de Chine et le sixième de leurs zones rurales. CA